06 mars 2013

Aliénation

Les mécanismes psycho-sociaux de l’aliénation néolibérale

On va chercher à comprendre comment le néolibéralisme nous aliène tous collectivement, certes, mais surtout chacun d’entre nous, individuellement. Pas seulement les couches populaires, les Français moyens, les « beaufs », les lecteurs de Gala, les spectateurs de TF1 ou les électeurs qui marinent, mais vous, moi, nous tous… Tant qu’on nie cette évidence que chacun d’entre nous est étroitement, inconsciemment aurait dit Freud, conditionné par les valeurs égoïstes de la compétition marchande, tant qu’on n’a pas compris que les bouleversements qui nous affectent ne sont pas seulement de nature économique et sociale, mais de nature psychologique et individuelle, c’est à dire s’immiscent en nous jusqu’à influencer notre pensée elle-même, comment peut-on prétendre faire de l’éducation populaire, concrètement, comment accomplir une quelconque transition ? En réalité, la guerre économique est aussi une guerre psychologique. Et si l’on veut penser autrement, sortir du déni de réalité dominant, guérir du « capitalisme cognitif » qui doit faire de nous les meilleurs sur le marché de l’emploi, du savoir et de la renommée, ici sur le campus du Mirail comme ailleurs, il faut connaître parfaitement l’ennemi, même et surtout quand il est tellement sournois qu’il s’est tapi à l’intérieur de soi, dans les recoins de son psychisme, ou ce qu’on nomme aujourd’hui communément tel.

Au fond, la question est de comprendre comment la loi du marché a finalement fait pour rentrer subrepticement, mais au sens propre, à l’intérieur du cerveau, de nos cerveaux… Car ce n’est pas un vain mot, quand on sait qu’une discipline nouvelle a vu le jour et a été adoptée par les plus hauts conseillers des gouvernements occidentaux : la neuro-économie. Ces économistes au pouvoir ont intégré la technique comportementale et les neurosciences à leurs travaux. Un rapport du Centre d’analyse stratégique de 2010, officine d’experts patentés aux ordres du Premier ministre français, mais rapport co-dirigé par un conseiller du président Obama, Richard Thaler, se targue ainsi de pouvoir littéralement « rentrer dans le cerveau du consommateur », grâce en particulier à l’imagerie cérébrale, pour orienter, influencer ses choix économiques… Cela ne fait que confirmer redoutablement l’essentiel de mon propos : l’idéologie comportementale et cognitive, qui considère que l’individu, réduit à un instrument de traitement de l’information, peut être conditionné dans ses choix par un ensemble de sanctions et de récompenses, la bonne vieille méthode de la carotte et du bâton, est devenue une idéologie d’État pour les gouvernements néolibéraux : à travers un ensemble de techniques de propagande, il leur est possible aujourd’hui non seulement de conformer le comportement de chacun aux normes du marché, mais surtout de favoriser leur intégration cognitive, pour en faire une loi naturelle, incontestable… Quiconque y déroge, dorénavant, peut être ainsi déclaré objectivement, scientifiquement, souffrant sinon malade, et relever d’un traitement psychologique, et médical.

