Au revoir la réforme des retraites et son système à points, totem de la CFDT. Emmanuel Macron a enterré, ce jeudi dans le Lot, la très controversée mère de ses réformes. Du moins, dans sa version portée jusqu’en décembre 2019 par le ministre Jean-Paul Delevoye, qui a démissionné après nos révélations sur ses oublis de déclaration en cascade. Une loi pourtant votée en première lecture par les députés, mais remisée provisoirement en mars 2020 dans les tiroirs de la République pour cause de Covid-19.
Lors d’une déambulation sur le sol de Martel, le chef de l’État a donné le coup de grâce. « Elle (NDLR : la réforme) était très ambitieuse, extrêmement complexe et porteuse d’inquiétudes, il faut le reconnaître, être lucide sur la manière dont le pays l’a vécue », a-t-il expliqué peu après devant la presse. Et de lancer elliptique : « Rien n’est exclu », mais « ce ne sera pas la même réforme », esquivant toute autre question notamment le calendrier : en 2021 ou en 2022 ? Un art du louvoiement pour ne froisser personne en pleine campagne des régionales, ceux qui la réclament comme ceux qui la refusent.
Un déficit estimé à 30 milliards d’euros
Selon nos informations, l’idée d’une grande conférence sociale, fin juin courant juillet, infuse en ce moment à l’Élysée, qui pourrait être le lieu où Emmanuel Macron abattra ses cartes. Le président a d’ailleurs pris le pouls des partenaires sociaux sur le format d’une possible rencontre, lors du sommet social de Porto (Portugal). Si la crise a éclipsé un temps les débats virulents, le sujet des retraites, chiffon rouge des syndicats, reste toujours aussi brûlant. D’autant qu’il est question désormais au sein de l’exécutif, comme le martèle depuis des semaines le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, de faire des économies. Évidemment pour résorber un déficit des retraites estimé à 30 milliards d’euros en 2020 par le Conseil d’orientation des retraites (COR), des chiffres qui seront actualisés prochainement. Mais aussi financer les 3 milliards manquants d’une autre réforme qui devrait être présentée à l’été, celle de la dépendance.
Une version « Retraite 2 » déshabillée de ses contours de projet de société, donc de la réforme systémique par points – ce qui aliénera le soutien de la CFDT-, serait une des pistes sur lesquelles travaille l’exécutif. Avant son départ de Matignon, Édouard Philippe (appuyé par Bercy) avait déjà creusé le sillon début 2020 d’une réforme paramétrique, avec des mesures d’économies immédiates – appelées d’ailleurs de ses vœux par la droite — censées régler le dossier financier « à court terme ». Une approche que Jean Castex avait été invité à poursuivre par Emmanuel Macron, à peine nommé Premier ministre.
Des scénarios à l’étude depuis un an
Le gouvernement ne part pas de rien. C’est justement le sujet d’une note secrète que Le Parisien a révélée le 11 juillet 2020 et qui a été rédigée… en mars 2020 ! Son intitulé ? « Devenir du projet de réforme des retraites ». Un des cinq scénarios propose de mettre en musique un mantra d’Emmanuel Macron : il va falloir travailler plus longtemps. Les auteurs préconisent des mesures d’âges « techniquement envisageables » pour relever progressivement l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, contre 62 actuellement : soit trois mois par génération à partir de la génération de 1962.
Mais aussi « l’instauration d’un âge minimal du taux plein (sans décote) qui peut être combinée avec une baisse de l’âge du taux plein », le premier passerait à 63 ou 64 ans (contre 62 ans actuellement) et le second serait ramené de 67 ans à 65 ans. Avec à la clé des économies conséquentes à horizon 2027 : 5,8 milliards pour le recul à 64 ans, jusqu’à 16 milliards pour les mesures combinées du taux plein, selon des chiffrages du COR et de la direction de la Sécurité sociale.
En matière de durée de cotisation, l’accélération de l’application du calendrier Touraine est également une des pistes. Soit un trimestre de plus par génération, au lieu d’un trimestre supplémentaire tous les trois ans comme actuellement, afin d’atteindre plus rapidement les 43 ans (soit 3,9 milliards d’euros d’économies) ou 44 ans (5 milliards). D’autres scénarios moins inflammables sont aussi envisagés, comme la revalorisation des petites retraites, une option d’un rapport remis par deux députés LREM. « Tout est sur la table », insiste une source gouvernementale.
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