Voici la carte qui montre l’agrandissement de l’Ukraine au cours de l’histoire.
À mon avis, la Russie cherche à s’emparer des parties roses et jaunes, dont la population est majoritairement russophone. L’oblast le plus au nord-ouest de la zone rose est Kharkov, qui est également le nom de la principale ville de cet oblast.
Le 1er mars, la ville avait déjà été attaquée.
Un certain nombre d’impacts d’artillerie (points rouges) ont été enregistrés sur des cibles militaires dans et autour de la ville.
Mais la situation a rapidement stagné. L’actuel maire de Kharkov, Igor Terekhov, est du côté du régime de Zelenski. Les turbulents supporters de football du principal club de la ville avaient formé le premier régiment Azov. Puis un groupe de miliciens a fait sécession, au début de la guerre, pour former le Kraken :
L’unité Kraken a été formée par des vétérans du bataillon Azov le jour où le président russe Vladimir Poutine a lancé une invasion à grande échelle de l’Ukraine en février, a déclaré un porte-parole militaire. Cela fait des Krakens une sorte de petit frère de l’unité Azov, dont les combattants ont acquis une renommée mondiale, le mois dernier, pour leur dernier combat épique à l’intérieur d’Azovstal, un complexe sidérurgique tentaculaire dans la ville portuaire de Marioupol.
Tout comme les combattants d’Azov, dont le nom provient de la mer d’Azov, le nom et l’insigne du régiment évoquent un thème maritime différent : le kraken, un monstre marin mythique ressemblant à un calmar géant.
Leur commandant est Konstantin V. Nemichev, une figure politique et militaire de Kharkiv. Fils d’une institutrice et d’un électricien, Nemichev, 26 ans, s’est lancé dans une carrière politique au sein du parti de droite Corps national avant même d’avoir obtenu son diplôme universitaire, et a notamment tenté, sans succès, l’an dernier de devenir maire de Kharkiv. Il s’était largement appuyé sur le soutien de turbulents jeunes supporters de football, dont beaucoup servent aujourd’hui dans son unité. …
L’unité Kraken opère en quelque sorte dans une zone grise, une force qui relève du ministère de la Défense mais ne fait pas partie des forces armées ukrainiennes. Selon les soldats de Ruska Lozova, l’unité compte environ 1.800 soldats. Le porte-parole militaire a refusé de dire combien de personnes servent dans l’unité.
Les Kraken suivent, comme Azov, une idéologie fasciste. Le maire et les unités des Kraken s’étaient préparés à combattre dans et autour de la ville. Ils avaient fortifié des zones et pris position dans des maisons qui faisaient face aux lignes russes.
Les attaquants russes ne voulaient pas détruire la ville et ses habitants russophones. Ils n’ont jamais reçu l’ordre de lancer une attaque d’envergure. Pendant plusieurs mois, les positions des deux côtés ont à peine évolué. Voici la carte de la situation au 1er mai.
À l’ouest de la carte, les Russes ont abandonné le territoire qu’ils détenaient après avoir inversé le mouvement vers Kiev. À l’est, ils ont gagné la région d’Izium. Mais les combats autour de Kharkov se sont poursuivis pendant plus de deux mois avec des lignes de front presque inchangées.
Puis quelque chose de curieux s’est produit. En un mouvement coordonné, les forces russes autour de Kharkov ont commencé à se retirer. Voici les positions le 15 mai.
Les militaires ukrainiens et le Kraken se sentirent victorieux. Ils avaient « vaincu » l’ennemi. Ils ont quitté leurs positions fortifiées, dans et autour de la ville, pour poursuivre les forces russes qui continuaient à reculer. Ils n’ont pas senti le piège.
Voici la situation le 31 mai.
Les défenseurs de Kharkov se sont retrouvés dans de petites villes ou en rase campagne. Depuis la fin du mois de mai, la carte montre peu de changements, mais les unités ukrainiennes ont subis des bombardements lourds et quotidiens.
