Un entretien éclairant avec le philosophe russe Alexandre (Alexander Goulievitch) Douguine, grand théoricien de l’eurasisme et représentant majeur d’une grande vision théorique de la “géopolitique métaphysique”. Bien entendu, Douguine est interrogé sur les événements actuels et leur signification civilisationnelle fondamentale. Douguine affirme une reconfiguration civilisationnelle marquée par le retour de la Tradition avec l’effondrement de la Modernité.
- Contributions :dedefensa.org, Lorenzo Maria Pacini.
Intervenant pour une publication dans la revue italienne ‘Nexus’, Lorenzo Maria Pacini donne une interview du philosophe russe de la “géopolitique métaphysique”, Alexandre (Alexander Goulievitch) Douguine. Pour notre compte et selon ce que nous percevons, l’entretien se lit comme une illustration et une interprétation théorique très ambitieuse des événements actuels, et même le rappel de la qualification du philosophe comme un tenant de l’eurasisme nous paraît inutile, voire même déplacée. Il est incontestable que Douguine juge que la guerre actuelle en Ukraine et les bouleversements qui l’accompagnent constituent les manifestations événementielles d’un tournant fondamental de la situation civilisationnelle, d’une fin, d’une rupture métaphysique (ou métahistorique selon notre dialectique) ; et c’est bien cette “rupture métahistorique” qui importe, bien plus que les événements que les automatismes des pensées emprisonnées du temps s’empressent de qualifier idéologiquement.
On observera donc quelques points à sortir de cet entretien, encore une fois selon notre perception et la classification qualitative que nous donnons au propos.
• D’une part, Douguine estime que l’on se trouve dans la période de “la fin des temps” marquée essentiellement par la chute de la Modernité. Il s’agit d’un bouleversement civilisationnel présenté en un équivalent spirituel et métaphysique de ce qui est interprété par nombre de commentateur comme l’effondrement de la civilisation occidentale et de son ordre (de son désordre) néo-libéral. Qui plus est, – et ceci justifiant à nos yeux notre thèse d’une dimension métahistorique, d’une sorte de “métahistorisation” instantanée jusqu’à croire qu’elle en est l’essence, des événements en-cours, – la période se développe à une vitesse incroyablement rapide, dans une condition où la puissance phénoménale du système de la communication joue à plein ; il s’agit d’une sorte de contraction du “temps métahistorique” qui justifie complètement l’interprétation de “la fin des temps” du point de vue d’une conception cyclique (guénonienne).
• D’autre part, Douguine parle beaucoup plus d’une façon générale, toujours selon notre interprétation qualitative du propos, du point de vue de la spiritualité, comme un croyant à la raison intuitive, affirmé et assumé, de la Tradition primordiale avec son interprétation de la Modernité comme étant le masque (“covidien” ?) de l’épisode diabolique nécessaire à sa vision cyclique. Douguine se place ainsi lui-même, avec toute la force intellectuelle possible, hors de tous les courants idéologiques du XXème siècle, estimant que le libéralisme, le communisme et le fascisme (dont le nazisme) sont tous avatars de la Modernité. Dans un tel contexte, la qualification d’une banale médiocrité d’« intellectuel d’extrême-droite » qui lui est accolé d’une façon pavlovienne par la pensée-Système, est complètement inopérante, inféconde et sans la moindre forme. (C’est le cas lorsqu’on parle d’eurasisme, qui, à notre sens, n’a pas sa place ici.)
« Je suis une personne assez courageuse, et si j'étais un fasciste ou un nazi, je le dirais. Et je me moque de ce que les autres en pensent. De même, si j'étais communiste. Mais je ne suis pas un nazi, un fasciste ou un communiste, et je détaille ma critique de ces visions du monde dans ‘La quatrième théorie politique’ et dans mes autres écrits. Je suis contre l’Occident moderne et toutes ses idéologies - libéralisme, communisme et fascisme. Pour moi, les sujets normatifs de ces trois visions, – l'individu, la classe et la nation (et encore moins la race) ne sont pas acceptables. »
• Dans son interview, Douguine cite le penseur italien Julius Evola, se rapportant à sa vision de la Tradition et nullement du point de vue idéologique de l’attitude d’Evola vis-à-vis du fascisme. (Là aussi, écarter le piège grossier de l’idéologie.) La vision de Douguine est largement guénonienne, pour prendre la référence métaphysique essentielle de l’antimodernité à laquelle Evola lui-même souscrivait peu ou prou. André Compagnon, auteur du livre fameux ‘Les antimodernes’, avait reconnu après sa publication qu’il avait commis l’oubli considérable de ne pas avoir placé la figure majeure de René Guénon au milieu de sa galerie des antimodernes français, – Maistre, Chateaubriand, Baudelaire, Péguy, Bergson, Roland Barthes, etc.
