Les Boeing 737 MAX sont maintenant cloués au sol un peu partout, sauf aux États-Unis. Que cette décision ne survienne que maintenant est triste. Après le premier accident, il était déjà évident que l’avion n’est pas sûr.
Les Boeing 737 et Airbus 320 sont des avions à une seule allée avec quelque 150 sièges. Tous les deux sont des vaches à lait vendues par centaines avec un bon bénéfice. En 2010, Airbus a décidé d’offrir son A-320 avec une nouvelle option de moteur (NEO), qui consomme moins de carburant. Pour contrer le mouvement Airbus, Boeing a dû suivre. Le 737 disposerait également de nouveaux moteurs pour un vol plus efficace et une plus longue autonomie. Les nouveaux moteurs du 737 MAX sont plus gros et doivent être placés un peu différemment de ceux de la version précédente. Cela a encore une fois modifié les caractéristiques de vol de l’avion en lui donnant une assiette cabrée.
La nouvelle caractéristique de vol du 737 MAX aurait nécessité une nouvelle formation des pilotes. Mais les responsables du marketing de Boeing avaient toujours dit à leurs clients que le 737 MAX ne nécessiterait pas de nouvelle formation approfondie. Au lieu d’une formation coûteuse sur simulateur pour ce nouveau type d’appareil, les pilotes expérimentés n’auraient qu’à lire la partie de la documentation concernant les modifications apportées entre l’ancienne et la nouvelle version.
Pour que cela soit viable, les ingénieurs de Boeing ont dû utiliser un petit truc. Ils ont ajouté un « maneuver characteristics augmentation system » (MCAS) qui rabat le nez de l’avion lorsqu’un capteur détecte un angle d’attaque (AoA) trop élevé pouvant entraîner un décrochage. Cela a rendu la caractéristique de vol de la nouvelle version 737 semblable à l’ancienne.
Mais les ingénieurs se sont plantés.
Le 737 MAX dispose de deux ordinateurs de contrôle de vol. Chacun est connecté à un seul des deux capteurs d’angle d’attaque. Pendant un vol, seul un ordinateur sur deux exécute le contrôle MCAS. S’il détecte un angle d’attaque trop élevé, il ajuste le stabilisateur horizontal pendant environ 10 secondes. Il attend ensuite 5 secondes et lit à nouveau le capteur. Si le capteur continue à présenter un angle d’attaque trop élevé, il ajuste à nouveau le stabilisateur pour faire baisser le nez de l’avion.
MCSA est indépendant du pilote automatique. Il est actif même en vol manuel. Il existe une procédure pour le désactiver mais cela prend du temps.
L’un des capteurs d’angle d’attaque du vol indonésien était défectueux. Malheureusement, il s’agissait de celui qui était connecté à l’ordinateur qui exploitait le MCAS sur ce vol. Peu de temps après le décollage, le capteur a signalé un angle d’attaque trop élevé alors même que l’avion volait dans une montée normale. Le MCAS s’est engagé et a fait piquer l’avion. Les pilotes ont réagi en désactivant le pilote automatique et en tirant le manche à balai vers l’arrière. Le MCAS s’est à nouveau engagé en faisant repiquer l’avion. Les pilotes ont à nouveau tiré le manche à balai. Cela s’est produit environ 12 fois d’affilée avant que l’avion ne s’écrase en mer.
Mettre en œuvre un automatisme capital pour la sécurité qui ne repose que sur un capteur est une conception extrêmement mauvaise. Avoir un automatisme de commande de vol engagé même lorsque le pilote vole manuellement est également un mauvais choix. Mais le vrai crime est que Boeing a caché cette caractéristique.
Ni les compagnies aériennes qui ont acheté les avions, ni les pilotes qui l’ont utilisé, n’ont été informés de la présence du MCAS. Ils ne savaient pas qu’il existait. Ils ne connaissaient pas l’existence d’un système automatique contrôlant le stabilisateur même lorsque le pilote automatique était inactivé. Ils ne savaient pas comment cela pourrait être désactivé.
Neuf jours après la fin du vol 610 de la compagnie indonésienne Lion Air, la Federal Aviation Administration (FAA) a publié une consigne de navigabilité d’urgence.
Les pilotes de 737 MAX étaient consternés. Le syndicat des pilotes APA a envoyé une lettre à ses membres : « C’est la première description que vous, comme pilotes de 737, avez vue. Cela ne figure pas dans la deuxième partie du manuel de vol AA 737, ni dans le Boeing FCOM (manuel d’exploitation de l’équipage de conduite) », indique la lettre du comité de la sécurité du syndicat des pilotes. « La sensibilisation est la clé de tous les problèmes de sécurité. »
L’avion d’Éthiopian Airlines qui s’est écrasé est tombé avec le même profil de vol que l’avion indonésien. Il est fort probable que le MCAS soit à l’origine des deux incidents. Alors que les pilotes de l’avion éthiopien étaient au courant du système MCAS, ils auraient peut-être eu trop peu de temps pour le désactiver. Les enregistreurs de vol ont été retrouvés et raconteront toute l’histoire.
Le Boeing 737 MAX a été vendu à près de 5.000 exemplaires. Jusqu’à présent, quelque 340 ont été livrés. La plupart d’entre eux sont maintenant cloués au sol. Certains membres de la famille des personnes décédées sur le vol indonésien poursuivent Boeing. D’autres vont suivre. Mais Boeing n’est pas le seul responsable.
La FAA certifie tous les nouveaux avions et leur documentation. Pendant quelque temps, j’ai été marginalement impliqué dans la certification des Airbus. C’est un processus extrêmement détaillé qui doit être suivi à la lettre. Des centaines de personnes sont engagées à plein temps pendant des années pour certifier un avion à réaction moderne. La moindre petite vis, et même les plus petits détails de conception du matériel et des logiciels doivent être documentés et certifiés.
Comment ou pourquoi la FAA a-t-elle accepté le 737 MAX avec un MCAS aussi mal conçu ? Comment la FAA pouvait-elle permettre que le MCAS soit laissé de côté dans la documentation ? Quelles mesures ont été prises après le crash du vol indonésien en mer ?
Jusqu’à présent, la FAA était une agence de certification très réputée. D’autres pays ont suivi ses jugements et accepté les certifications délivrées par la FAA. Le fait que la plus grande partie des pays ait maintenant mis le 737 MAX au sol alors qu’il vole toujours aux États-Unis est un signe que cette vision est en train de changer. Les certifications de la FAA sur les avions Boeing sont maintenant suspectes.
Aujourd’hui, le prix de l’action de Boeing a chuté d’environ 7,5%. Je doute que cela soit suffisant pour refléter les problèmes de responsabilité actuels. Chaque compagnie aérienne qui doit maintenant garder ses avions au sol va demander une compensation. Plus de 330 personnes sont décédées et leurs familles méritent réparation. Les commandes pour le 737 MAX seront annulées car les passagers éviteront ce type de vol.
Boeing résoudra le problème du MCAS en utilisant davantage de capteurs ou en modifiant les procédures. Mais le problème le plus important pour l’industrie aéronautique américaine pourrait bien être le préjudice causé à la réputation de la FAA. Si la FAA est perçue au niveau international comme une agence de lobbying pour le secteur du transport aérien américain, on ne lui fera plus confiance et l’industrie en souffrira. Les futurs processus de certification devront passer à travers une jungle d’agences étrangères.
Le Congrès devrait examiner la question de la FAA et demander pourquoi elle a failli.
Moon of Alabama
Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone
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