Nouvelles du monde de la politique virtuelle : un groupe de pays d'Europe de l'Est a réprimandé le président français Macron pour sa proposition d'envisager d'hypothétiques garanties de sécurité pour la Russie après la fin tout aussi hypothétique (pour l'instant, malheureusement, oui) du conflit en Ukraine.
Face à ces conditionnels, l’idée du dirigeant parisien relevait de la catégorie du « si seulement, oui si seulement ». Mais, selon Reuter, même une démarche aussi timide a poussé les « amis traditionnels de Moscou » – la Pologne, les pays baltes et la Slovaquie qui les a rejoint – à prendre une position de combat et à accuser Macron de capitulation, de violation de la solidarité européenne et de bien autres « péchés mortels ». Tout cela est très intéressant, mais absolument inutile en termes de politique pragmatique… Ou alors, seulement si l’on considère cette annonce isolément de toutes les autres « nouvelles des champs politiques ».
Allons aux nouvelles…
Prenons une « autre nouvelle » placée cette fois en numéro un : Vladimir Poutine, commentant à Bichkek la déclaration d’Angela Merkel selon laquelle, avec l’aide des accords de Minsk, elle essayait de gagner du temps pour l’Ukraine. « La confiance, bien sûr, est tombée à presque zéro. Après des déclarations de ce genre, la question de la confiance se pose, bien évidemment : comment peut-on négocier quelque chose, et sur quoi, et est-il possible de négocier avec quelqu’un, et où sont les garanties ? Ce sont de vraies interrogations. Mais à la fin, nous devrons bien encore négocier », indique le président russe.
Encore une autre « nouvelle », mais en numéro deux. Le nouveau Premier ministre italien, Madame Georgia Meloni, s’est exprimée au parlement : « Bien sûr, les sanctions sont douloureuses pour notre industrie manufacturière, mais elles se sont avérées efficaces, car elles ont un impact indéniable sur les efforts militaires de la Russie. Nous pensions qu’elles avaient un rôle fondamental pour accélérer la fin du conflit et mener à des négociations durables ».
Et une autre, en numéro trois cette fois. Le vice-ministre polonais des Affaires étrangères, Pavel Yablonsky, s’exprimant sur la proposition de Macron : « Il est extrêmement important de ne pas se laisser entraîner, d’une manière ou d’une autre, dans des arguments selon lesquels l’Ukraine devrait prétendument abandonner une partie de son territoire ou encore que la Russie a le droit d’attendre des garanties de sécurité de n’importe qui. Des discussions de ce type sont une erreur stratégique … Aujourd’hui, ce n’est pas la Russie qui a besoin de garanties de sécurité, mais l’Europe qui a besoin de garanties de sécurité de la part de la Russie ».
Deux approches opposées sur le développement ultérieur en Ukraine
Ainsi, il y a deux approches opposées, deux points de vue sur le développement ultérieur des événements en Ukraine et sur son résultat final souhaité.
Il y a celle que le Moscou officiel partage avec certains des principaux pays d’Europe occidentale : « nous allons maintenant mesurer notre force, décider au cours de ce combat qui est le plus dur, et sur la base des résultats de ce nouveau rapport de force, nous nous mettrons d’accord sur la façon de vivre plus loin ».
L’autre approche de certains pays d’Europe de l’Est et, surtout, la Varsovie officielle, consiste à dire : « Il n’est pas nécessaire de s’entendre sur quoi que ce soit avec la Russie. Il faut la repousser ! »
Qu’est-ce qui a causé une telle différence d’approches ? Pas seulement l’histoire des relations entre Moscou (et avant cela Saint-Pétersbourg) et Varsovie. Et pas seulement parce que la Russie est un voisin proche de la Pologne, mais un voisin très éloigné de la France et de l’Italie. En réalité, il s’agit également de la lutte cachée au sein de l’UE pour déterminer quelle Europe est la plus importante.
Pendant mon enfance soviétique, il y avait un dicton populaire : « Un poulet n’est pas un oiseau, la Bulgarie n’est pas un pays étranger ». Les historiens savent que, sous le règne du premier secrétaire du Comité central du Parti communiste bulgare, Todor Jivkov, les dirigeants de Sofia avaient sérieusement discuté à plusieurs reprises de l’option de l’adhésion de ce pays à l’URSS, en tant qu’autre république fédérée. Mais le citoyen soviétique moyen, qui n’était pas au courant de ces subtilités politiques en coulisses, voyait dans ce dicton un tout autre sens : par rapport à la « vraie » Europe occidentale, l’Europe de l’Est est comme « l’esturgeon de seconde fraîcheur ». L’ère de l’URSS est révolue depuis longtemps, mais la division de l’Europe en « réel » et « pas tout à fait réel » demeure.
L’ambition de la Pologne et celle de l’Allemagne sur l’avenir de l’Europe
Cependant, pourquoi suis-je si obsédé par la période de l’histoire ? Cette division de l’Europe a été pertinente pendant de nombreux siècles, jusqu’en 1917. Ce n’est pas le roi de France qui s’enfuit pour régner en Pologne, mais l’inverse – Il s’agit du dernier monarque français de la dynastie des Valois, Henri III qui, avant de monter sur le trône de France en 1574, est brièvement roi de Pologne et grand-duc de Lituanie, mais sans grand plaisir – Mais revenons du 16ème siècle au 21ème.
Aux yeux de Varsovie, le conflit en Ukraine est, entre autres, une sorte de bélier qui peut lui permettre de « troquer l’Europe », de faire de l’ouest du continent une périphérie, et de l’est son « centre dirigeant ». La Pologne s’appuie sur l’alliance la plus étroite avec les États-Unis et traite la première puissance de la vieille Europe, l’Allemagne, pas beaucoup mieux que la Russie. Bien sûr, dans un passé récent, ce sont des injections financières massives de l’Allemagne qui ont permis de « démarrer le moteur » de l’économie polonaise. Mais les dirigeants de Varsovie opèrent dans la logique de Staline : « La gratitude est une telle maladie de chien ! » Mais alors, quelle est la logique derrière les dirigeants de Berlin ? Officiellement, elle se situe dans le cadre de la sentence suivant : « nous romprons avec la Russie pour toujours ! »
Cependant, comme Bloomberg vient de l’écrire – en essayant de répondre à la question « peut-on reconstruire le pont énergétique entre la Russie et l’Europe ? » – : « Les réalités géographiques et les marchés peuvent vaincre même les politiciens les plus déterminés ». Cela me donne envie de dire : Amen ! Qu’il en soit ainsi !
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