09 avril 2020

Préparez-vous !


Le journal télévisé du câble a annoncé l’autre jour que les patients atteints de Covid-19 placés en soins intensifs pourraient devoir rester sous respirateur pendant 21 jours. Il y a quelques années seulement, j’ai subi une arthroplastie ordinaire de la hanche. Un mois plus tard environ, j’ai reçu la facture de l’hôpital. L’un de mes articles publiés se présentait comme suit : Chambre et pension : 36 heures… 23 482,79 $. Je ne vous fais pas marcher. C’était juste pour le lit d’hôpital et peut-être quatre mauvais repas, pas pour l’opération ou les médicaments ou quoi que ce soit d’autre. Tout cela a été facturé en plus. Quoi… ?

Imaginez maintenant que vous ayez la chance inouïe de survivre à une infection due au Covid-19, après 21 jours sous respirateur, et de rentrer chez vous. À quoi va ressembler la facture ? Les survivants souhaiteront-ils ne jamais être sortis vivants de l’hôpital ?

En ce moment, nous sommes dans la phase héroïque de la lutte contre un fléau des temps modernes. Les médecins, les infirmières et leurs assistants sont comme les soldats tremblants sur une péniche de débarquement amphibie qui se dirige vers une plage de Normandie où l’ennemi est retranché et les attend, les mains moites agrippées à leurs mitrailleuses dans la puanteur de leur bunker. Certains des médecins et des infirmières seront abattus durant la bataille. Le légendaire brouillard de la guerre dissimulera ce qui arrive au système de santé lui-même, alors que la bataille fait rage. Mais quoi après cela ?

Une chose sera assez claire : les responsables auront donné des milliers de milliards de dollars à Wall Street alors que des dizaines, voire des centaines de milliers de survivants touchés par le Covid-19 auront été anéantis financièrement par des factures médicales gargantuesques.

 
Pensez-vous que le service « facturation » de la routine hospitalière va simplement cesser de faire son travail pendant cette urgence ? Les factures vont continuer – tout comme l’adage proverbial : « La raclée continuera jusqu’à ce que le moral s’améliore ! » Je ne peux même pas imaginer ce que cela impliquera comme « éléments de langage » pour trouver des explications. La rage est peut-être trop intense pour en arriver là. Pour certains, il serait peut-être temps d’affûter les guillotines ?

Entre-temps, bien sûr, l’économie mondiale s’est arrêtée, ce qui me fait penser, en tout cas, que tout modèle de référence antérieur que vous auriez pu avoir au sujet de l’argent, des affaires et de la normalité sociale a disparu. Le monde est toujours là. Nous allons devoir apprendre à y vivre différemment. La partie américaine du monde a besoin d’une modernisation et d’une reprogrammation importantes. Nous avons attendu trop longtemps pour y faire face avec une tragique complaisance mais ce virus nous force la main. Voici les principales choses auxquelles nous devons nous atteler.

Reconsidérer notre façon d’habiter le paysage. Pensez-vous que 20 dollars le baril de pétrole est une aubaine pour le mode de vie béat du « Tout automobile » ? Il va au moins mettre en faillite la plupart des entreprises qui produisent du pétrole de schiste, et c’est de là que provient bien plus de la moitié de notre consommation de ces dernières années. Combien d’Américains ordinaires pourront désormais financer le paiement des traites de leurs voitures ? Dire que les banlieues ne fonctionneront pas très bien dans quelques mois est une façon charitable de s’exprimer.

Les grandes villes ne se remettront pas du traumatisme et des stigmates du virus, mais ce n’est que le début de leurs problèmes. Que feront exactement les pauvres des ghettos qui souffrent, avec l’ordre de rester enfermés jusqu’à la fin du mois d’avril ? Il est peu probable que ces personnes aient mis des provisions en place à l’avance, et dans un mois, elles auront certainement très faim. Comment les grandes villes pourront-elles gérer leurs infrastructures avec des obligations émises sur les marchés financiers massivement défaillants ? Comment pourront-elles fournir des services sociaux lorsque les recettes fiscales se réduiront à un mince ruissellement ? La réponse est qu’elles ne géreront rien du tout. Elles sont devenues trop grandes et trop complexes. Maintenant, elles doivent devenir plus petites, et le processus ne sera pas beau à voir.

Quel sera l’état des affaires de l’Amérique après la Covid-19 ? Si nous avons de la chance, elle cultivera de la nourriture et travaillera à de nombreuses activités qui la soutiennent : le transport, le stockage, la vente, la commande de machines agricoles à petite échelle, y compris des machines pouvant être utilisées avec des chevaux et des bœufs, l’élevage des animaux. Je ne plaisante pas. La culture des aliments se fait à la campagne, là où se trouvent les champs et les pâturages. Là aussi, il y a des villes associées à l’agriculture, où se déroulent une grande partie des activités agricoles et d’autres activités qui les soutiennent. Je crois que nous allons assister à des mouvements démographiques impressionnants vers ces endroits. Il y a des opportunités dans tout cela, un avenir plausible. L’échelle de l’agriculture devra également changer à la baisse. L’agrobusiness, avec ses « intrants » massifs de produits chimiques et son argent emprunté, ne va pas y arriver. Les exploitations agricoles doivent aussi devenir plus petites et plus de gens devront y travailler. Adieu l’ère des chips à tacos !

Si nous voulons nous déplacer dans notre grand pays, et transporter de la nourriture d’un endroit à l’autre, nous ferions mieux de penser à réparer les chemins de fer. Essayez d’imaginer ce que 6 000 milliards de dollars auraient pu faire pour cette activité cruciale. Et je ne parle pas de la très grande vitesse et de la haute technologie ; je parle des chemins de fer qui étaient déjà là. Là où j’habite, les rails sont toujours en place, ils rouillent sous la pluie. Comment avons-nous pu laisser cela se produire ?

Ensuite, il y a la question de savoir comment nous nous comporterons. Vous ne pensez peut-être pas que cela importe vraiment, mais nous sommes devenus si profondément malhonnêtes que cela entrave notre rapport à la réalité. En plus de cela, nous sommes hargneux, impolis, clownesques, fanfarons, cupides et sujets à l’improvisation. Croyez-moi, cela va changer. La difficulté est un excellent moyen de changer d’attitude. Lorsque les Américains se réveilleront du coma corona comme des millions de Rip Van Winkles, il importera pour eux d’être à nouveau droits et d’agir de bonne foi. Ce sera un pays différent.

James Howard Kunstler

Traduit par Hervé, relu par Kira pour le Saker Francophone

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