Le 5 juin, Stars & Stripes rapportait :
L’unité Kraken qui, ces dernières semaines, a aidé à reprendre des villages au nord de Kharkiv, a rempli ses rangs de « rats de gymnase », de videurs et d'»ultras», ces supporters de football professionnels qui manifestent parfois leur amour pour l’équipe Metalist de Kharkiv par un comportement séditieux. …
Mais leur unité a attiré également des vétérans de l’armée régulière, des combattants paramilitaires éprouvés du Donbass et d’autres volontaires dont l’âge varie entre 25 et 60 ans. …
Lorsque l’unité Kraken a libéré ce village de banlieue d’environ 5 .000 habitants, à la fin du mois d’avril, beaucoup avaient fui. Maleev a estimé mardi qu’il ne restait que 200 personnes environ dans cette ville fantôme récemment libérée. Peu d’entre eux sortent, car les forces ukrainiennes et russes continuent à échanger des tirs de mortier.
Une grande partie du village a également été endommagée ou détruite, notamment l’église Saint-Nicolas, le bâtiment du conseil municipal et un petit hôpital. Ailleurs, une rangée bien alignée de ruches se trouvait dans un champ près de maisons dont les lourdes poutres de toit en bois avaient été brisées et carbonisées.
Le rapport mentionne la présence de plusieurs drones russes dans les airs au-dessus de l’unité. Les soldats se cachent. Ce ne sont pas les seules à avoir été attirés hors de la ville de Kharkov et à avoir reçu un tel traitement.
Depuis la fin du mois de mai, l’artillerie russe ainsi que les bombardements aériens s’abattent sur eux jour après jour. Elle a obtenu les résultats escomptés. La milice ukrainienne a subi des pertes importantes.
Le 26 juin, le ministère russe de la Défense mentionnait le Kraken dans son rapport quotidien :
L’attaque lancée par l’artillerie russe près de Pitomnik (région de Kharkov) a permis d’éliminer jusqu’à 100 militants du groupe nazi Kraken et environ 10 unités d’équipement de combat. Les commandants des militants ont décidé d’abandonner les positions et de ramener ce qui reste de cette unité vers Kharkov. …
Les attaques de haute précision lancées par les forces aérospatiales russes ont permis d’éliminer 4 postes de commandement, dont ceux des bataillons de défense territoriale Kharkov-1 et Kharkov-2 près de Kharkov, ainsi qu’une base d’entraînement de mercenaires déployée près de Nikolayev.
Une centaine de morts et quatre postes de commandement en un jour, c’est beaucoup. Mais ce n’était pas la seule attaque de la journée et la campagne a duré plus de 30 jours. L’ordre du président Poutine de « démilitariser » et de « dénazifier » l’Ukraine est parfaitement exécuté.
Voici la situation le 30 juin.
Après un mois complet de tirs d’artillerie, qui ont fortement diminué les unités qui protégeaient Kharkov à l’origine, les Russes sont à nouveau en mouvement.
La personne qui dirige l’excellente chaîne Military Summary And Analysis a rapporté aujourd’hui (vidéo) que plusieurs villes sur la ligne de front de Kharkov avaient été reprises par les Russes. (Cela ne se reflète pas encore dans la carte pro-ukrainienne que nous utilisons ici). Il a peint des flèches sur la carte qui montrent les futurs mouvements russes qu’il prévoit.
Il s’agit d’un autre mouvement en tenaille autour de Kharkov. Une troisième flèche pourrait probablement être pointée venant de la région d’Izium, au sud-est de Kharkov, que les Russes ont sous leur contrôle.
La ruse pour attraper le kraken a fonctionné. Pendant plus de deux mois, ils ont essayé de prendre Kharkov sans la détruire. Les positions fortifiées dans et autour de la ville rendaient cela impossible.
Le retrait contrôlé vers la zone frontalière a attiré les défenseurs de Kharkov dans des zones à ciel ouvert où l’artillerie russe les a arrosés pendant un mois entier. Maintenant que l’ennemi a été décimé, le mouvement russe vers Kharkov peut reprendre.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
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