Parler de ma place de psychiatre, praticien hospitalier de service public, pour décrire ces phénomènes est une position privilégiée, car l’évolution de la psychiatrie témoigne en première ligne de cette évolution de la doctrine néolibérale : la psychiatrie constitue un miroir grossissant de ce que le système de domination économique dans lequel nous vivons est en train de faire de la subjectivité de chacun d’entre nous. La psychiatrie n’a plus en effet pour rôle de soigner des maladies mentales, strictement définies par un ensemble de symptômes, mais s’occupe désormais officiellement de programmer la santé mentale des populations, santé mentale définie négativement, par l’absence de toute déviance comportementale vis à vis de la norme socio-économique. Un autre rapport, quasi-simultané, du Centre d’analyse stratégique gouvernemental, dirigé cette fois par une professeure d’épidémiologie formée à l’école comportementaliste et scientiste canadienne, Viviane Kovess, définit en effet la santé mentale, qui est « l’affaire de tous », comme « la capacité à s’adapter à une situation à laquelle on ne peut rien changer, (ou encore) l’aptitude à jouir de la vie ». Il s’agit là ni plus ni moins de la définition de l’individu libéral héritée d’Adam Smith, voire du marquis de Sade : la recherche égoïste et concurrentielle de l’intérêt individuel fait la richesse des nations et le bonheur collectif. Viviane Kovess est l’une des promotrices d’un programme européen de santé mentale visant à conditionner celle-ci par des logiciels d’apprentissage dès l’enfance. On voit que la psychiatrie est bel et bien devenue l’instrument d’une politique européenne et mondiale de santé, ou plutôt de conformité mentale, faisant d’ailleurs l’objet en France de plans quinquennaux, soutenus par la fondation d’État FondaMental. Cette dernière a pour mission de dépister tout trouble, toute défaillance individuelle le plus précocement possible, et de les corriger par la « psycho-éducation », car ils nuisent à la compétition économique, ainsi que l’affirmait son ancienne présidente, parlementaire UMP… La psychiatrie est donc aujourd’hui vraiment une affaire d’État : elle est instrumentalisée par le pouvoir néolibéral pour lui servir de caution scientiste à sa politique gestionnaire et répressive qui ne cesse de se durcir (comme le laisse à penser la continuité de la politique d’expulsion des étrangers en situation irrégulière depuis le changement présidentiel). Elle est devenue l’arme principale du contrôle socio-économique des comportements déviants, délinquants et même simplement défaillants. Comment diable en est on arrivés là ?
Survol de l’évolution historique de la psychiatrie

La psychiatrie est née avec les lumières et a grandi avec le scientisme positiviste : dès son origine, elle a constitué un système symbolique essentiel pour la civilisation occidentale (donnant une représentation acceptable de la folie et de la finitude, par le déplacement symbolique de la souffrance, de la violence sociale vers le psychisme individuel et la science médicale). Mais ce qui se passe aujourd’hui, c’est que ce système symbolique est devenu un système de propagande au service de l’ordre néolibéral : la métaphore psychologique et médicale permet de nier la violence que celui-ci exerce, de naturaliser la norme économique dans la subjectivité, de faire rentrer la loi du marché à l’intérieur de nos neurones sinon jusque dans nos gènes… La pression normative écrasante qui s’exerce aujourd’hui sur chacun d’entre nous et dans le monde entier est ainsi niée symboliquement, par psychiatrie interposée. Comment une telle mutation s’est-elle opérée, en deux siècles d’histoire ?

Passons rapidement sur les deux guerres mondiales : à leur décours, avec Freud puis Parsons, le système symbolique médico-psychologique se prend de plus en plus pour la réalité, l’adaptation psychologique devient la norme individuelle du progrès civilisationnel. Mais c’est surtout avec la chute du mur de Berlin que ce système de croyances acquiert la force d’une conviction absolue. Avec l’effondrement du bloc communiste vient le triomphe du néolibéralisme, et le début de la troisième guerre mondiale : le seul ennemi devient l’individu, à embrigader dans la guerre économique. Ce tournant se traduit par la mondialisation de l’idéologie comportementale : tout trouble est désormais une maladie mentale. Apparaissent en effet en cascade les classifications mondiales des troubles du comportement, et en France la loi sur l’hospitalisation d’office des troubles à l’ordre public, ainsi que la circulaire instaurant la politique de santé mentale. C’est aussi le début du contrôle informatique effréné des activités humaines.

