La levée du confinement en France pourrait intervenir « par étapes », a déclaré le Premier ministre Edouard Philippe.
Des critères d’âge, de région ou d’immunité face au Covid-19 pourraient être choisis pour commander les conditions de sortie progressive du confinement.
La possibilité de tests sanguins d’ampleur ou encore le tracking de la population sont également à l’étude.
« Le déconfinement, ce n’est pas pour demain matin ». Régulièrement, et ce jeudi soir encore, le Premier ministre Edouard Philippe le martèle : il est nécessaire pour la santé de tous de rester à la maison, et probablement bien au-delà du 15 avril, date jusqu’à laquelle est prévu le confinement. Un confinement qui pourrait très vraisemblablement être prolongé pour deux semaines supplémentaires, ce qu’on ignore encore à ce jour. En revanche, « ce qui est à peu près acquis à ce stade, c’est que ce déconfinement ne pourra intervenir que de façon progressive », a répété le chef du gouvernement, mettant en avant la nécessité d’éviter que « nous soyons frappés par une deuxième vague [de coronavirus] qui nous obligerait à nouveau à procéder à des confinements ».
Et la réflexion sur la stratégie de déconfinement sera pilotée par Jean Castex, « un haut fonctionnaire qui connaît parfaitement le monde de la santé et qui est redoutable d’efficacité », à qui revient ici la fonction de ministre du déconfinement. Pour éviter cette deuxième vague tant redoutée, le Premier ministre a indiqué que le déconfinement dépendrait de plusieurs facteurs, dont l’existence d’un traitement (et la chloroquine ?) ou la capacité du pays à conduire massivement des tests, et que « plusieurs scenarii possibles » sont à l’étude. Par région ? Par tranche d’âge ? Ou encore par « passeport » d’immunité ? Plusieurs critères de sortie progressive du confinement sont à l’étude.
Le passage du pic épidémique comme préalable à toute sortie de confinement
Si le gouvernement réfléchit aujourd’hui à la stratégie de déconfinement la mieux adaptée, la fin du confinement entré en vigueur le 17 mars n’est pas encore à l’ordre du jour. En pratique, ce n’est que lorsque la France aura passé le pic épidémique de la vague de Covid-19 qu’une levée progressive du confinement sera envisageable. Car tout l’enjeu est de lisser le pic de l’épidémie et par conséquent contenir le nombre de malades hospitalisés. L’objectif : permettre aux hôpitaux, en particulier les services de réanimation, d’éviter la sursaturation. Or, pour l’heure, les capacités d’accueil en réanimation sont déjà dépassées dans plusieurs régions, à commencer par le Grand-Est et l’Ile-de-France.
Un déconfinement par région ou par âge ?
« Nous étudions l’opportunité et la faisabilité d’un déconfinement qui serait régionalisé, (…) ou en fonction, qui sait, de classes d’âge », a déclaré Edouard Philippe lors de son audition par la mission d’information de l’Assemblée nationale. Si un déconfinement régionalisé était adopté, il pourrait être établi en fonction de l’axe géographique de propagation du Covid-19. Ainsi, la région Grand-Est et l’Ile-de-France, proches du pic épidémique, pourraient être déconfinées les premières, lorsque la courbe des nouvelles contaminations et hospitalisations sera descendante.
Le critère de l’âge est également envisagé. L’évolution du profil des patients Covid-19 sévères admis dans les services de réanimation a évolué au cours des dernières semaines, avec davantage de patients de moins de 60 ans, en comparaison avec les premières semaines de l’épidémie en France. Mais les personnes les plus âgées demeurent les plus vulnérables face à la maladie. Et c’est également le cas des personnes souffrant de maladies chroniques ou qui sont immunodéprimées.
Dépistage massif, tests sanguins et passeport d’immunité
Mais comment lever le confinement sans savoir d’abord qui est porteur du Covid-19 et qui est guéri, donc potentiellement immunisé ? Jean-François Delfraissy, président du "Conseil scientifique" qui murmure à l’oreille de l’exécutif les mesures les plus adaptées à la gestion de cette crise sanitaire majeure du coronavirus, préconise de recourir à la « stratégie de tests massifs, utilisée notamment par les Coréens ». La Corée du Sud fait ainsi figure d’exemple dans la lutte contre l’épidémie, qu’elle a réussi à contenir rapidement en multipliant les opérations de dépistage et en isolant les cas positifs. « Nous avons plusieurs contacts avec des experts coréens » en vue de « la sortie du confinement », révélait Jean-François Delfraissy, le 20 mars à La Croix.
