Les commentaires avancent de plus en plus sur la voie, non pas d’un catastrophisme sollicité ou considéré comme une idéologie, mais plus simplement d’une prévision catastrophique comme un fait devant évidemment se produire, – reste à savoir quand... Il faut ajouter que nous parlons des USA en tant que tels, comme on le comprend avec le ton qu’emploie Fred Reed, avec son titre et sous-titre :
"Un pays irrécupérable"
"Certains disent même, discrètement qu’il ne vaut même pas la peine d’essayer de le récupérer."
... Et surtout ses deux premiers paragraphes, ce ton de la complète dérision après 4-5 années de tension terrible et tragique, même si tragédie-bouffe... Reed, le 24 juin 2020 sur UNZ.com :
"Quel plaisir, quel divertissement ! Et si rare : on voit rarement l’effondrement d’une société de cette importance historique sous les coups d’une avalanche de si merveilleuses idioties. Je pourrais vendre des billets pour ce spectacle, je ferais fortune. Ne voyez pas cela comme une perte tragique mais comme un spectacle, un amusement non désiré mais grandiose."
"Le coup de grâce dans notre décadence proliférante est le soulèvement actuel prétendument, quoique invraisemblablement, à propos du racisme. Mais peu importe. Les causes n'ont pas d'importance. L’affaire [l’effondrement des Etats-Unis d’Amérique] est faite..."
Ce sentiment se répand, notamment dans la droite libertarienne (dont Reed fait partie), la plus attachée aux conceptions originelles du pays, avec l’état d’esprit fédéraliste qui donne tant d’importance aux pouvoirs locaux, donc à l’unité nationale du point de vue des comportements, unité sociale, culturelle, etc., même si existe dans les rangs une certaine diversité. L’essentiel pour les libertariens, c’est qu’au-dessus existent des principes intangibles (le système de l’américanisme nous faisait croire en effet qu’il s’agit de “principes”).
Mais aujourd’hui où la populace, dont on voudrait nous faire croire qu’elle est un peuple et non pas une foule, the mob comme ils disent, aujourd’hui où la populace foule aux pieds les symboles les plus “sacrés”, et de toutes les façons les plus essentiels puisqu’ils ont la fonction de l’incarnation de tous les pseudo-“principes” qui tiennent (tenaient) la fragile “Amérique“ en un seul bloc; aujourd’hui, où le ciment se fissure partout et de partout, où les partisans les plus fermes des “principes” (les libertariens) en viennent à la dérision, que reste-t-il à espérer ?
... Pendant ce temps, la maire de Seattle, avec son conseil municipal bardé de gauchistes, a entamé des négociations Peace & Love avec les “insurgés” de la CHAZ-CHOP, pour une évacuation dans la paix et la concorde, pour un summer of love plutôt downtown que dans les blocs d’immeubles investis. Si la “direction” du “Project-CHAZ”, comme ils nomment cela, est d’accord et invite à quitter le carré et à voter Biden et pour la direction démocrate de la ville, – montrant en cela qui dirige la musique, avec la maire en soliste à la voix d’ange, – il existe certains groupes d’“insurgés” qui ont donné un “élément de langage” d’une autre réponse : érection de barricades et apparition de fusils d’assaut AR-15 et AK-47.
La situation est donc fluide, comme l’on dit. Quoi qu’il en soit, Seattle et l’État de Washington apparaissent comme des bastions du radicalisme démocrate, affichant une opposition institutionnalisée et opérationnelle à l’administration Trump.
... Et surtout ses deux premiers paragraphes, ce ton de la complète dérision après 4-5 années de tension terrible et tragique, même si tragédie-bouffe... Reed, le 24 juin 2020 sur UNZ.com :
"Quel plaisir, quel divertissement ! Et si rare : on voit rarement l’effondrement d’une société de cette importance historique sous les coups d’une avalanche de si merveilleuses idioties. Je pourrais vendre des billets pour ce spectacle, je ferais fortune. Ne voyez pas cela comme une perte tragique mais comme un spectacle, un amusement non désiré mais grandiose."
"Le coup de grâce dans notre décadence proliférante est le soulèvement actuel prétendument, quoique invraisemblablement, à propos du racisme. Mais peu importe. Les causes n'ont pas d'importance. L’affaire [l’effondrement des Etats-Unis d’Amérique] est faite..."
