La clé de leurs intentions est contenue dans une phrase, à la page 22 du document, où ils déclarent :
« Pour aider à préserver la dissuasion et l’assurance des alliés et des partenaires, les États-Unis n’ont jamais adopté une politique de ‘non-utilisation en premier’ et, compte tenu des menaces actuelles, une telle politique n’est pas justifiée aujourd’hui. La politique des États-Unis reste celle de conserver une certaine ambiguïté concernant les circonstances précises qui pourraient mener à une réponse nucléaire de leur part. »
En d’autres termes, ils disent :
« Nous vous laisserons deviner quand et contre qui nous les utiliserons. Nous conserverons notre rôle de plus grand État terroriste en maintenant constamment l’épée de Damoclès nucléaire au-dessus de la tête des peuples du monde pour être sûrs que le monde agit dans le sens de nos intérêts. »
L’épée nucléaire américaine qu’ils sont en train de fabriquer sera affûtée avec des armes atomiques plus petites, plus utilisables sur le champ de bataille sur terre, sur mer et dans les airs. Mais alors que jusqu’à présent les armes nucléaires étaient considérées comme une catégorie spécifique d’armes dont l’usage signifie la mort de dizaines ou de centaines de milliers de gens, considérées comme immorales et illégales par le droit international, elles sont aujourd’hui considérées par les Américains comme une sorte d’armes conventionnelles, une partie de leur système d’armement conventionnel. Cela fait croître le risque que leur usage passe d’une possibilité à une certitude car ils menacent de les utiliser contre toute situation qui, de leur point de vue, l’exige même si c’est un scénario de guerre conventionnel. Donc si les Américains organisent une attaque russe contre les États baltes et prétendent que leurs forces sont trop faibles pour la stopper, ils utiliseront des armes nucléaires sur les vraies cibles pour lesquelles l’attaque mise en scène était le prétexte. Des millions de gens mourront.
L’épée nucléaire continue à être brandie très dangereusement au-dessus des peuples de la Russie, de la Chine, de la Corée du Nord et de l’Iran, décrits par les fantasmes du Pentagone comme « provoquant » les États-Unis quand ce sont les États-Unis qui les provoquent. La guerre nucléaire menace ces quatre pays simplement parce qu’ils ont réagi à l’agression et aux menaces américaines et qu’ils essaient de se défendre.
La vision américaine de son rôle dans le Traité de non-prolifération nucléaire, telle qu’elle est exprimée dans cette nouvelle posture politique à la toute fin du document − dans un bref passage pour tromper les idiots qui recherchent la paix − est celle d’un flic mondial autorisé par droit divin à user des armes nucléaires tout en les déniant à tous les autres.
Ils répètent les mensonges selon lesquels la Russie a violé divers traités sur les armes nucléaires et commis des actes d’agression et que la Corée du Nord viole le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires alors qu’elle n’en fait plus partie. La Chine est accusée de violations semblables et d’agression dans la mer de Chine du Sud tandis que l’Iran est accusé d’être sur le pont de violer ses engagements de ne pas construire d’armes nucléaires. Tous ces pays sont décrits comme « révisionnistes » ; « agresseurs » ; « menaces pour l’ordre mondial » ou, lorsqu’une certaine honnêteté s’y glisse, comme une menace pour les intérêts américains, ce qui signifie une menace pour la tyrannie américaine sur le monde. Mais les États-nations ne sont pas les seuls déclencheurs possibles de leur « solution finale ».
Ils vont même jusqu’à déclarer leur intention d’utiliser des armes nucléaires sur tout État qui fournit une arme nucléaire à un groupe « terroriste ». Le document déclare à la page 67
« Les États-Unis tiendront pour pleinement responsable tout État, groupe terroriste ou autre acteur non étatique qui soutient ou permet à des terroristes d’obtenir ou d’utiliser des dispositifs nucléaires. Bien que le rôle des armes nucléaires étasuniennes dans la lutte contre le terrorisme nucléaire soit limité, pour une dissuasion efficace, nos ennemis doivent comprendre qu’une attaque terroriste contre les États-Unis ou leurs alliés et partenaires serait qualifiée de ‘circonstances extrêmes’ dans lesquelles les États-Unis pourraient envisager la ‘forme ultime de représailles’. »
Comme nous savons que les États-Unis ont utilisé des opérations sous fausse bannière comme prétextes pour leurs agressions, c’est une position très dangereuse car elle signifie qu’ils pourraient tout simplement accuser la Corée du Nord de fournir des armes nucléaires ou des éléments de ces armes à un groupe quelconque et s’en servir comme prétexte et comme justification pour lancer une attaque nucléaire sur la Corée du Nord.
