Mais j'aimerais soulever quelques points de vue qui n'ont guère été abordés ces dernières semaines, et qui indiquent une interprétation des chiffres assez différente de celle sur laquelle le gouvernement agit. Je suis professeur en pathologie récemment retraité et pathologiste consultant du NHS [Système de santé en Grande-Bretagne - NdT], et j'ai passé la plus grande partie de ma vie adulte dans le domaine des soins de santé et des sciences — des domaines qui, trop souvent, sont caractérisés par le doute plutôt que par la certitude. Concernant les données actuelles, elles fournissent la place nécessaires à différentes interprétations. Si certaines de ces autres interprétations sont correctes, ou du moins plus proches de la vérité, alors les conclusions sur les actions requises changeront en conséquence.
La façon la plus simple de juger si nous sommes atteints d'une maladie exceptionnellement mortelle est d'examiner les taux de mortalité. Y a-t-il plus de personnes qui meurent que ce à quoi on s'attendrait de toute façon pour une semaine ou un mois donné ?
Statistiquement, nous nous attendons à ce qu'environ 51 000 personnes meurent en Grande-Bretagne ce mois-ci. Au moment où nous écrivons ces lignes, 422 décès sont liés au Covid-19 — soit 0,8 pour cent de ce total prévu.
Sur une base mondiale, nous nous attendons à ce que 14 millions de personnes meurent au cours des trois premiers mois de l'année. Les 18 944 décès dus aux coronavirus dans le monde représentent 0,14 pour cent de ce total.
Ces chiffres pourraient augmenter, mais ils sont actuellement inférieurs à ceux d'autres maladies infectieuses avec lesquelles nous vivons (comme la grippe). Ce ne sont pas des chiffres qui, en soi, devraient provoquer des réactions mondiales drastiques.
Les premiers chiffres communiqués par la Chine et l'Italie suggéraient un taux de mortalité de 5 à 15 pour cent, semblable à celui de la grippe espagnole. Étant donné que les cas augmentent de manière exponentielle, cet aspect laisse entrevoir des taux de mortalité auxquels aucun système de santé au monde ne pourrait faire face. La nécessité d'éviter ce scénario justifie la mise en place de mesures : la grippe espagnole aurait infecté environ un quart de la population mondiale entre 1918 et 1920, soit environ 500 millions de personnes et 50 millions de décès. Nous avons élaboré des plans d'urgence en cas de pandémie, prêts à être mis en œuvre au cas où cela se reproduirait.
Au moment où nous écrivons ces lignes, les 422 décès et les 8 077 cas connus au Royaume-Uni donnent un taux de mortalité apparent de 5 pour cent. Ce taux est souvent cité comme une situation préoccupante, alors que le taux de mortalité de la grippe saisonnière est estimé à environ 0,1 pour cent. Mais nous devons examiner très attentivement les données. Ces chiffres sont-ils vraiment comparables ?
La plupart des tests effectués au Royaume-Uni l'ont été dans des hôpitaux, où l'on trouve une forte concentration de patients vulnérables aux conséquences de toute type d'infection.
Comme le savent tous ceux qui ont travaillé avec des malades, tout programme de dépistage basé uniquement sur les hôpitaux surestime la virulence d'une infection. De plus, nous ne traitons que les cas de Covid-19 qui ont rendu les gens suffisamment malades ou inquiets pour qu'ils soient testés. Beaucoup d'autres ne sauront même pas qu'ils sont porteurs du virus, soit de façon asymptomatique, soit avec des symptômes légers.
Tout programme de dépistage basé uniquement en milieu hospitalier surestimera la virulence d'une infection.
C'est pourquoi, et alors que la Grande-Bretagne comptait 590 cas diagnostiqués, Sir Patrick Vallance, le principal conseiller scientifique du gouvernement, a suggéré que le chiffre réel se situait probablement entre 5 000 et 10 000 cas, soit dix à vingt fois plus. S'il a raison, le taux de mortalité global dû à ce virus est probablement dix à vingt fois inférieur, soit 0,25 à 0,5 pour cent. Ce qui place le taux de mortalité dû au Covid-19 dans la fourchette associée aux infections comme la grippe.
Mais il y a un autre problème, potentiellement encore plus grave : la façon dont les décès sont enregistrés. Si une personne meurt d'une infection respiratoire au Royaume-Uni, la cause spécifique de l'infection n'est généralement pas enregistrée, à moins que la maladie ne soit une « maladie à déclaration obligatoire » rare. Ainsi, la grande majorité des décès dus à des maladies respiratoires au Royaume-Uni sont enregistrés comme bronchopneumonie, pneumonie, vieillesse ou une désignation similaire. Nous ne faisons pas vraiment de tests pour la grippe ou pour d'autres infections saisonnières. Si le patient a, par exemple, un cancer, une maladie des neurones moteurs [comme la maladie de Charcot - NdT] ou une autre maladie grave, c'est ce paramètre qui sera pris en compte pour enregistrer la cause du décès, même si l'ultime maladie était une infection respiratoire. Cela signifie que les certifications britanniques sous-enregistrent généralement les décès dus aux infections respiratoires.
