© Charles Platiau Source: Reuters
Elisabeth Borne, Nicolas Hulot et Edouard Philippe à Matignon, décembre 2017, illustration Le journal Les Echos a choisi de ne pas publier une interview d'Elisabeth Borne, trop corrigée par les services du Premier ministre au goût de la rédaction. Au premier jour de la grève décidée par les syndicats de la SNCF, aucun couac n'est permis.
Le ministre de la Transition écologique chargé des transports, Elisabeth Borne, est incollable sur le sujet de la SNCF dont elle a dirigé la stratégie pendant cinq ans. Mais est-ce assez pour mériter la confiance de son gouvernement ? Visiblement pas : à en croire le journal Les Echos, l'interview qu'elle avait accordée à ce journal et qui devait être publiée le 13 mars a été en grande partie réécrite par Matignon. A tel point que le quotidien a choisi de ne pas la publier.
Et de s'en expliquer dans ses propres colonnes : «A Matignon, la volonté de contrôle sur cette ministre "technique" peut être vexatoire. Une interview, pourtant prudente, de cette dernière a été tellement réécrite par les services du Premier ministre que Les Échos refusent de la publier le 13 mars.»
Plus tôt dans l'année, le 15 janvier, le journal La Voix du Nord avait déjà annoncé sa décision de mettre fin à la relecture des articles par les interviewés. Le rédacteur en chef du quotidien avait tenu à préciser : «Jusque-là, comme la quasi-totalité de nos confrères, nous acceptions cette relecture sous prétexte que la parole d'un ministre a quasiment force de loi. Mais si certains des interviewés jouent le jeu en corrigeant à la marge des aspects techniques, la relecture est devenue un exercice de réécriture pour la plupart. Dernièrement, on nous a renvoyé un texte totalement "caviardé", coupant des réponses qui avaient été faites et ajoutant des questions qui n'avaient pas été posées !»
On nous a renvoyé un texte totalement "caviardé", coupant des réponses qui avaient été faites et ajoutant des questions qui n'avaient pas été posées !
Le rédacteur en chef de ce journal français de premier plan s'interroge même : «À quoi bon publier des propos polis, lissés, rabotés, aseptisés par des communicants ?» Et de conclure : «Nous mettons donc fin aujourd'hui à cette pratique.»
Le 3 avril marque la première journée du mouvement de grève perlée décidé par les syndicats de la SNCF, un vrai test pour le gouvernement d'Edouard Philippe et le début d'un bras de fer social qui pourrait durer plusieurs semaines. La relecture musclée de l'interview d'Elisabeth Borne qui devait être publiée le 13 mars a-t-elle tenu compte de ce contexte tendu ? L'histoire ne le dit pas, mais révèle, en creux, l'idée que se font le gouvernement et la présidence de l'indépendance médiatique en France.
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