«Gestion du patrimoine peu rigoureuse», «fonctionnement interne marqué par des dérives»… La Cour des comptes dénonce la gabegie de l'Institut de France et des cinq Académies. Les sages de la rue Cambon évoquent ainsi une gestion qui «demeure très insatisfaisante», «malgré des progrès limités dans des domaines spécifiques», selon un rapport publié en fin de semaine.
La Cour rappelle que l'Institut et les Académies (française, sciences, beaux-arts, inscriptions et belles-lettres, et sciences morales et politiques) sont depuis une réforme de 2006 «libérés de toute tutelle» et «placés sous le contrôle de la Cour des comptes».
La Cour des Comptes s'étonne notamment que «l'apport de l'État au titre du ministère chargé de l'enseignement supérieur a été multiplié par 6,5 d'une année sur l'autre (2010-2011), sans que les missions dévolues à ladite académie aient été modifiées en quoi que ce soit». Les Sages de la rue Cambon soulignent également «le coût représenté par les indemnités versées par l'État à chaque académicien, qui s'est élevé en 2013 à 2,6 millions d'euros».
La Cour épingle par ailleurs la gestion du patrimoine immobilier «déléguée à quelques rares gestionnaires pour des durées anormalement longues et en l'absence de mise en concurrence et de tout contrôle».
Autre critique, la gestion du personnel et la politique salariale. Elles sont «marquées par une absence quasi totale de règles formalisées, notamment en matière d'attribution de primes et d'indemnités», estime la Cour. «Des logements sont attribués à des conditions particulièrement avantageuses, voire gratuitement, sans aucune justification et parfois sans que les instances dirigeantes aient été consultées», s'indignent ainsi les Sages de la rue Cambon. Ils citent l'exemple de Maurice Genevoix, élu académicien en 1949 puis secrétaire perpétuel de l'Académie française en 1958 avant de démissionner en 1974, qui avait continué à bénéficier gracieusement d'un appartement de 137m2 même après avoir quitté ses fonctions. Plus étonnant encore, à sa mort, son épouse est restée dans ce logement aux mêmes conditions, jusqu'à son décès en 2012, les locaux ont ensuite été reloués pour un loyer mensuel de 3450 euros.
Depuis la publication du rapport, l'institut de France «a pris des des mesures afin d'améliorer l'efficacité de sa gestion»
Une porte-parole de l'institut
Autre situation pour le moins étonnante, l'exemple de Maurice Druon. Le secrétaire perpétuel de l'académie française avait annoncé qu'aucun appartement du parc immobilier de l'académie ne correspondait à ses souhaits, la commission l'avait alors laissé choisir un logement. Celui qui s'était opposé à l'entrée de la première académicienne en 1980, Marguerite Yourcenar, avait ainsi élu domicile, aux frais de l'Académie, dans un appartement de sept pièces dans le 7e arrondissement d'une valeur de 5400 euros par mois. Puis à la mort de ce dernier, l'Académie avait décidé de verser une participation financière de 3000 euros par mois à sa veuve sans justification. La Cour des comptes souligne ainsi que «de nombreux régimes de faveur sont accordés sans base juridique ou sans fondement objectif, notamment en matière de logement».
La Cour des comptes relève en outre que la masse salariale s'est accrue, depuis 2005, de 6 % à 60 % selon l'Académie «alors que l'effectif est resté globalement stable». Elle évoque ainsi la hausse exponentielle des salaires des présidents des fondations Claude-Monet et Marmottan Monet qui sont passées respectivement de 1300 en 2006 à 4000 euros en 2013 et de 1200 en 2007 à 5000 euros en 2013. En plus de ces indemnités, la Cour fait mention de «d'avantages en nature injustifiés».
Fort de ces constats, le rapport préconise «une meilleure coordination des institutions entre elles» et «une remise en concurrence de l'ensemble des mandats de gestion». La Cour recommande également de «procéder à une évaluation par l'État de la dépense fiscale liée aux mécénats reçus» par les quelque 1100 fondations abritées par ces institutions.
L'institut de France indique qu'il va suivre les recommandations de la Cour des comptes. Il souligne par ailleurs que le rapport de la cour des comptes a été réalisé sur une période allant de 2005 à 2013, et l'institut «a, depuis, pris des mesures afin d'améliorer l'efficacité de sa gestion», souligne une porte-parole. Ainsi «deux commissions ont été mises en place, depuis 2012, un audit et une démarche de certification des comptes sont en cours, ainsi que l'a recommandé la Cour des Comptes. Un rapport annuel doit en outre être publié».
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