Francisco Nicolás lors du couronnement de Felipe VI©
C'est le début d'une irrésistible ascension, A 16 ans, le jeune homme se retrouve aux côtés des plus grands à l'occasion de nombreux événements.
Son compte Facebook, multiplie les photos de Nicolás en compagnie de célébrités telles que José María Aznar, ancien président du gouvernement, Ana Botella, maire de Madrid, ou encore Cándido Méndez, leader syndical.
Simple étudiant en droit au Centre Universitaire des Etudes Financières de Madrid en réalité, mais éminent homme d'affaires et politique selon ses dires, le jeune imposteur utilise les nombreuses photos de lui avec des personnages importants afin de légitimer son personnage. Il utilise abondamment la technique du "name dropping" (lâchage de noms), qui consiste à citer dans ses conversations des noms connus, afin d'impressionner ses interlocuteurs.
Le 19 juin 2014, jour du couronnement du roi Felipe VI, Nicolás se rend au palais royal de la Zarzuela, et dupe la sécurité en se faisant passer pour l'accompagnateur de Catalina Hoffman, fondatrice du groupe Vitalia (selon EL PAÍS) et en s'immisçant dans le cortège des élites. Il va même jusqu'à baiser la main du nouveau monarque.
Un coup de maître
Mais c'est le 14 août 2014 que l'usurpateur, désormais âgé de 20 ans, réalise son coup de maître, et dévoile du même coup sa complexité psychologique.
Comme le raconte Javier Ayuso dans un article de EL PAÍS, Nicolás joue de ses contacts pour obtenir un rendez-vous avec Jorge Cosmen, chef de l'entreprise espagnole de transport ALSA. Un rendez-vous qui se concrétisera dans un restaurant de Ribadeo, une petite ville côtière du nord de l'Espagne où Jorge Cosmen passe ses vacances. La veille du repas, Nicolás annonce au restaurant et au chef d'entreprise qu'il viendra accompagné d'une troisième personne. Et pas n'importe qui... Selon les dires du jeune homme, c'est le roi Felipe VI, un "bon ami", qui se joindra à eux. Il n'en faut pas plus pour que la rumeur se propage. Le restaurant est privatisé. Les habitants, l'administration, le maire de la ville, et la police, déclenchent le protocole de sécurité avec gardes et voitures officielles.
Le jour J, lorsqu'un cortège de trois voitures de luxes, deux Audi de haute gamme escortant une BMW , arrivent devant le petit restaurant de Ribadeo, tout le monde s'attend à voir Felipe VI sortir de l'impressionnante voiture centrale.
Mais à la place du roi, c'est "el pequeño Nicolás" habillé de son plus beau costume, qui descend du véhicule devant une foule perplexe. Se disant envoyé par le roi, il vante à Jorge Cosmen les bénéfices qu'apporte son entreprise à l'Espagne.
Le jeune homme ne s'arrête pas là. Dans sa foulée, il va se prévaloir de titres importants, s'adaptant aux événements auxquels il participe. Tantôt ambassadeur du roi, dirigeant du Parti populaire ou marquis de Togores, Nicolás pousse l'illusion au maximum. Il se déplace en voiture de luxe avec chauffeur. Il se créé une fausse carte d'identité, et affirme résider dans une propriété de luxe...
L'arnaque prend de l'ampleur
Jouant à la perfection ses différents rôles, Francisco Nicolás Gómez Iglesias va berner plus d'un grand d'Espagne et se lancer dans des affaires.
Vendant ses services, prétextant posséder des affaires au Mexique, dans les pays du Golfe ou encore au Guatemala, le jeune homme commence à détourner l'argent de ses "clients". Selon le journal Elconfidencial, il aurait notamment reçu 25 000 euros de l'homme d'affaires Javier Martínez de Lahidalga dans le cadre d'une opération immobilière, 65 000 euros de deux entreprises espagnoles qui pensaient financer une action commerciale, et 54 000 euros comme intermédiaire.
Le masque tombe
Mais ses nombreuses apparitions dans les hautes sphères de la société espagnole et les malversations ont fini par attirer l'attention.
Dès août 2014, María Pico, directrice de cabinet de la vice-présidente du gouvernement, est alertée des agissements suspects du jeune homme. La police espagnole ouvre une enquête.
L'homme d'affaires Javier Martínez de Lahidalga dénonce Nicolás et dépose plainte (aujourd'hui retirée).
C'est finalement le 14 octobre dernier que s'achève l'épopée de Francisco Nicolás Gómez Iglesias. Il est interpellé par les forces de police à Madrid. S'ensuit une garde à vue de 72 heures. Remis en liberté, il est poursuivi pour fausse déclaration, fraude et usurpation d'identité par l'avocat du gouvernement.
"Les gens normaux ne nous intéressent pas, seulement les fabulateurs ou les bonimenteurs"
EL PAÍS indique que les policiers ont fait de surprenantes découvertes à son domicile : des documents falsifiés du CNI (les services secrets Espagnol), une sirène de police, de fausses autorisations de passage pour véhicules, et deux plaques authentiques de la Guardia civil et de la Police nationale.
Remis en liberté conditionnelle, Francisco Nicolás Gómez Iglesias s'est empressé de raconter sa version sur les médias espagnols. Sur un plateau de télévision, il a notamment déclaré être un collaborateur du CNI et posséder des informations sensibles sur le gouvernement. Des propos démentis par l'Etat. Le jeune homme attend désormais son procès. Libération rappelle qu'il risque, entre autres chefs d'accusation, jusqu'à trois ans de prison pour "usurpation de fonction".
Dans une tribune publiée en décembre, le Nobel de littérature hispano-péruvien Mario Vargas Llosa a commenté cette affaire ainsi : "Dans l'ère du spectacle qui est la nôtre, l'histrion est le roi de la fête. Les gens normaux ne nous intéressent pas, seulement les fabulateurs ou les bonimenteurs."
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