Douguine : « Je suis un traditionaliste, et je crois que le monde moderne est l’opposé du monde de la Tradition. L’Occident moderne a détruit sa propre tradition, la tradition médiévale, la tradition antique, et détruit la tradition chez les autres peuples. En bref, l'Occident moderne est le Satan collectif, l’Antéchrist. À la fin des temps, et nous vivons à la fin des temps, Satan l’emporte sur ceux qui restent fidèles à Dieu, à l'ordre sacré. Mais cela ne dure pas longtemps. Dans la bataille finale, les armées de l’archange Michel, c'est-à-dire nous, sont victorieuses. C'est là l'essentiel : c'est le combat de la Tradition contre le monde moderne, le monde de la Révolution conservatrice. Pour les chrétiens, c'est une guerre contre l'Antéchrist, pour les musulmans contre Dajjal, pour les hindous contre le Kali Yuga, pour les Chinois contre le capitalisme et l'impérialisme occidentaux. »
Comme on le comprend, ce philosophe de la “géopolitique métaphysique” insiste ici beaucoup plus sur l’aspect métaphysique que sur l’aspect géopolitique, comme explication fondamentale de cet épisode de la “fin des temps”. Il n’en donne pas moins, alimentées par sa vision générale, les pré-visions qu’il peut faire sur l’évolution du grand bouleversement en cours, du point de vue des événements en-cours. On retrouve alors aisément une lecture géopolitique de l’effondrement, traçant l’effondrement du système de ce que nous nommons le bloc-BAO, ou plus généralement “le Système” comme moteur fondamental de la Modernité dans l’épisode ultime que nous-mêmes faisons commencer au phénomène métahistorique de ce que nous nommons “déchaînement de la Matière”. Il est alors certes évident que, si Douguine exprime sa conception de l’eurasisme pour la Russie, il le fait au sein d’une évolution “catastrophique” plus générale qui est celle que l’on désigne en général comme “l’effondrement”... L’“effondrement” du Système, de la civilisation occidentale, de la Modernité, etc., selon la démarche intellectuelle et spirituelle que l’on emprunte, tous ces chemins menant, sinon à Rome, tout du moins au même événement de “la fin des temps” exprimé pour notre compte par l’expression des “temps-devenus-fous”, – puisqu’il faut bien finir d’une certaine façon, – et dans ce cas la folie dont la “bêtise métahistorique” est une illustration, est le raccourci le plus décisif .
Nous pensons qu’il est plus enrichissant de lire cet entretien de ce point de vue, plus que selon le point de vue idéologique et polémique habituel, qui est une façon très souvent malheureuse et dangereuse de l’apprécier selon les conceptions de la Modernité, donc d’y emprisonner Douguine alors que toute sa pensée rejette cette Modernité, et de nous-mêmes risquer de nous y perdre. La Modernité et Satan ont à cet égard plus d’un tour de tromperie dans leur sac commun, et mieux vaut alors adopter le point de vue de l’inconnaissance pour tenir toute cette peste à distance.
Il est néanmoins question de Poutine dans les propos de Douguine, donc implicitement des événements brutaux actuels en Ukraine et dans l’ébranlement économique et financier général que nous traversons. Mais cela est fait avec un certain détachement, comme l’on laisse aller les choses courantes (les diverses ‘subcrises’ formant la GrandeCrise), littéralement comme allant de soi. Cela bien compris, Douguine ne repousse nullement la proximité qu’il a, en tant que Russe et bien Russe, avec Poutine. Il s’attarde assez peu, même pour les brouiller, aux pistes habituelles de nos hauts-penseurs atlantistes (la fortune de Poutine, la folie de Poutine, les mensonges de Poutine, la brutalité de Poutine, la dictatorialité-despotique de Poutine, etc.) ; en un mot il les néglige complètement, – scandaleusement jugera-t-on dans les salons et dans les rédactions...