Ce sentiment se répand, notamment dans la droite libertarienne (dont Reed fait partie), la plus attachée aux conceptions originelles du pays, avec l’état d’esprit fédéraliste qui donne tant d’importance aux pouvoirs locaux, donc à l’unité nationale du point de vue des comportements, unité sociale, culturelle, etc., même si existe dans les rangs une certaine diversité. L’essentiel pour les libertariens, c’est qu’au-dessus existent des principes intangibles (le système de l’américanisme nous faisait croire en effet qu’il s’agit de “principes”).
Mais aujourd’hui où la populace, dont on voudrait nous faire croire qu’elle est un peuple et non pas une foule, the mob comme ils disent, aujourd’hui où la populace foule aux pieds les symboles les plus “sacrés”, et de toutes les façons les plus essentiels puisqu’ils ont la fonction de l’incarnation de tous les pseudo-“principes” qui tiennent (tenaient) la fragile “Amérique“ en un seul bloc; aujourd’hui, où le ciment se fissure partout et de partout, où les partisans les plus fermes des “principes” (les libertariens) en viennent à la dérision, que reste-t-il à espérer ?
... Pendant ce temps, la maire de Seattle, avec son conseil municipal bardé de gauchistes, a entamé des négociations Peace & Love avec les “insurgés” de la CHAZ-CHOP, pour une évacuation dans la paix et la concorde, pour un summer of love plutôt downtown que dans les blocs d’immeubles investis. Si la “direction” du “Project-CHAZ”, comme ils nomment cela, est d’accord et invite à quitter le carré et à voter Biden et pour la direction démocrate de la ville, – montrant en cela qui dirige la musique, avec la maire en soliste à la voix d’ange, – il existe certains groupes d’“insurgés” qui ont donné un “élément de langage” d’une autre réponse : érection de barricades et apparition de fusils d’assaut AR-15 et AK-47.
La situation est donc fluide, comme l’on dit. Quoi qu’il en soit, Seattle et l’État de Washington apparaissent comme des bastions du radicalisme démocrate, affichant une opposition institutionnalisée et opérationnelle à l’administration Trump.
“Lincoln, réveille-toi, ils sont devenus fous !”
C’est exactement cela : en août 1968, les Pragois, désespérés, furieux, méprisants et impuissants devant les cohortes de chars du Pacte de Varsovie, Soviétiques en tête, écrivaient sur les murs : « Lénine, réveille-toi ils sont devenus fous ! »... Ce qui montre qu’ils ne savaient pas précisément qui était Lénine.
Aujourd’hui, certains parmi les plus idéologiquement rigoureux et marqués à gauche, seraient tentés d’écrire sur les murs, devant le flot des manifestations détournées de leur cours : “Lincoln, réveille-toi ils sont devenus fous !” (Ce qui montre, selon nous, qu’ils ne savent pas précisément qui est Lincoln...)
Ainsi en est-il de nos “amis” trotskistes du site WSWS.org qui commencent leur texte principal qui, à notre avis, a dû être et mis en ligne après les plus minutieuses corrections, pour que la parole d’une si grande et si réelle importance soit exactement celle qu’ils veulent faire entendre. (Texte daté du 24 juin mais daté du 25 juin, puis re-daté du 25 juin, mis inhabituellement tardivement pour les horaires habituellement très stricts du site.) :
« Un mois après l'assassinat de George Floyd, les manifestations multiraciales de masse contre la violence policière risquent d'être détournées et faussement orientées par les forces politiques réactionnaires qui tentent de promouvoir les divisions raciales, de saboter l'unité des travailleurs et de la jeunesse, et de saper le développement de la lutte des classes contre le capitalisme. Cette campagne se concentre désormais sur la profanation et la destruction des statues des personnalités qui ont mené la Révolution américaine et la guerre de Sécession.
