Installer des microphones dans une carcasse de zèbre afin d’enregistrer les bruits d’un repas de vautours, capter les sons liés à l’avancée inexorable d’un glacier islandais, saisir le vacarme d’une tempête sur les côtes écossaises : voilà quelques faits d’armes de Chris Watson, un des plus illustres représentants du field recording.
Cet Anglais sexagénaire l'a mené des expérimentations du groupe post-punk Cabaret Voltaire à l'enregistrement de terrain. Reconnu dans le monde entier, son travail est audible dans de nombreux documentaires naturalistes produits par la BBC, en collaboration avec le célèbre réalisateur David Attenborough, par exemple dans la série Terres de glace.
Chris Watson a contribué à faire connaître le field recording auprès d'un public non initié en faisant éditer ses disques, dès les années 1990, par Touch. Identifiable par les superbes pochettes de disques signées Jon Wozencroft, le label londonien incarne avec éclat la notion de soundwriting, avec des musiciens tels que Biosphere, Fennesz ou Philip Jeck. Les premiers albums de Watson, Stepping into the Dark (1996) et Outside the Circle of Fire (1998), font se succéder les prises de sons les plus diverses, collectées aux quatre coins du monde, sans autre lien apparent que la mise en scène du monde naturel et une qualité technique proprement ahurissante. La rivière Mara au Kenya saisie au crépuscule, le croassement de corvidés dans une contrée isolée du Nord de l'Angleterre, parmi bien d'autres, constituent des expériences d'écoute uniques et offrent des portraits sonores de lieux intenses et sensibles.
Ces albums aux airs de cabinets de curiosités ont depuis quelques années cédé la place à des projets sous-tendus par une fascination manifeste pour le passage du temps et l'essence du mouvement. La capacité de Chris Watson à traduire en son(s) de telles thématiques est exemplaire. Pour l'album Weather Report (2003), il condense ainsi en une seule piste cinématique d'une vingtaine de minutes quatre mois (de septembre à décembre) d’existence sonore d'une vallée écossaise. Une autre piste, non moins impressionnante, donne à entendre la dérive, lente mais inflexible, d'un glacier islandais vers la mer – et c'est comme si la Terre, sous son aspect géologique, se mettait à chanter. Pour son dernier album, In St Cuthbert's Time (2013), il a composé une suite de quatre mouvements, correspondant chacun à une des quatre saisons sur l'île de Lindisfarne, dans le Nord de l'Angleterre. Il s'agissait là d'évoquer le paysage sonore qu'a pu connaître Saint Cuthbert au 7e siècle, alors que le fameux manuscrit des Evangiles de Lindisfarne (Londres, British Library) était élaboré, et ainsi de faire se rencontrer rêverie historique, field recording et écologie acoustique [...].
Par Alexandre Galand
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