« Mais le libéralisme qui prévaut aujourd’hui ne permet pas la possibilité même d’une critique à partir de la position de la Quatrième théorie politique. Tout ce qui s’y oppose doit être considéré soit comme du fascisme, soit comme du communisme. Les libéraux ne discutent donc pas avec moi, ils se contentent de me diaboliser, de me bannir, puis de colporter une caricature qu’ils ont eux-mêmes créée et qui n’a absolument rien à voir avec moi ou avec mes idées.
» Il en va de même pour Poutine. Il n’est clairement pas un libéral, mais pas non plus un communiste et encore moins un nationaliste... [...]
» Poutine et moi sommes inspirés par la logique du destin russe, défendons l'identité russe, sommes dévoués à la civilisation russe et sommes conscients des règles du grand jeu géopolitique. Je pense que cette coïncidence est spontanée. »
Finalement, Douguine énonce ses jugements de pré-visions, conformes à sa vision, essentiellement à partir du concept de “Dasein”, utilisé comme infinitif substantivé du verbe allemand évidemment de même orthographe, signifiant selon la tradition philosophique “être présent”, puis au sens de “présence” au XVIIème siècle, et essentiellement depuis le XVIIIème jusqu’à Heidegger et encore depuis, au sens d’“existence”. Débouchant sur la brûlante actualité présente (actualité qui “est présente” selon une force colossale dessinant une forme supérieure), on peut proposer que ce terme induit une vision métaphysique de l’histoire, ou vision métahistorique.
« Je crois que le sujet de la politique devrait être le Dasein ou le peuple compris existentiellement, non pas une nation politique, mais l'unité historique et culturelle d'un tout organique, – toujours ouvert et sans rapport avec la citoyenneté ou l’ethnicité. Une nation est une unité de destin. »
Parmi les événements que nous annonce Douguine, on notera avec intérêt celui qui se traduit par un soulèvement des peuples européens contre leurs élites évidemment globalistes, dans une perspective des cinq prochaines années. Bienvenu au club... L’entretien, donc mené par Lorenzo Maria Pacini pour ‘Nexus’, est publié le 30 avril 2022 sur le site ‘euro-synergies-hautetfort.com’.
dedefensa.org
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La Tradition observant l’effondrement
Lorenzo Maria Pacini : « Alexander Goulievitch, le conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine modifie l'ordre géopolitique mondial de manière multipolaire. À votre avis, à quoi ressemblera l’architecture internationale, – disons, dans les cinq prochaines années, – lorsque les combats seront terminés ? Qu’est-ce qui va changer exactement, quels équilibres de pouvoir sur l'échiquier mondial vont émerger et/ou être configurés ? »
Alexander Goulievitch Douguine : « Tout d’abord, un système de trois pôles s'est clairement formé. Chacun d’entre eux a son propre domaine de responsabilité, sa propre monnaie de réserve, son propre ensemble de valeurs culturelles, sa propre stratégie indépendante.
» Ce n’est pas une seule humanité normative qui émergera (en tant que projection de l’Occident libéral et de ses normes et règles), mais trois. Pas un seul ordre libéral basé sur les règles occidentales, mais trois ordres civilisationnels différent avec des idéologies différentes. Ce sera un coup dur pour le globalisme.
» Suite à cet effondrement du monde global, d'autres civilisations se joindront à cette multipolarité. Tout d’abord, je pense, l’Inde. Elle a son propre système, une démographie énorme, un potentiel économique puissant. Le monde peut devenir quadripolaire assez rapidement. Puis viendra le temps du monde islamique, où l'Iran, le Pakistan, la Turquie, et aussi la Syrie, sont déjà des entités souveraines.
» L’Amérique latine et l’Afrique graviteront dans le même sens.
» Et parallèlement à cela, je pense qu'une guerre civile va commencer en Europe, – les peuples d’Europe se soulèveront contre les élites globalistes. Lorsque les continentalistes auront gagné, l'Europe se sera organisée en un autre pôle.