Il n’y a pas une once de réalité dans tout le document, aucun aveu que le monde s’arme contre eux parce qu’ils ont attaqué ou menacé à peu près tous les pays dans le monde depuis qu’ils sont arrivés au pouvoir sur le sang de millions d’indigènes morts et leurs premières guerres de conquête. Il n’y a pas un seul mot sur leurs attaques nucléaires sur le Japon, leur attaque sur la Corée ; le Vietnam ; Grenade ; l’Amérique centrale et du Sud ; l’Irak ; la Syrie ; le Liban ; le Rwanda ; le Congo ; la Yougoslavie ; l’Afghanistan ; la Chine ; le Venezuela ; le renversement du gouvernement de l’Ukraine ; le soutien de fascistes partout et, bon, je peux continuer et faire la liste de leurs crimes contre des nations, des peuples, des sociétés et des cultures du monde entier, mais je risquerais de fatiguer à la fois moi-même et le lecteur.
Comme l’a relevé Jan Oberg, président de la Fondation transnationale pour la recherche sur la paix et le futur en Suède, les médias occidentaux ont gardé un silence criminel sur ce document « des plus dangereux » incapables d’en faire l’éloge et inquiets de le critiquer, ou ayant reçu l’ordre de ne pas le faire, se rendant ainsi complices des projets criminels des États-Unis et de leurs alliés. Seule la BBC a mis en ligne un article sur les condamnations de la menace américaine par la Chine, la Russie et l’Iran mais, pour en réduire l’effet, elle a mis leurs mots entre guillemets.
La Chine a déclaré qu’elle s’opposait fermement à cette politique et qu’elle refusait que la Chine soit qualifiée de menace nucléaire et a clairement indiqué que cette politique américaine est une négation du Traité de non-prolifération nucléaire. Le ministre russe des Affaires étrangères a déclaré à juste titre que les États-Unis étaient bellicistes et qu’il prendrait les mesures nécessaires pour contrer la menace. L’Iran a aussi déclaré que cette politique était une violation du droit international. Mais c’est peut-être le ministre allemand des Affaires étrangères Sigmar Gabriel qui a fait la déclaration la plus forte :
« La nouvelle posture nucléaire du gouvernement des États-Unis montre que la spirale d’une nouvelle course aux armements est déjà en cours. Comme aux jours de la Guerre froide, cela constitue une menace grave pour nous en Europe. Au lieu de nouveaux systèmes d’armements, nous avons besoin de nouvelles initiatives de désarmement. »
Mais les Allemands, les Français et les Britanniques en ont de plus en plus assez des politiques américaines. Le ministre allemand des Affaires étrangères a appelé l’Allemagne à adopter une politique étrangère plus agressive et a déclaré que l’Europe doit projeter sa propre puissance (sous contrôle allemand), que les Américains s’éloignent de l’Europe et s’isolent, qu’ils sont vus aujourd’hui comme des rivaux économiques plutôt que comme des partenaires et, par conséquent, qu’ils ne sont plus considérés comme un partenaire de sécurité fiable et représentent au contraire un danger pour l’Europe prise entre les États-Unis et la Russie.
Le président Trump a dit, comme s’il était inconscient de tout cela et avec tout le charme de Mack The Knife, que le fait que les Américains soient prêts à utiliser de nouvelles armes nucléaires, plus petites, garantirait que d’autres ne les utilisent pas. Autrement dit que la préparation des Américains à la guerre mondiale nous apportera à tous le miracle de la paix mondiale, évidemment tant que les autres nations du monde font exactement ce qu’on leur dit.
