06 février 2019

La tentative américaine de coup d’État au Venezuela manque de soutien international


Il n’y a guère de doute sur la position des médias « occidentaux » au sujet de la tentative de coup d’État menée par les États-Unis au Venezuela. Mais leur point de vue ne reflète pas la reconnaissance internationale extraordinaire que le gouvernement vénézuélien, dirigé par le président Nicolás Maduro, continue d’avoir.

The Economist, l’organe interne de la famille Rothschild, a modifié l’image d’arrière-plan de son compte Twitter pour la remplacer par celle du Mec au hasard ™, Juan Guaidó, fabriqué par les changeurs de régime américains pour diriger le pays.

Le tweet est assez révélateur :

The Economist @TheEconomist – 23:59 utc- 31 janvier 2019

Juan Guaidó et Donald Trump parient que les sanctions renverseront le régime avant que le peuple vénézuélien ne meure de faim. econ.st/2DMOeEk

Il est évident que l’opération illégale de changement de régime de Trump tuera plus de Vénézuéliens. The Economist soutient cette stratégie de famine.

Les agences de presse supposées neutres ne valent pas mieux que le magazine archi-néolibéral. Le bureau de Reuters en Amérique latine a également changé son image d’en-tête pour celle du Mec au hasard ™. Il est revenu en arrière après avoir été semoncé.

L’Agence France-Presse a annoncé hier à 11h10 que « des dizaines de milliers de personnes » participeraient à un rassemblement.

AFP agence de presse @AFP – 11h10 utc – 2 février 2019

Des dizaines de milliers de manifestants vont affluer dans les rues de la capitale vénézuélienne #Caracas samedi pour soutenir les appels du président de l’opposition Juan Guaido à la tenue d’élections anticipées alors que la pression internationale sur le président Maduro s’intensifie pour qu’il quitte le pouvoir http://u.afp.com/Jouu

C’était à 7h10, heure locale de Caracas, plusieurs heures avant le rassemblement. Un tel « rapport prédictif » est maintenant censé être une « nouvelle ». Un peu plus tard, l’AFP a posté une vidéo :

AFP agence de presse @AFP – 15:50 utc – 2 fév 2019

VIDÉO : Des milliers de manifestants de l’opposition envahissent les rues de Caracas pour soutenir le leader de l’opposition du Venezuela, Juan Guaido, qui appelle à des élections anticipées, alors que la pression internationale augmente pour que le président Nicolas Maduro démissionne.

C’était à 11h50 heure locale. La vidéo ci-jointe ne montre pas « des milliers », mais environ deux cent personnes dans les environs.

Quelques heures plus tard, un rassemblement pro Mec au hasard ™ a effectivement eu lieu. D’après ce que j’ai compris, 50 à 80 000 personnes y ont assisté (d’autres estiment moins). Des drapeaux des États-Unis et d’Israël ont été brandis : 1, 2, 3, 4.
Des rassemblements pro-Chavistes ont eu lieu dans plusieurs villes vénézuéliennes. Celles-ci n’étaient pas présentées comme des manifestations anti-coup d’État, mais comme des commémorations du vingtième anniversaire des politiques socialistes. Cela aurait pu affecter leur taille. Quelque 20 à 30 mille personnes ont pris part au rassemblement à Caracas: 1, 2, 3.

Le rapport du New York Times sur les événements survenus hier au Venezuela mentionne les rassemblements en faveur du gouvernement uniquement aux paragraphes 33 à 35 de ses 37 paragraphes.

Le rapport, plus court, du Washington Post les met aux paragraphes 15 et 16 avec une rédaction délibérément construite pour que les rassemblements paraissent minuscules et que Maduro passe pour un menteur :

La manifestation pro-gouvernementale dans le centre de Caracas avait attiré environ trois cent personnes vers 10 h 30. Vêtues de rouge et portant les drapeaux du parti au pouvoir, elles se dirigeaient vers le palais présidentiel.

« Notre peuple, une fois de plus, déborde de cette avenue », a déclaré Maduro, s’adressant à ses partisans. « Ceux qui nous accusent d’être une dictature doivent savoir que depuis la fondation de la révolution, nous sommes devenus un peuple profondément libre et démocratique. Le Venezuela n’aura jamais de dictature. »

Le rassemblement a eu lieu l’après-midi. Le nombre de personnes qui se sont promenées quelque part à 10h30 est sans incidence sur la participation totale. Les images prouvent que le lieu où s’est déroulé le rassemblement était en fait assez rempli.

Pendant son discours, Maduro a appelé à de nouvelles élections au Parlement vénézuélien, l’Assemblée nationale. Le parlement, qui ne fonctionne pas actuellement car la Cour suprême a bloqué son pouvoir pour n’avoir pas suivi ses jugements, est contrôlé par l’opposition.