» Il est difficile de trouver des mots qui expriment adéquatement le sentiment de révulsion produit par les attaques monstrueuses contre les monuments commémoratifs qui honorent la mémoire d’Abraham Lincoln, le plus grand président des États-Unis, qui a dirigé le pays pendant la deuxième révolution américaine, qui a détruit la puissance esclavagiste et a émancipé des millions d'Africains-Américains réduits en esclavage. »
Complexité des manipulations
Le site trotskiste avait déjà publié un texte contre le déboulonnage des statues des “grands anciens” selon les conceptions marxistes et trotskistes, c’est-à-dire les Founding Fathers et les héros du parti de l’Union (les yankees) durant la Guerre de Sécession, également désignée comme la Civil War. Nous sommes loin, très loin d’avoir la même analyse concernant la Guerre de Sécession, mais c’est un autre débat...
(...C’est certes un “autre débat” mais il nous semble d’une certaine importance. Il nous semble qu’à faire l’apologie de Lincoln, de Grant et de Sherman [ce dernier cité dans le premier texte], c’est faire l’apologie de dirigeants civils et militaires qui, après avoir développé les fondements de la guerre industrielle totale dévastant un pays et ouvrant la voie à l’hécatombe de 1914, ont permis l’établissement sans aucun frein de l’hypercapitalisme et le développement de l’impérialisme yankee comme premier effet de la victoire du Nord sur le Sud ; et également de soldats qui ont allégrement liquidé les nations indiennes , – dont certaines avaient soutenu le Sud, – après la Guerre de Sécession [« Un bon Indien est un Indien mort », confiait fameusement le général Sherman à ses proches et aux journalistes].)
Il reste que cette campagne de liquidation de l’histoire, par destruction des symboles, manque manifestement de manuels historiques basiques pour passer à la moulinettes Grant en plus de Lee, et Lincoln en plus d’Andrew Jackson ; à moins que le tabula rasa soit vraiment la consigne du jour.
(Cela n’est nullement accessoire : ce sentiment de vouloir complètement détruire les structures culturelles et historiques des USA est présent chez certains. Même des dignitaires-Système impeccables s’en aperçoivent, comme le sénateur républicain Lindsay Graham accusant Alexandria Ocasio-Cortez [AOC] et sa bande, et le parti démocrate suivant sans trop rechigner, de ressusciter l’esprit et les méthodes de la Révolution Française.)
Quoi qu’il en soit, WSWS.org développe un très long acte d’accusation contre ce qu’il estime être, derrière l’apparence, une manœuvre du “Parti Unique” (démocrates et républicains) pour diviser un mouvement de protestation que l’on pourrait observer objectivement comme antiSystème, mêlant toutes les races, toutes les communautés, etc. Cette analyse est certainement tout à fait fondée, mais elle n’exclut pas, ce qu’ignore superbement WSWS.org (pour l’instant), une faction réellement extrémiste, racialiste, anti-blanc, etc., comme le sont divers groupes & groupuscules du genre, soutenus par les LGTBQ radicaux. Là aussi, il y a des manipulations, mais il y a aussi du réel, et l’extrémisme peut très bien échapper des mains des manipulateurs et les passer à leur tour à la moulinette.
« Mais aujourd'hui, 155 ans après la tragédie du théâtre Ford[assassinat de Lincoln en 1865], Lincoln fait l’objet d'un second assassinat. Celui-ci ne doit pas réussir.
» Eleanor Holmes Norton, déléguée sans droit de vote au Congrès de Washington DC, a déclaré qu’elle allait présenter un projet de loi visant à retirer le célèbre Monument de l'émancipation du Parc Lincoln à Washington DC. Les manifestants, qui ont fait fi des races des concepteurs, ont déclaré leur intention de démolir le monument, qui a été payé par d'anciens esclaves et salué de façon émouvante par l'abolitionniste noir Frederick Douglass en 1876.
» “Les concepteurs de la statue de l’Emancipation du Lincoln Park à Washington DC n'ont pas pris en compte les opinions des Afro-Américains”, a déclaré Norton dans un Tweet. Les démocrates affirment que la statue rabaisse “la communauté noire” car elle représente Lincoln libérant un esclave accroupi dans une pose de soumission attendant sa libération, pour symboliser la libération apportée par la Guerre de Sécession.
» L’effort réactionnaire de Norton est soutenu par les responsables du Parti démocrate à Boston, qui tiendront des audiences dans les semaines à venir pour examiner les demandes de retrait d'une réplique du Mémorial de l'Emancipation dans cette ville.
» Lincoln n'est pas le seul chef des forces anti-confédérées à être visé. La semaine dernière, à Seattle, une statue d'Ulysses S. Grant, le grand général de l'armée victorieuse de l'Union et plus tard président des États-Unis, a été démolie.