Examinons maintenant ce qui s'est passé depuis l'émergence du Covid-19. La liste des maladies à déclaration obligatoire a été mise à jour. Cette liste — qui contient également la variole (disparue depuis de nombreuses années) et des maladies telles que l'anthrax, la brucellose, la peste et la rage (que la plupart des médecins britanniques ne verront jamais durant toute leur carrière) — a été modifiée pour inclure le Covid-19. Mais pas la grippe. Cela signifie que tout test positif pour le Covid-19 doit être notifié, contrairement à ce qui se passe pour la grippe ou la plupart des autres infections.
Dans le climat actuel, toute personne testée positive au Covid-19 sera certainement identifiée par le personnel clinique qui s'occupe d'elle : si l'un de ces patients meurt, le personnel devra inscrire la désignation Covid-19 sur le certificat de décès — contrairement à la pratique habituelle pour la plupart des infections de ce type.
Il y a une grande différence entre le Covid-19 responsable d'un décès et la présence du Covid-19 détecté chez une personne décédé en raison d'une ou de plusieurs autres maladies. Rendre le Covid-19 notifiable pourrait donner l'impression qu'il cause un nombre croissant de décès, peu importe si c'est vrai ou pas. C'est simplement en raison de la façon dont les décès sont enregistrés que ce virus peut paraître bien plus meurtrier que la grippe.
Si des mesures drastiques sont prises pour réduire l'incidence du Covid-19, il s'ensuit que le nombre de décès diminuera également. Nous risquons d'être convaincus d'avoir ainsi évité avec succès un problème dont la gravité restera inférieure à que nous avions redouté de prime abord.
Cette façon inhabituelle de signaler les décès dus au Covid-19 explique le constat évident selon lequel la plupart de ses victimes présentent des affections sous-jacentes — des personnes qui seraient de toute façon sensibles à d'autres virus saisonniers, lesquels ne sont pratiquement jamais enregistrés comme une cause spécifique de décès.
Considérons également les graphiques relatifs au Covid-19, qui montrent une augmentation exponentielle des cas — et des décès. Ils peuvent paraître alarmants. Mais si nous suivions de la même manière la grippe ou d'autres virus saisonniers, nous constaterions également une augmentation exponentielle. Nous verrions également certains pays en retard sur d'autres, et nous verrions aussi des taux de mortalité frappants. Les Centers for Disease Control des États-Unis, par exemple, publient chaque semaine des estimations des cas de grippe. Les derniers chiffres montrent que depuis septembre, la grippe a infecté 38 millions d'Américains, provoqué l'hospitalisation de 390 000 personnes, et 23 000 en sont mortes. Ces chiffres ne suscitent pas l'inquiétude du public, parce que la grippe nous est familière.
Les données sur le Covid-19 diffèrent énormément d'un pays à l'autre. Regardez les chiffres pour l'Italie et l'Allemagne. Au moment où nous écrivons ces lignes, l'Italie compte 69 176 cas enregistrés et 6 820 décès, soit un taux de 9,9 pour cent. L'Allemagne compte 32 986 cas et 157 décès, soit un taux de 0,5 pour cent. Pensons-nous que la souche du virus est à ce point différente dans ces pays quasi limitrophes qu'elle puisse représenter des maladies différentes ? Ou que les populations ont une vulnérabilité au virus à ce point distincte que le taux de mortalité peut varier de plus de vingt fois ? Si ce n'est pas le cas, nous devons soupçonner une erreur systématique, à savoir que les données du Covid-19 observables dans les différents pays ne sont pas directement comparables.
Observons ailleurs dans le monde d'autres pourcentages de décès [calculé sur le nombre d'infectés - NdT] : Espagne 7,1 pour cent, États-Unis 1,3 pour cent, Suisse 1,3 pour cent, France 4,3 pour cent, Corée du Sud 1,3 pour cent, Iran 7,8 pour cent. Il est fort probable que nous soyons en train de comparer des pommes et des oranges. Enregistrer des cas où le test de dépistage du virus s'avère positif constitue une donnée très différente de celle qui enregistre le virus en tant que cause principale de décès.
Les premières données en provenance d'Islande, un pays doté d'une organisation très solide pour effectuer des tests à grande échelle au sein de la population, indiquent que les infections presque totalement asymptomatiques représentent jusqu'à 50 pour cent du total. La plupart des autres 50 pour cent sont relativement mineures. Avec 648 cas et deux décès attribués, les chiffres de l'Islande révèlent en fait un taux de mortalité de 0,3 pour cent. À mesure que les tests sur les populations se généraliseront ailleurs dans le monde, nous trouverons une proportion de plus en plus importante de cas où l'infection s'est déjà produite et n'a causé que des effets bénins. En fait, avec le temps, cela deviendra généralement plus vrai aussi, car la plupart des infections ont tendance à diminuer en virulence à mesure qu'une épidémie progresse.