Dix ans plus tard, surviennent les attentats du World Trade Center, simple incident de parcours dans cette fuite en avant hégémonique du système néolibéral : le terroriste se cache parmi nous, l’ennemi est intérieur. On assiste alors à une avalanche de lois sécuritaires (plus de trente en dix ans). Encore presque dix ans plus tard, 2008, voici la crise ultime des SubPrimes. La bulle n’est pas seulement spéculative mais psychologique, la dépression est tout autant nerveuse qu’économique : c’est la baudruche consumériste qui éclate, l’illusion de la possession matérielle pour tous qui s’effondre. Pour sauver le capitalisme, au moins temporairement, il n’y aura pas d’autre solution que de « changer les comportements et les mentalités », projet que le président Sarkozy annoncera à plusieurs reprises. Son discours de Toulon sera très rapidement suivi du discours d’Antony instrumentalisant un fait divers, le meurtre commis par un schizophrène malencontreusement échappé d’un hôpital psychiatrique, pour annoncer le grand tournant sécuritaire de la psychiatrie : celle-ci devra dorénavant garantir le risque zéro. Vous voyez qu’il existe un rapport dialectique étroit entre science psychiatrique et crise économique…

Tout malade est un criminel en puissance, et tout individu est un malade qui s’ignore, pour peu qu’il trouve à redire à l’ordre en place : moins de 3 ans plus tard, cette dérive sécuritaire se concrétise dans la loi du 5 juillet 2011, instaurant les « soins sans consentement ». On peut, on doit désormais surveiller et traiter de force tout trouble du comportement, par des « programmes de soins » à domicile. Voici comment la psychiatrie est devenue sans coup férir une arme de dissuasion massive de tout remise en cause individuelle dérangeante du système de domination néolibéral, permettant un déni symbolique de toute contrainte, de toute violence socio-économique.
État des lieux actuel de la psychiatrie : une triple dérive qui s’accélère

Dérive scientiste : c’est donc le triomphe de l’idéologie comportementale, qui diffuse la bonne santé mentale dans l’ensemble de la société, du sommet de l’État à la dernière des classes maternelles en passant par le monde de l’entreprise, à travers les procédures d’évaluation et échelles de comportement. Cette idéologie au pouvoir est renforcée par un véritable délire scientiste : la norme comportementale a une origine biologique, tout trouble doit avoir forcément une cause médicale, organique. C’est le sens des recherches faramineuses en neurosciences et sur la vulnérabilité génétique : tous les troubles, toutes les déviances sont concernés (hyperactivité, troubles des conduites, addictions, conduites suicidaires, troubles bipolaires et labiles…). Des intérêts colossaux sont en jeu, à la fois scientistes (congrès et publications de la psychiatrie universitaire, instituts de recherche privés comme FondaMental et publics avec l’Inserm), politiques (prises de positions gouvernementales, rapports du Centre d’analyse stratégique) et industriels (poids du lobbying pharmaceutique). On a parlé des recherches en neuro-économie, il faut citer également la classification internationale DSM-5 dont la parution est imminente, et qui décrit des troubles prédictifs : désormais, il faut dépister le trouble le plus précocement possible voire avant même qu’il arrive pour le tuer dans l’oeuf !

Dérive marchande : comme dans tous les services publics, ou ce qu’il en reste, c’est le triomphe de l’idéologie managériale cognitivo-comportementaliste de la rentabilité, de l’évaluation, de la qualité, réalisant une course incessante à la performance (sélection des meilleurs soignants au mérite, et culpabilisation, mise à l’écart des incapables), parallèlement à une pénurie croissante des moyens et à un contrôle administratif renforcé, et aboutissant à une perte de toute indépendance et de toute éthique professionnelle.