[...]
» L’attaque des monuments Lincoln et d’autres monuments commémoratifs honorant les dirigeants de la Révolution américaine et de la Guerre de Sécession sont des provocations politiques visant à attiser les animosités raciales. Ces provocations sont des formes bien connues de politique communautariste, qui ressemblent à l'incendie de mosquées musulmanes par des fanatiques hindous ou de temples hindous par des fanatiques musulmans. Ici, aux États-Unis, les statues sont attaquées en tant qu’exemples de la domination “blanche”.
» Les attaques contre les statues sont le résultat d'une campagne menée par les deux partis capitalistes et divers éléments réactionnaires de la classe moyenne supérieure pour racialiser et communautariser la politique américaine. L'intensité croissante de cette campagne est une réponse à la montée du militantisme de la classe ouvrière, qui est considérée comme une menace pour le capitalisme. Loin de se réjouir de l’unité interraciale affichée lors des manifestations contre la brutalité policière, les élites dirigeantes et les couches les plus aisées de la classe moyenne sont terrifiées par ses implications politiques.
» Dans la promotion de la politique raciale, il existe une division du travail entre les partis démocrate et républicain. Trump et les Républicains s'adressent aux éléments les plus désorientés politiquement de la société américaine, manipulant leur insécurité économique de manière à inciter à l'antagonisme racial et à détourner la colère sociale du système capitaliste.
» Le parti démocrate utilise une autre variante de la politique communautariste, évaluant et expliquant tous les problèmes et conflits sociaux en termes raciaux. Quel que soit le problème particulier, – pauvreté, brutalité policière, chômage, bas salaires, décès de la pandémie, – il est exclusivement défini en termes raciaux. Dans ce monde fantaisiste racialisé, les “blancs” sont dotés d'un “privilège” inné qui les exempte de toute souffrance.
» Cette distorsion grotesque de la réalité actuelle exige une distorsion non moins grotesque du passé. Pour que l'Amérique contemporaine soit présentée comme une terre de guerre raciale implacable, il est nécessaire de créer une narrative historique à mesure. Au lieu de la lutte des classes, toute l’histoire des États-Unis est présentée comme l'histoire d'un conflit racial perpétuel.
» Même avant le déclenchement de la pandémie, les efforts visant à créer des bases raciales pour la politique communautariste contemporaine étaient bien engagés. Le New York Times, principale porte-voix des donateurs du Corporate Power finançant le parti démocrate, a concocté l’insidieux ‘Project 1619’, dont l’objectif central est de promouvoir une narrative raciale. L’argument principal de ce projet, qui fut dévoilé en août 2019, est que la Révolution américaine a été entreprise pour protéger l'esclavage nord-américain et que la Guerre de Sécession, menée par le raciste Abraham Lincoln, n’avait rien à voir avec la fin de l'esclavage. Les esclaves, selon la nouvelle histoire, se sont libérés eux-mêmes.
» Le but des mensonges sur l'histoire, comme l’a expliqué Trotski, est de dissimuler les véritables contradictions sociales. Dans ce cas, les contradictions sont celles qui sont ancrées dans les niveaux stupéfiants d'inégalité sociale produits par le capitalisme. Ces contradictions ne peuvent être résolues de manière progressive que par les méthodes de la lutte des classes, dans laquelle la classe ouvrière lutte consciemment pour mettre fin au capitalisme et le remplacer par le socialisme. Les efforts pour détourner et saboter cette lutte en dissolvant l'identité de classe dans les miasmes de l'identité raciale mènent inexorablement vers le fascisme.
» Par la promotion d'une version racialiste du communautarisme, toutes les factions de la classe dirigeante cherchent à diviser la classe ouvrière afin de mieux l’exploiter et d'écarter la menace de la révolution. Ce n’est pas un hasard si, alors que la société américaine est sous le poids de la pandémie COVID-19, qui a tué plus de 120 000 personnes et déclenché une crise économique de l’ampleur de la Grande Dépression, les démocrates cherchent de plus en plus férocement à faire de la race la question fondamentale. »
“Démolition contrôlée” selon le “modèle yougoslave” ?