» Et enfin, sous les coups de toutes parts, la dictature globaliste aux États-Unis elle-même s’effondrera, et les Trumpistes comme les continentaux américains créeront un nouvel État. Peut-être le plus fort, peut-être pas. »
Lorenzo Maria Pacini : « La lutte géopolitique est aussi un “choc des civilisations”, selon l’expression de Huntington, qui contraste avec la “fin de l'histoire” prônée par Fukuyama. Plusieurs fois dans vos discours, vous avez parlé d'une “guerre de l'esprit” quand vous évoquiez ce qui se passe. Pourriez-vous expliquer plus clairement votre vision métaphysique de ce conflit ? »
Alexander Goulievitch Douguine : « C'est une longue histoire. Je suis un traditionaliste, et je crois que le monde moderne est l'opposé du monde de la Tradition. L’Occident moderne a détruit sa propre tradition, la tradition médiévale, la tradition antique, et détruit la tradition chez les autres peuples. En bref, l’Occident moderne est le Satan collectif, l’Antéchrist. À la fin des temps, et nous vivons à la fin des temps, Satan l’emporte sur ceux qui restent fidèles à Dieu, à l'ordre sacré. Mais cela ne dure pas longtemps. Dans la bataille finale, les armées de l’archange Michel, c’est-à-dire nous, sont victorieuses. C’est là l’essentiel : c’est le combat de la Tradition contre le monde moderne, le monde de la Révolution conservatrice. Pour les chrétiens, c'est une guerre contre l'Antéchrist, pour les musulmans contre Dajjal, pour les hindous contre le Kali Yuga, pour les Chinois contre le capitalisme et l'impérialisme occidentaux. »
Lorenzo Maria Pacini : « En Italie, vous avez été appelé à plusieurs reprises “l'idéologue de Poutine“ et “le Raspoutine du Kremlin”. Une grande partie de la presse italienne vous associe politiquement à l'extrême-droite, vous qualifiant de “fasciste” ou de “néo-nazi”. Et cela, – comme pour toute personne qui reçoit une “étiquette idéologique” de la part des médias – a en tout cas contribué à changer les perceptions des Italiens, intellectuels ou simples citoyens. À votre avis, qu'est-ce qui a suscité des étiquettes aussi peu judicieuses ? »
Alexander Goulievitch Douguine : « Je suis une personne assez courageuse, et si j'étais un fasciste ou un nazi, je le dirais. Et je me moque de ce que les autres en pensent. De même, si j'étais communiste. Mais je ne suis pas un nazi, un fasciste ou un communiste, et je détaille ma critique de ces visions du monde dans ‘La quatrième théorie politique’et dans mes autres écrits. Je suis contre l'Occident moderne et toutes ses idéologies, – libéralisme, communisme et fascisme. Pour moi, les sujets normatifs de ces trois visions, – l’individu, la classe et la nation (et encore moins la race) ne sont pas acceptables. Je crois que le sujet de la politique devrait être le ‘Dasein’ou le peuple compris existentiellement, non pas une nation politique, mais l’unité historique et culturelle d’un tout organique, – toujours ouvert et sans rapport avec la citoyenneté ou l'ethnicité. Une nation est une unité de destin.
» Mais le libéralisme qui prévaut aujourd’hui ne permet pas la possibilité même d'une critique à partir de la position de la Quatrième théorie politique. Tout ce qui s’y oppose doit être considéré soit comme du fascisme, soit comme du communisme. Les libéraux ne discutent donc pas avec moi, ils se contentent de me diaboliser, de me bannir, puis de colporter une caricature qu’ils ont eux-mêmes créée et qui n'a absolument rien à voir avec moi ou avec mes idées.
» Il en va de même pour Poutine. Il n’est clairement pas un libéral, mais pas non plus un communiste et encore moins un nationaliste. Comment le définissez-vous en Occident ? Comme un mélange de Staline et d’Hitler, il ne faut pas longtemps aux libéraux pour se décider. Et il n’est ni l’un ni l’autre. Les libéraux ne sont pas des nazis, mais ils se comportent comme des nazis. Et leur comportement rappelle également les procès staliniens, même s’ils ne sont pas communistes.