Les États-Unis s’efforcent à présent de miser sur « l’aide » qu’ils veulent fournir à l’opposition au Venezuela. Le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, avait initialement prévu de la transmettre par l’intermédiaire de la Croix-Rouge :

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a déclaré samedi dernier que nous serions prêts à faire un don initial de 20 millions de dollars à la Croix-Rouge, au Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Nous examinons donc tout cela très attentivement.

Mais la Croix-Rouge a rejeté cette politisation de son rôle traditionnellement neutre :

Alexandra Boivin, chef de la délégation du CICR aux États-Unis et au Canada, a déclaré que le CICR avait déclaré à des responsables américains que, quels que soient les projets « ils doivent aider le peuple du Venezuela, et le protéger des débats politiques ».

Le directeur des opérations internationales du CICR, Dominik Stillhart, a déclaré que le comité ne participerait à de tels efforts coordonnés que s’ils sont exécutés « avec l’accord des autorités, quelles qu’elles soient. »

Un nouveau schéma était étudié :

[Le Mec au hasard] a déclaré que dans les prochains jours, l’opposition essaierait d’acheminer l’aide humanitaire vers le pays par voie terrestre et maritime en trois points de la frontière, y compris la ville colombienne de Cucuta. Il a décrit cette démarche comme un « test » pour les forces armées vénézuéliennes, qui devront choisir si elles laissent passer l’aide indispensable, ou si elles obéissent aux ordres du gouvernement de Maduro.

« L’aide » doit être minutieusement vérifiée avant de pénétrer dans le pays et le gouvernement devrait veiller à la distribuer équitablement. Pendant la guerre contre la Syrie, ce que l’on appelle l‘« aide humanitaire » de la Turquie, d’Israël et de la Jordanie a été utilisée comme couverture pour des transports à grande échelle d’armes et de munitions, qui ont pour la plupart abouti entre les mains de djihadistes.

Jusqu’à présent, l’armée vénézuélienne s’est avérée être solidement dans le camp du gouvernement. Deux officiers, un attaché militaire à l’ambassade du Venezuela à Washington DC et un général de l’armée de l’air qui s’est enfui en Colombie, sont les seuls transfuges connus. Tous deux avaient des emplois de bureau et ne commandaient aucune unité opérationnelle. Cette analyse indique que, sans soutien militaire, la tentative de coup d’État ne réussira probablement pas. Comme le conclut l’auteur vénézuélien :

Pour le moment, le Venezuela fait face à un gouvernement faible sur les plans économique et social, mais doté d’institutions judiciaires et militaires solides. Ce sera le cas tant que les fissures émergentes dans le chavisme – affaibli par les pressions de la communauté internationale – ne prennent pas une ampleur pouvant nuire à la stabilité du gouvernement. Cependant, tant que la stratégie du gouvernement américain reposera sur des menaces, le chavisme aura une raison de rester fort et unifié.

Les États-Unis n’ont pas obtenu le soutien de la communauté internationale en faveur de la reconnaissance du Mec au hasard en tant que président du Venezuela. Jusqu’à présent, seuls le Canada, Israël et quatorze États d’Amérique latine ont pris ce parti. Aucune organisation internationale ne soutient sa position. Le Mexique et l’Uruguay, tous deux membres du groupe de Lima – une « coalition des volontaires » créée par le Canada – ont refusé de reconnaître Guaido et ont appelé à de nouvelles élections. La tentative du secrétaire d’État Pompeo de convaincre l’Organisation des États américains (OEA) a échoué :

Les efforts ont été vains, ne recueillant que 16 voix favorables sur les 34 pays, les alliés américains Guyana, Santa Lucia et la Jamaïque s’étant abstenus.
Le secrétaire général des Nations Unies, Guterres, a annoncé que l’ONU ne reconnaissait que le gouvernement Maduro. L’Italie a bloqué la reconnaissance du Mec au hasard par l’Union européenne alors que le Parlement européen, qui n’a aucun pouvoir en matière de politique étrangère, a suivi la position américaine. L’UE demande maintenant seulement que de nouvelles élections soient organisées dans le futur. L’Union africaine soutient Maduro et s’est prononcée contre la tentative de coup d’État. La Russie, la Chine, la Turquie, membre de l’OTAN, l’Iran et la Syrie ont exprimé leur soutien au gouvernement Maduro.

Au total, le « soutien international » que la tentative de coup d’État menée par les États-Unis a obtenu jusqu’à présent est assez mince. Cela n’a aucune légitimité. Malheureusement, seuls quelques-uns des médias « occidentaux » le diront, peut-être.

Moon of Alabama

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