Les statues jouent donc un rôle déterminant. Le colonel Lang avertit que des “protestataires” ont voulu liquider la statue du président Andrew Jackson dans le Parc Lafayette, à un jet de pierre de la Maison-Blanche, dans la nuit du 24 juin, et il est certain qu’ils reviendront, et que fera-t-on alors contre eux ? On est en alerte également autour de la statue de “Lincoln libérant les esclaves”, dans le Parc Lincoln (comme indiqué dans le texte de WSWS.org), et Lang se lamente sur la protection affectée au monument, que ce « trou du cul de Milley » (général quatre étoiles, Président du Comité des chefs d’état-major) juge suffisante et qu’il juge, lui Lang, complètement inadéquate.
Ainsi le travail de destruction, de déconstruction d’une structure qui est pourtant acquise au Système, et donc structure parfaitement déstructurante, se poursuit à son bon rythme. Là-dessus, voici qu’un auteur, Stephen Karganovic, Serbe et Président du “Srebrenica Historical Project” (sans doute mal considéré par la bienpensance), donc connaisseur de la Yougoslavie, propose le “modèle yougoslave” comme analogie de la situation des États-Unis. L’idée est intéressante et l’analyse générale tient bien la route dans le jugement qu’on peut en avoir.
C’est dire si, à partir de ce “modèle”, on en vient très vite à l’idée de la dévolution, de la sécession, bref là aussi de la déstructuration et de la déconstruction (“déconstructuration”) des États-Unis d’Amérique. Karganovic cite le Russe Igor Panarine, qui développe depuis longtemps l’idée de l’éclatement des USA, et qui le fit notamment durant l’automne 2008-2009, à l’ombre de la Grande Récession suivant l’effondrement de Wall Street, dont les USA réussirent à se tirer, pour mieux risquer un effondrement encore plus superbe, comme nous y sommes aujourd’hui.
A la lumière de tous ces événements, de la durée de la crise, de sa structuration, de son bel avenir, on peut consulter la partie du texte de Karganovic, sur Strategic-Culture.org le 25 juin 2020, sur la mécanique du processus conduisant à la guerre civile et à la fragmentation de la Yougoslavie :
(Une expression fort bienvenue dans le texte, comme “image” et symbole du processus en cours, dans le cadre de la postmodernité et de la technologie triomphante, est celle de “démolition contrôlée” pour décrire le processus actuel : « Le processus de démolition contrôlée a commencé et il est dans sa phase initiale. »)
« Ce n’est pas une reprise américaine du modèle Russie-1917 ; avec le modèle Russie-1905, on se trouverait plus proche de la correspondance. Une analogie plus contemporaine et peut-être plus significative conduit à suggérer la référence aux premières étapes du modèle Yougoslavie-1990, avec le processus de dissolution de la Yougoslavie éclatant au début des années 1990.
» Les différences techniques mineures étant dûment reconnues (l’effondrement de la Yougoslavie a été induit avec les tensions ethniques comme principal moteur, alors qu’aux Etats-Unis ce rôle est attribué aux tensions raciales), apparaissent des analogies impressionnantes. Au début des années 1990, en Yougoslavie, le gouvernement fédéral était également désuni dans ses objectifs et son programme politique. Les séparatismes latents qui avaient gardé un profil bas alors que l’économie était bonne et très grande l’inertie avec l’idée centraliste jouissant encore d’un certain prestige, sont soudainement apparus comme des options acceptables et ont commencé à attirer des partisans. La violence a éclaté en certains points de la Yougoslavie (on ne sait toujours pas qui les a choisis et selon quels critères), comme pour tester la volonté et la capacité de structures gouvernementales déconcertées à protéger les citoyens et à maintenir l’ordre. Les demandes de reconfiguration de la fédération yougoslave ont, plutôt que de s’attaquer directement à la marée montante du désordre, été formulées par des dirigeants locaux démagogues qui ont acquis le soutien d’un public divisé et confus. Il est vite devenu évident que leur but n’était pas d’améliorer la fédération mais de s’emparer de certaines parties de celle-ci et d'en faire leurs propres fiefs “indépendants”. Avec l’impuissance croissante des autorités centrales, une médiation internationale, favorisant indubitablement les forces centripètes, s’est imposée. La “mort de la Yougoslavie” (comme l’a dit quelqu’un de célèbre) était alors assurée et programmée, et ceux qui dirigeaient le processus tenaient évidemment à ce que la rigueur morale du défunt soit aussi incontrôlablement violente que possible.