» Je sais tout cela depuis ma jeunesse soviétique : le libéralisme est devenu si totalitaire qu’il ne tolère pas la dissidence et est incapable de polémiquer. Il s’agit d'un monologue. Un tel monologue narcissique sans cervelle est la chose la plus désagréable du fascisme et du communisme. C'est la méthode privilégiée du libéralisme aujourd’hui : si vous n’êtes pas un libéral, vous êtes un ennemi de la société ouverte, c'est-à-dire un “fasciste”. Cela ne peut être modifié selon les vicissitudes du moment. Le camp de concentration idéologique en Occident et dans le monde disparaîtra en même temps que le libéralisme, tout comme les autres idéologies totalitaires occidentales ont disparu. »
Lorenzo Maria Pacini : « Dites-nous, s'il vous plaît, pour notre public italien, qui est de plus en plus intéressé par vos idées, mais qui, en même temps, n'écoute souvent que ce qui est diffusé par les grands médias : quelle est votre relation avec Vladimir Poutine ? »
Alexander Goulievitch Douguine : « Poutine et moi sommes inspirés par la logique du destin russe, défendons l'identité russe, sommes dévoués à la civilisation russe et sommes conscients des règles du grand jeu géopolitique. Je pense que cette coïncidence est spontanée. »
Lorenzo Maria Pacini : « Votre quatrième théorie politique est un dépassement des trois grandes doctrines politiques, et elle fascine aussi les Européens, y compris les Italiens. Y a-t-il, en fait, un élément nouveau qui offre des possibilités pour l'avenir - y compris pour notre pays ? Et, à votre avis, quel rôle joue l'Italie dans la renaissance de l'Europe ? Et dans quelle mesure votre Quatrième théorie politique peut-elle être une voie à suivre ? »
Alexander Goulievitch Douguine : « Je ne peux pas dire que je sois particulièrement impressionné par le patriotisme italien. Je ne suis pas non plus impressionné par aucun État-nation bourgeois créé à l'époque moderne. J'admire Rome et l'Empire romain. Je suis fasciné par la Renaissance italienne. J'aime beaucoup les régions italiennes, – la Sicile, le Nord, etc. Et je suis très impressionné par les travaux et les idées du traditionaliste italien Julius Evola.
» La quatrième théorie politique en Italie doit se fonder logiquement sur le Dasein italien. Mais qu'est-ce que c'est ? Chaque nation a son propre Dasein. Ce n'est pas une catégorie formelle, – pas la citoyenneté, pas l'ethnicité, pas la langue... C'est la structure de la vie et la relation à la mort, c'est la profondeur d'une culture métaphysique et existentielle. Parfois, je pense que je ressens le Dasein italien et que je l'admire. Mais cela nécessite une sérieuse philosophie là. Dans ma série de livres, ‘Noomachia’, l’un des volumes est consacré au Logos latin. Je me penche sur l'histoire de l’Italie, de la Rome antique à nos jours. Mais il ne s’agit encore que d’une approche préliminaire. Décrire et explorer le Dasein italien est l'affaire des Italiens eux-mêmes. C'est également le point sur lequel doit être construite la version italienne spécifique de la Quatrième théorie politique. D'ailleurs, de telles études ont déjà été lancées en Espagne, au Brésil, en Argentine et dans d'autres pays. »
Lorenzo Maria Pacini : « En raison des sanctions (passées et présentes), la Russie est et sera contrainte d'accroître son indépendance vis-à-vis de la finance occidentale. Et selon certains, la possibilité d'un retour à l'étalon-or, surmontant la monnaie fiduciaire qui prévaut depuis les années 1970, lorsque les États-Unis ont imposé au monde une monnaie abstraite sans valeur, est proche. En outre, l'or a une signification symbolique précise que les traditions spirituelles ont toujours prise en compte. Pensez-vous qu'un tel scénario n'aurait qu'une signification économique, ou aurait-il également une signification plus large ? »
Alexander Goulievitch Douguine : « Je m'en tiens ici plutôt à la théorie économique développée par Ezra Pound dans ses ‘Cantos’. L'étalon-or est une catégorie associée à quelque chose d’étranger à une économie particulière et porte déjà en elle, bien que modifiée, la référence à la caisse d’émission. Une monnaie nationale ne devrait être liée qu’au volume du produit national. L’émission est l’affaire de la banque centrale souveraine sans aucune référence à une quelconque mesure étrangère, qu’il s’agisse d’une monnaie de réserve mondiale ou d’un étalon-or. Et pour éviter de déclencher l’inflation, les investissements stratégiques doivent être acheminés par une deuxième boucle, distincte de celle du consommateur de masse. Ce modèle ne dépend pas de l'idéologie, – le New Deal de Roosevelt, l'économie de Staline de 1928-1953 et l'économie de HJalmar Schacht ont été toutes aussi efficaces, tandis que le libéralisme, le communisme ou le nazisme dans d'autres versions auraient pu se conjuguer avec stagnation, effondrement et dégradation. La souveraineté économique, que Pound vantait et que le brillant Silvio Gesell a tenté d’incarner, est la solution optimale. »
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