Dérive sécuritaire enfin, cachant une violence institutionnelle qui s’accroît : cinq lois et deux circulaires en cinq ans, psychiatrisant toujours plus la déviance et la délinquance, et accompagnant des pratiques « soignantes » de plus en plus coercitives. La mission de la psychiatrie devient l’expertise prédictive omnipotente de la dangerosité, parallèlement à la mise en place d’un fichage généralisé des populations à problèmes, qui coûtent trop cher, pour les trier voire les éliminer en douceur. Surtout, la loi du 5 juillet 2011 instaure une société de contrôle d’un genre nouveau, à travers les soins sans consentement à domicile, autrement dit le déni psychiatrique de toute contrainte extérieure pesant sur l’individu. On assiste là à l’abolition de tout libre-arbitre, de la possibilité de penser différemment, et finalement de la vie privée, par une loi qui dicte à toute la population le bon comportement individuel. Dorénavant, chacun devra se conformer de lui-même à des normes posées comme une réalité absolue, même si il n’y consent pas. C’est l’avènement d’un État policier où la psychiatrie exerce la police des comportements, le ministère de l’intérieur psychique, conditionnant une normopathie de masse, au sens de Hannah Arendt. L’implosion psychologique remplace toute possibilité d’explosion sociale, chacun est tenu d’être surveillé et traité médicalement chez soi et en soi pour être heureux… C’est l’avènement de l’hygiénisme du bonheur obligatoire, du repli programmé dans le confort de son cocon personnel, mais aseptisé, vidé de toute distance critique, de toute altérité.
La psychiatrie resituée dans l’évolution socio-économique : la propagande néolibérale

C’est la stratégie du choc psycho-économique dont parle Naomi Klein, autrement dit l’application systématique par le pouvoir des méthodes cognitivo-comportementales de soumission (on parlera de renforcement positif et négatif, ou en plus imagé de la carotte et du bâton).

La « carotte », c’est la propagande spectaculaire et marchande du divertissement, de la consommation, et la propagande techno-scientiste (mythe du progrès, de la croissance, de l’amélioration des performances…). Elle est portée par le marketing publicitaire, les industries culturelles, la télévision, les technologies de l’information et de la communication (TIC), les jeux vidéo : tous ces moyens reposent sur le culte de l’argent roi et le star système, la promesse du bonheur et de la possession ; ils agissent par hypnose, tendant un miroir narcissique dans lequel se reflète et se leurre toute la société. Ainsi se réalise une auto-excitation vers toujours plus, une fuite en avant incessante, un emballement, comme un tourbillon qui nous emporte irrésistiblement…

Le « bâton », c’est la politique de la peur de l’ennemi intérieur, du bouc émissaire : une police de plus en plus répressive (gardes à vue, délits d’outrage, manifestations piégées, affaire de Tarnac, politique migratoire, armes non létales…) ; une justice de plus en plus intrusive et prédictive (loi LOPPSI II, loi Estrosi, fichier Hortefeux PASP, FNAEG, délinquance routière = exemple de psychologisation cognitivo-comportementale généralisée, et redoutablement efficace, de la répression…) ; un dressage éducatif de plus en plus sévère (casse de l’école par la RGPP provoquant une sélection de plus en plus élitiste, politique de prévention de la délinquance, réforme de la justice des mineurs, fichage informatique des compétences…) ; une destruction sociale accélérée (précarisation généralisée, management par l’évaluation = modèle clef décidément de la psychologisation cognitivo-comportementale universelle de la soumission néolibérale, idéologie de la lutte contre la fraude, rôle de contrôle social et technologique des travailleurs médico-sociaux eux-mêmes menacés de sanctions automatiques) ; dissuasion psychiatrique visant comme on l’a vu à renforcer le moral des troupes ou du troupeau (psychiatrisation de toute défaillance étiquetée « dépression »). Tout cela a généré en quelques années seulement d’ordre néolibéral absolu incarné par la présidence sarkozienne, une société de suspicion et de surveillance généralisée (dans laquelle les TIC jouent un rôle majeur : fichiers de police, mouchardage électronique, vidéosurveillance, géolocalisation, biométrie, fichier centralisé des Cartes nationales d’identité…) et même d’auto-surveillance où la vie privée devient transparente (TIC encore avec les réseaux sociaux, plan vigipirate, voisins vigilants, matraquage permanent, à tous les coins de rue, du message « pour votre sécurité » = emblématique de l’intériorisation psychologique de toute contrainte, de toute violence socio-économique)…
Les conséquences de cette pression normative écrasante qui se dénie comme telle : la destruction de la subjectivité