» La Yougoslavie ne serait pas morte si des éléments influents au sein de l’appareil gouvernemental n'avaient pas vu des avantages pour eux-mêmes en contribuant à miner sa vitalité et sa cohésion. Qu’ils aient ou non envisagé avec précision les conséquences ultimes de leur conduite est une question intéressante mais pour l’instant elle peut être laissée de côté. Les destructeurs de l’extérieur du système et leurs complices de facto de l’intérieur du système ont travaillé de concert parce qu’ils ont vu leurs programmes distincts converger sur certains points clefs. En fin de compte, ceux de l’intérieur du système ont mis en mouvement des forces qui ont sapé leur propre autorité, et lorsque la fumée s'est dissipée, ils ont été balayés sans cérémonie.
» Seule une personne dissonante sur le plan cognitif ou volontairement aveugle ne pourrait sentir qu'un schéma similaire se dessine dans l'Amérique post-corona.
[...]
» Le processus de démolition contrôlée a commencé et il est dans sa phase initiale. À moins que des mesures fermes et décisives ne soient prises maintenant pour le contrer en utilisant des méthodes plus civilisées et professionnelles, et moins incendiaires, que celles appliquées aux insurgés de la Branche des Davidiens [massacre de Waco], les tendances émergentes deviendront à chaque fois plus difficiles à contrôler et à inverser. Les forces de police sont par définition la première ligne de défense d'une société cohésive et ordonnée. Leur démoralisation et le retrait du soutien social pour la bonne exécution de leur tâche sont de mauvais augure pour le corps politique en question.
» Tout cela peut être un enchantement pour les oreilles du Professeur Panarine, bien sûr strictement en sa qualité de prédicateur érudit des tendances politiques (et ici aussi). Mais Panarine a le privilège d'observer à distance le développement de ses idées de plus en plus à la mode. Le spectacle est moins amusant à regarder depuis le point zéro. »
‘Slavery Business’ comme ‘Shoah Business’ ?
Une certaine catégorie d’Africains-Américains, – on dira “les institutionnels”, ou bien les 0,1% si vous voulez, ceux qui ont des postes d’influence et d’autorité, y compris politique, dans le Système, ceux qui ont fait fortune dans le Système, – ceux-là, de cette catégorie-là, ne veulent surtout pas mettre à bas le Système. Parfaitement américanisés, ils raisonnent avec une lumière de franchise en forme de $dollar dans le regard, et plutôt en $millions sinon en $milliards. Ce dont on parle, c’est du ‘Slavery Business’ à l’image du ‘Shoah Business’, selon l’expression rendue célèbre par Norman Finkelstein.
Bien que juif, Finkelstein fait depuis longtemps l’objet d’une coriace accusation d’antisémitisme. Mais, à notre sens, le ‘Shoah Business’ n’est pas une idée (ou une manigance) juive mais bien une idée-manigance américaniste. C’est l’idée que tout, absolument tout, se fait et se règle avec le fric, – y compris la culpabilité, le blasphème, la croyance, la religion, la repentance, la mémoire, le péché, la souffrance, l’escroquerie, le chantage, la bonne réputation – et cela va pour les héritiers des bourreaux comme pour les héritiers des victimes dans la mesure où tous ces héritiers se sont américanisés. Ainsi, le ‘Slavery Business’ se place-t-il selon le modèle américaniste du ‘Shoah Business’, et Finkelstein est bien plus un antiSystème qu’un antisémite.
C’est là que le bât blesse, car il n’est nullement assuré que toute la communauté africaine-américaine danse sur le même rythme à cet égard. Les adversaires des actuels événements et du déchaînement bienpensant contre l’antiracisme débusqué dans le moindre pet un peu trop blanchâtre, font des gorges chaudes des déclarations à FoxNews du vieux Robert Johnson, fondateur de la chaîne TV Black Entertainment Television (BET), qui a enregistré son premier $milliard en 2002 et qui est sans doute, aujourd’hui, l’Africain-Américain le plus riche des USA. Johnson se moque ouvertement de la destruction des statues de généraux confédérés et de tous les délires antiracistes, et va jusqu’à manier l’humour en reprenant et adaptant la réplique la plus fameuse (*) du film supposé ‘raciste’ Autant en emporte le vent.