La mort est un indicateur relativement précis. Si une nouvelle infection provoque la mort de nombreuses personnes supplémentaires (par opposition à une infection présente chez des personnes qui seraient mortes de toute façon), elle entraînera une augmentation du taux de mortalité global. Mais nous n'avons pas encore vu de preuves statistiques d'un excès de décès, dans quelque partie du monde que ce soit.
Le Covid-19 peut clairement causer une grave atteinte aux voies respiratoires chez certains patients, en particulier ceux qui ont des problèmes pulmonaires. Les personnes âgées sont probablement plus à risque, comme c'est le cas pour les infections de toutes sortes. L'âge moyen des personnes qui meurent en Italie est de 78,5 ans, avec près de neuf décès sur dix parmi les plus de 70 ans. L'espérance de vie en Italie — c'est-à-dire le nombre d'années que l'on peut espérer vivre à la naissance, toutes choses égales par ailleurs — est de 82,5 ans. Mais toutes choses ne sont pas égales lorsqu'un nouveau virus saisonnier circule.
Il est tout à fait raisonnable, à ce stade, de maintenir un certain degré de distanciation sociale pendant un certain temps, surtout pour les personnes âgées et celles qui sont immunodéprimées. Mais lorsque des mesures drastiques sont introduites, elles doivent l'être sur la base de preuves irréfutables. Dans le cas du Covid-19, ce n'est pas le cas. Le confinement du Royaume-Uni a été mis en place sur la base de modélisations d'une potentielle menace. En savoir plus sur ces modélisations est essentiel. Corrigent-elles l'âge, les conditions préexistantes, la fluctuation de la virulence, les effets de l'attestation de décès [notifiant le Covid-19- NdT] et d'autres facteurs ? Si l'on modifie l'une de ces hypothèses, les résultats — et le nombre de décès estimés — peuvent changer radicalement.
Une grande partie de la réaction face au Covid-19 semble s'expliquer par le fait que ce virus est surveillé d'une manière totalement inédite. Les scènes des hôpitaux italiens sont choquantes, et font de la télévision un lieu sinistre. Mais la télévision n'est pas une science.
Il est clair que les différents confinements ralentiront la propagation du Covid-19, ce qui réduira le nombre de cas. Lorsque nous assouplirons les mesures, il y aura à nouveau plus de cas. Mais cela ne devrait pas constituer un motif pour le maintien du confinement : la propagation des cas n'est une chose à craindre que si nous avons affaire à un virus exceptionnellement mortel. C'est la raison pour laquelle les méthodes utilisées pour enregistrer les données seront extrêmement importantes. À moins de renforcer les critères d'enregistrement des décès dus au seul virus (par opposition à la présence du virus chez les personnes décédées d'autres causes), les chiffres officiels pourraient indiquer un nombre de décès bien plus élevé en apparence que le nombre réel de décès causés par le virus en tant que tel. Qu'en sera-t-il alors ? Comment mesurer les conséquences sanitaires de populations entières privées de vie sociale et d'activité professionnelle, des populations qui n'ont plus de loisirs ni d'objectifs personnels, tout ça pour se protéger d'une menace anticipée ? Alors, quel est le moins dommageable ?
Le débat moral n'est pas celui de la vie contre l'argent. Ce débat oppose des vies contre des vies. Il faudra des mois, voire des années, avant que nous puissions évaluer les implications plus larges de nos actions. Les dommages causés à l'éducation des enfants, la multiplication des suicides, l'augmentation des problèmes de santé mentale, le détournement de ressources médicales jusque là consacrées à d'autres problèmes de santé auxquels nous faisions face efficacement. Ceux qui aujourd'hui ont besoin d'une aide médicale, mais qui ne la solliciteront pas ou à qui on ne la proposera peut-être même pas. Et qu'en est-il des effets sur la production alimentaire et le commerce mondial, dont les conséquences sont incalculables pour les personnes de tous âges, peut-être surtout dans les pays dont l'économie est en développement ?
Partout, les gouvernements disent qu'ils suivent les recommandations scientifiques. Au Royaume-Uni, le gouvernement déclare ne pas être responsables des mesures politiques adoptées, puisqu'ils essaient d'agir de manière responsable en se basant sur les avis scientifiques qui leur sont fournis. Mais les gouvernements doivent se rappeler qu'une science hâtive est presque toujours une mauvaise science.
Nous avons décidé de politiques d'une ampleur extraordinaire sans preuves concrètes de dommages excessifs déjà existants, et sans examen approprié de la science utilisée pour les justifier.
Dans les jours et les semaines à venir, nous devons continuer à examiner de manière critique et impartiale les preuves relatives au Covid-19 au fur et à mesure qu'elles nous parviennent. Par-dessus tout, nous devons garder l'esprit ouvert — et chercher ce qui est, et non ce que nous craignons qu'il puisse en résulter.
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