C’est le conditionnement d’un conformisme, d’une normopathie de masse marquée par la duplicité. Il s’agit pour chacun d’entre nous, de faire semblant d’adhérer à des normes de plus en plus injustes et absurdes : l’alternative se pose dans l’ensemble du champ social entre se soumettre, se démettre, tomber malade, ou résister. Illustrations : Arendt (banalité du mal), psychosociologie (Asch), Foucault (nouvelle gouvernementalité biopolitique post-disciplinaire), critiques du management par l’évaluation, telle que celle de Dejours (peur de la précarisation : oeillères volontaires, cynisme viril). Mis à part déserter ou résister, on peut donc au choix :
Tomber malade : c’est la dépression du burn out, qui touche les plus vulnérables, autrement dit les gens sincères et engagés. En témoignent également les épidémies récentes de suicides professionnels et de crimes de masse (Norvège, Toulouse, Denver = Batman en avant-première au cinéma : acte « fou » ? Pas tant que ça, car riche de sens en brisant le miroir spéculaire insupportable de la violence générée par « The American Way of Life »). Ainsi que les pathologies de la consommation (addictions) et de l’accélération (hyperactivité, labilité émotionnelle, troubles bipolaires…)
Se soumettre : la perversion narcissique est aujourd’hui la personnalité culturelle, la néo-subjectivité malade du néolibéralisme (Lasch, Dejours, Dufour, Brown, Dardot et Laval…). C’est le conditionnement généralisé d’un narcissisme conformiste et consumériste de masse voué à la jouissance immédiate. Il traduit une fuite auto-excitatrice, comme une ivresse, dans la concurrence et le profit immédiat, c’est à dire un déni de la dépression, de la vulnérabilité, et sa projection dans un bouc émissaire. Cette instrumentalisation, cette chosification d’autrui est entièrement commandée par les nouveaux modes de contrôle social (politique de santé mentale opportuniste, idéologie comportementale conquérante, course à la performance, fichage informatique omniscient…). Passons sur les analyses sociologiques du sadisme inconscient : Habermas, Bourdieu, De Gauléjac, Prigent, Méheust (politique de l’oxymore = injonctions paradoxales, euphémisation de la violence) ; et sur les conséquences historiques redoutables de cette évolution : retour de l’eugénisme (trans-humanisme), accélération insensée du temps vers ce que Hartmut Rosa décrit comme « immobilité fulgurante ».
« Remèdes » : quelques pistes pour une alterpsychiatrie

Retrouver un mode de pouvoir non abusif, réellement démocratique : l’autorité est légitime quand elle est capable de se critiquer, quand elle est reconnue comme telle car non niée symboliquement (par psychiatrie, TIC, etc.). Le rétro-contrôle individuel doit être rendu possible dans le système sociopolitique (tirage au sort, référendum d’initiative populaire, justice indépendante, etc.).

Restaurer des limites épistémologiques strictes à la psychiatrie et au travail socio-éducatif, qui ne doivent plus s’occuper du contrôle techno-scientiste de toute déviance sociale. En particulier, promouvoir une alterpsychiatrie soucieuse de la subjectivité, des droits et des libertés individuels (la véritable santé se définit comme liberté, création de ses propres valeurs – cf. Campguilhem). Une véritable psychiatrie devrait se constituer comme médiation symbolique, capable de résister sans concession à la triple dérive actuelle, scientiste, marchande et sécuritaire.