« Johnson a adopté une position tout aussi négative en ce qui concerne les décisions ‘antiracistes’ de retrait de la diffusion[...] de films comme ‘Autant en emporte le vent’ ou de licenciement de professeurs pour avoir dit “Toutes les vies comptent” au lieu du fameux “Les vies noires comptent”. Johnson suggère que ces gestes sont “une tentative des Américains blancs pour apaiser leur sentiment de culpabilité en faisant des choses qui les font se sentir bien” et n'aident en rien les Noirs.
» “Les Noirs se moquent des Blancs qui font cela”, a déclaré Johnson... [...] Qualifiant les “excuses” grandiloquentes de repentance des ‘pipole’ blancs, hollywoodiens et autres, faites sur les médias sociaux, de “l’expression la plus stupide du fameux privilège blanc qui existe dit-on dans ce pays”, Johnson a suggéré que les Blancs privilégiés demandent plutôt aux Noirs ce qu’ils veulent et écoutent leurs réponses. “Acceptez d'être blanc et faites ce qui est juste, et vous n'aurez plus à vous inquiéter d'être triste parce que vous êtes blanc !
» “Les Blancs américains semblent penser que s'ils ne font que des choses émotionnelles ou symboliques, les Noirs vont dire ‘Oh mon Dieu, les Blancs nous aiment parce qu'ils ont abattu une statue de Stonewall Jackson’”, a déclaré Johnson avant de reprendre une citation-culte de ‘Autant en emporte le vent’ : “Franchement, les Noirs s'en foutent”... »
Ces déclarations ne signifient pas que Johnson se désintéresse du sort des Noirs, bien au contraire. Mais il le fait en Africain-Américain complètement américanisé, un peu à la manière du député Clyburn tel qu’en juge le colonel Lang, mais en plus léger et plus aimable, c’est-à-dire en restant complètement dans le Système. C’est lui, Johnson, qui est, comme on l’a vu, directement impliqué dans le projet de tenter d’obtenir du gouvernement US 14.000 $milliards de réparations pour l’esclavage, à distribuer entre tous les Noirs US (soit autour d’un tiers de $million pour chaque Africain-Américain).
Cette façon de faire et d’agir est aussi une façon de garantir, de la part de la haute bourgeoisie noire et des faisants-partie noirs des 0,1% un soutien total au Système, et également un contrôle des mouvements de rue des divers groupes de la gauche radicale. Il n’est pas sûr que tout le monde, dans la communauté africaine-américaine, partage ce point de vue et suive ce comportement, même si l’énorme montagne de fric “pour réparations” parvenait à être mise en place.
De ce point de vue, la situation des Noirs n’est pas loin d’être aussi compliquée que la situation des Blancs, et ce genre de désaccord interne, mis en sommeil lorsqu’on est dans “l’opposition”, peut prendre des allures aiguës et déstabilisatrices au cas où une administration favorable au “mouvement noir” venait au pouvoir, avec une vice-présidente sans doute noire et bientôt présidente, le temps que Biden soit jeté au débarras. C’est alors qu’on découvrira que “mouvement noir”, aux USA, cela ne veut pas dire grand’chose, surtout lorsque WSWS.org veille...
Note
(*) Dans Autant en emporte le vent, au moment où Rhett Butler quitte Scarlett O’Hara, écœuré par son comportement, pour aller au combat alors que la guerre est perdue, Scarlett tente de le retenir en proclamant son amour, l’absurdité de partir faire une guerre perdue, et surtout les risques, la peine et la difficulté de vivre qu’elle va subir s’il s’en va. La fameuse réponse de Butler, joliment dite par Gable : « Frankley, my dear, I don’t give a damn », ce qui peut se traduire, selon l’humeur qu’on a : “Franchement, ma chère, je n’en ai rien à foutre”, ou bien “Franchement, ma chère, je n’en ai rien à battre”. Johnson, qui vient de condamner la stupide volonté d’interdire Autant en emporte le vent (qui finalement n’est pas interdit mais enrichi d’une note disant que le racisme, ce n’est pas bien), emprunte donc cette réplique : « Frankley, the Blacks don’t give a damn. »
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