Car aujourd’hui, l’absence actuelle de dépistage massif empêche d’avoir une vision claire de la propagation du coronavirus, alors que 80 % des personnes infectées ne présentent que peu ou pas de symptômes. « On n’a aucune idée de la proportion de la population qui a été contaminée. On ne sait pas combien de gens sont positifs, sont guéris. C’est donc difficile de prévoir quoi que ce soit », déplore l’épidémiologiste Catherine Hill, en insistant sur « l’urgence à faire des tests sur un échantillon représentatif de la population ». Pour l’heure, près de 30.000 tests sont conduits chaque jour.
Très vite, la disponibilité des tests sérologiques va aussi entrer en ligne de compte pour décider quelle politique de déconfinement mettre en œuvre. Or, ces tests par prélèvement sanguin, qui permettront de vérifier le niveau d’anticorps et donc l’immunité de chacun face au virus, ne seront disponibles que « dans les prochains jours, les prochaines semaines », a déclaré le ministre de la Santé Olivier Véran. Quant aux « tests rapides », qui donneront des résultats en quelques minutes, leur réelle montée en puissance (100.000 par jour) n’est prévue qu’au mois de juin. « Le déconfinement doit être conditionné à une campagne de dépistage massif. Cela permettra de déterminer le pourcentage de la population qui a été infecté et de calculer si cela a permis de développer une immunité de groupe. Si tel n’est pas le cas, il faudra décider la prolongation du confinement des personnes qui ne sont pas immunisées », évoque le Dr Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches.
La piste du tracking
Big Brother is watching you ! Enfin peut-être bientôt. La stratégie de déconfinement pourrait être agrémentée d’une touche « orwellienne » si la piste du tracking était retenue. Une politique déjà adoptée en Corée du Sud, où les autorités traquent les déplacements récents de ses ressortissants en croisant données GPS des smartphones, caméras de surveillance et informations bancaires. En France, le président Macron a demandé au comité d’experts Care d’examiner « l’opportunité de la mise en place d’une stratégie numérique d’identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées ».
De son côté, Edouard Philippe a rappelé que ces dispositifs de tracking n’existaient pas en France « parce qu’ils ne seraient pas légalement permis ». Mais « on pourrait peut-être, sur le fondement d’un engagement volontaire, utiliser ces méthodes pour mieux tracer la circulation du virus et les contacts », a-t-il ajouté, ouvrant la voie à une possible surveillance numérique des déplacements des Français.
Quelles possibilités de circulation des personnes après la levée du confinement ?
Après un confinement qui pourrait, qui sait, durer encore plusieurs semaines un peu partout sur la planète, s’il est une envie qui ne fait pas mystère, c’est que tout le monde, en particulier nous autres Occidentaux, aura des envies de soleil, d’évasion et d’escapades après toutes ces semaines cloîtrés à la maison. Mais il n’est pas sûr que ce soit logistiquement possible. Interrogé ce jeudi sur France Info Augustin de Romanet, PDG du groupe Aéroports de Paris, estime qu’un retour à la normale du trafic aérien ne devrait d’ailleurs pas être possible avant le mois de septembre. « Pour qu’un aéroport fonctionne, il faut qu’en face fonctionne un autre aéroport prêt à accueillir les passagers. Or, avec plus de 160 pays affectés par cette pandémie, chaque pays aura me semble-t-il une tendance à avoir ses propres règles pour accueillir les passagers, expose-t-il. Ma crainte, c’est qu’il y a une grande disparité dans les règles qu’appliquent les aéroports et qui fasse que ça redémarre assez lentement ».
Mais outre la problématique logistique, le déconfinement soulève la nécessité d’une réflexion globale et d’une coopération internationale dans sa mise en œuvre. « Jusqu’à présent, l’évolution de la pandémie montre que des foyers s’allument partout sur le globe et que beaucoup de pays ne sont pas en capacité de monter des campagnes de dépistages massifs de la population, souligne l’infectiologue Benjamin Davido. En l’absence à ce jour de traitement et de vaccin, on ne peut pas imaginer un déconfinement total et une reprise sans limites de la circulation des personnes. Il n’est à mon sens pas exclu que la piste des ordonnances de restriction de sortie du territoire soit retenue par l’exécutif, avance le Dr Benjamin Davido, infectiologue. Le pragmatisme commanderait un gel des frontières, peut-être même jusqu’à la fin de l’année ».
Pour l’heure, la France a décidé de prolonger jusqu’à fin octobre ses contrôles aux frontières.
JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
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