14 octobre 2021

"Une explosion de burn-out" : après le Covid, les hôpitaux face à une pénurie de soignants

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La crise sanitaire a laissé des traces dans les établissements hospitaliers. Pénuries de soignants, unités fermées ou encore difficultés de recrutement, l'épidémie a creusé les difficultés déjà existantes dans les services de soins mis à mal par les différentes vagues de Covid-19 successives.

A l'approche de la saison hivernale, le personnel reste prudent face à un éventuel regain de l'épidémie. Dimanche, 3991 nouveaux cas positifs au Covid-19 ont été enregistrés lors des dernières 24 heures, selon les chiffres de Santé publique France. Le nombre d'infections continue de baisser, mais 19 départements voient leurs contaminations quotidiennes repartir à la hausse - bien que leur taux d'incidence reste bas. 

"Nous ne sommes pas soucieux sur le plan infectieux ou concernant les malades qui occupent des lits. Ce qui nous préoccupe, c'est l'absentéisme", souligne auprès de L'Express François-René Pruvot, à la tête de la Conférence des présidents de commissions médicales d'établissement de CHU. Déjà gangrenés par le manque de personnel, les lieux de soins voient leurs rangs clairsemés à la suite de la crise sanitaire. "L'absentéisme dans les hôpitaux se situe entre 10 à 15%, il est environ deux points supérieurs à ce qu'il est habituellement", note le chirurgien. Conséquence : des unités d'hospitalisation ferment et certains blocs opératoires ne travaillent pas à 100%. Des difficultés qui touchent l'ensemble du tissu hospitalier en France.  

Parmi les régions sous pression, l'Ile-de-France arrive en bonne position. A l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), on dénombre 520 infirmiers de moins dans les établissements qu'il y a un an, selon les derniers chiffres repris dans Le Monde. L'hôpital de Garches fonctionne à flux tendu, comme l'explique le professeur au service de réanimation, Djillali Annane : "Actuellement on a trois lits de réanimation fermés par manque de personnel et dans le secteur de soins intensifs, huit sont fermés pour les mêmes raisons." Au total, treize postes d'infirmiers sont actuellement vacants à l'hôpital de Garches - sur un total de 70 personnes. Avant la crise sanitaire, la région parisienne souffrait déjà de son manque d'attractivité avec un coût de la vie élevée et des transports en commun parfois contraignants. La levée des demandes de mobilité - bloquées pendant un an pour faire face à la crise sanitaire - a favorisé le départ de certains soignants dans leur région d'origine.

Jusqu'à 20% des postes vacants

"Certains de nos collègues ne voulaient pas revenir après la première vague de la pandémie", raconte le professeur Annane. D'autres sont en arrêt maladie. "Rien qu'au mois de septembre, on a compté six infirmières vaccinées qui ont contracté le Covid-19. Nous comptons aussi une cadre qui souffre d'un Covid long." La vaccination, obligatoire depuis le 15 septembre dans la profession, a quant à elle provoqué quelques absences, mais celles-ci sont restées minimes, d'autant que certains ont depuis régulé leur situation et sont de retour au travail.

Cette situation de pénurie engendre davantage de pression sur les lits ouverts. La répétition des situations de tension devient de moins en moins supportable pour le personnel et la dégradation des conditions de travail pourrait pousser davantage de soignants vers la sortie. Parmi les professionnels de santé, certains abordent la période automne-hiver avec crainte. "Il est possible que l'on voit arriver davantage de formes sévères de grippe - peu présentes ces deux dernières années", alerte le spécialiste. 

Alors que les épidémies hivernales reviennent en force, Rémi Salomon, président de la Commission Médicale d'Etablissement de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, évoque sur Twitter une situation "préoccupante". D'autant que tous les secteurs hospitaliers sont touchés par le manque de bras. A l'hôpital Nord de Marseille, les blocs opératoires peinent à tourner à plein régime. "Au total 10 à 20% des postes sont vacants", indique le professeur Marc Leone, chef du service anesthésie-réanimation de l'établissement des Bouches-du-Rhône. L'hôpital marseillais est donc contraint de limiter le nombre d'activités en fonction des salles disponibles. Même son de cloche lorsqu'on interroge Pierre Thépot, directeur général du groupe hospitalier littoral Atlantique : "L'absentéisme dépasse les 8% dans nos établissements."  

"Actuellement, des infirmières souffrent de stress post-traumatique"

Si tous les territoires semblent concernés par ce problème, des disparités s'accentuent selon l'attractivité des villes. "Dès qu'on s'éloigne de la Rochelle, ça devient plus difficile", admet ainsi Pierre Thépot. Pour pallier ces déséquilibres, les établissements de la région ont décidé de mettre en place des équipes communes - par exemple entre La Rochelle et Rochefort - où le personnel manque davantage. Le directeur de ces établissements note un "effet Covid-19" qui a épuisé les travailleurs contraints de se réinventer face à chaque nouvelle vague. Un argument soutenu par Thierry Amouroux, porte-parole du syndicat national des professionnels infirmiers SNPI CFECGC : "Il y a eu une explosion de burn-out. Actuellement, des infirmières souffrent de stress post-traumatique, car elles ont été confrontées à des choix terribles." 

En plus du Covid-19, le personnel soignant décrit des conditions de travail de plus en plus compliqués. "On s'aperçoit que l'administration veut un technicien spécialisé dans une usine à soins", fustige Thierry Amouroux. Alors que l'image du métier est moins valorisée - notamment sur le plan financier - le recrutement pose aussi question : "Ce n'est pas facile de trouver du personnel compétent. L'hôpital public a un défaut d'attractivité", analyse le professeur Marc Leone. En parallèle, l'encadrement de l'intérim médical pourrait aussi clairsemer les rangs du personnel. "A l'hôpital de Saintes, on nous annonce des grosses pénuries d'urgentistes ou de pneumologues", s'inquiète Pierre Thépot. Pour répondre au manque d'urgentistes, une seule solution, selon lui : fermer les lignes du Service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR).  

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