Mais, pour citer John Galtung, l’éminent professeur des Études pour la paix à Oslo :
« Une raison très importante d’interdire les armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive est qu’elles élèvent le seuil de ce qui est acceptable. On défend souvent une guerre conventionnelle en disant qu’elle ne sera pas nucléaire. Le cadre juridique international pour la guerre est déjà une victime des armes nucléaire et ne peut retrouver sa validité qu’en interdisant cette insulte à l’humanité. »
Nous constatons déjà que le Dr Galtung a raison car la réaction des pays menacés est bien sûr de ne pas plier mais de résister et de renforcer leurs propres systèmes d’armement nucléaire et de modifier leurs politiques de recours à ces armes pour égaler celle des Américains. Le monde est au bord du précipice de la catastrophe ultime.
Comme disait Albert Einstein en 1950 : « Il est impossible de parvenir à la paix tant que toutes les actions sont entreprises en vue d’un possible futur conflit. La concurrence des armements n’est pas une manière d’empêcher la guerre. Chaque pas dans cette direction nous rapproche de la catastrophe. La course aux armements est la pire manière d’empêcher un conflit ouvert. Au contraire, on ne peut atteindre une paix véritable sans un désarmement systématique à l’échelle supranationale. Je répète, l’armement ne protège pas de la guerre mais y conduit inévitablement. »
Mais ceci a été dit lorsque j’étais enfant et nous sommes dans une situation pire que jamais auparavant. Le 25 janvier, le Bulletin des savants atomiques a avancé sa pendule du Jugement dernier de minuit moins deux minutes et demie à minuit moins deux minutes en raison de leurs préoccupations par rapport à la menace de guerre nucléaire, au changement climatique et aux technologies utilisées par les gouvernements contre leurs citoyens. C’était avant la publication de la nouvelle doctrine nucléaire américaine, qui nous place encore plus près de minuit. Et pourtant, même eux reprennent la rhétorique et la propagande du gouvernement américain dans leur déclaration sur l’agression russe et la prétendue menace de la Corée du Nord. Où est donc l’espoir lorsque la vérité est occultée et la réalité mise la tête en bas même par ceux qui nous avertissent de la situation difficile où nous sommes ?
C’est un monde terrible que celui dans lequel nous vivons et il ne changera pas tant que nous ne le changerons pas. La dernière fois, j’ai écrit une Lettre ouverte à la Cour pénale internationale, en demandant au procureur d’ouvrir un dossier sur le leadership des États-Unis et de leurs alliés dans la conspiration pour commettre un génocide contre le peuple de Corée. La publication de ce document peut être considérée comme la preuve d’une conspiration visant à commettre un génocide instantané contre la population mondiale tout entière. C’est la manière de gangster des Américains de nous dire à tous : « Faites ce qu’on vous dit ou vous êtes foutus. »
Il est grand temps de se lever, de résister, de descendre dans les rues, de faire entendre notre voix, de ne pas rester dans l’ombre, pleurant sur notre sort alors qu’il y a une manière de gagner la lutte pour le désarmement, pour la paix, pour mettre la puissance sous notre contrôle, nous faisons tous le travail après tout, pourquoi pas ? Si nous avançons dans la lumière, nous pouvons voir la réalité des choses, si nous passons à l’action ; parce que si nous ne le faisons pas, alors – pour citer les paroles de Mack The Knife, mentionnées plus haut, écrites par Bertolt Brecht,
« Les uns sont dans le noir
Et les autres sont dans la lumière
Mais on ne voit que ceux dans la lumière
Et pas ceux qui sont dans le noir. »
Et les autres sont dans la lumière
Mais on ne voit que ceux dans la lumière
Et pas ceux qui sont dans le noir. »
[Traduction d’après les paroles originales en allemand]
Christopher Black
Liens
Le site Dedefensa a publié une note complète sur Sigmar Gabriel et son rôle dans l’espace politique allemand qui complète la citation de l’auteur.
Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker francophone
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