Enfin respecter les limites éthiques de l’existence, ce qui demande un « travail » personnel et relationnel (« thérapie psycho-politique ») : accepter sa vulnérabilité, avec humilité (auto-limitation, castration symbolique, etc.), prôner la décélération voire la décroissance, revendiquer la franchise, condition de la confiance. Concrètement, il va falloir se résoudre à sortir vraiment du mythe de l’enrichissement et de la performance pour accéder à l’austérité conviviale (Ivan Illich) : c’est d’abord cela, la transition.

Sur un mode comparable, une autre politique éducative est possible…

Olivier Labouret
Source
Vu ici

5 commentaires:

  1. retranscription d'une conférence d'Adrien Abauzit:
    DERACINEMENT ET SURMOI, CHAINE DE L’ESCLAVAGE COMPTEMPORAIN

    Malgré le fait que nous sommes des institutions dites « démocratiques », l’individu n’est pas aussi libre qu’il croit l’être.
    La condition du citoyen occidentale contemporain est celle de l’homme de masse, c’est la condition de l’homme qui ne vit que de pain, condition proche de la mort cérébrale.
    C’est le fruit d’un système d’aliénation appelé le « totalitarisme de marché » qui s’attaque en priorité aux esprits et qui est un peu plus fin que le totalitarisme d’état qui s’attaquait au corps.
    Le totalitarisme de marché est lui officieux.

    Pour déclencher un incendie, il faut trois choses :
    - Un terrain sec : Notre société capitaliste, matérialiste et consumériste ou seuls les impératifs moraux de production prévalent.
    - Des matières inflammables : Le totalitarisme de marché
    - Des pyromanes : Les classes dirigeantes

    L’individu est alors aliéné et ne s’appartient plus (par exemple par le déracinement, cf. : Simone Weil)
    L’individu est maintenu dans cette aliénation par la pression exercée sur le Surmoi.

    L’état de droit moderne fait bénéficier le citoyen d’un très grand nombre de liberté publique.
    Selon Alain, la démocratie réelle, c’est le pouvoir qu’on les gouvernés de contrôler les gouvernants alors que dans notre système, c’est le pouvoir des gouvernés de désigner simplement les gouvernants (quand quelqu’un est élu maire, député ou sénateur, il n’y a aucun contre-pouvoir légal qui permet au peuple de court-circuiter son action, car les mandats impératifs sont prohibés en droit français.
    Les mandats impératifs datent du tiers état où le peuple donnait une mission avec des comptes à rendre alors qu’aujourd’hui, les députés par exemple n’ont pas de mission, ils ne s’engagent sur rien, n’ont de compte à rendre sur rien et n’ont aucunes sanctions légales si ils font B alors qu’ils ont dit qu’ils feraient A. (voir André Tardieu « La révolution à refaire »).

    Donc nous n’avons pas une démocratie réelle. Et la démocratie formelle à disparue avec l’émergence de l’Union Européenne et de ses dirigeants non élus au suffrage universelle.

    L’aliénation de l’individu ne vient pas d’un système légal ou d’institutions publiques qui sont iniques mais vient de l’action d’acteurs purement privés.
    Postulat : Il y a des classes dominantes qui défendent leurs intérêts par des stratégies qui sont parfois perverses mais qui tout le temps sont contraire à l’intérêt général (ex de Draccus qui voulait mettre en place un système agraire de petite propriété et qui n’a pas fait long feu).
    Cette idée est diabolisée par les médias et présentée comme la théorie du complot.

    Etienne de la Boétie (meilleur ami de Montaigne) dans le « Discours de la servitude moderne » » se pose la question : Dieu à fait les hommes libres, ils aiment la liberté, mais pourtant, partout, les hommes sont dans la servitude quelque soit la civilisation ou les siècles ce qui implique une contradiction.
    Il y a trois causes à cela :
    - L’habitude (naissant de la servitude, ils ne connaissent pas le gout de la liberté)
    - « Cette ruse des tyrans que d’abêtir leurs sujets » (un peuple abrutit est un peuple docile, corrompu…)
    - Il y a un tyran qui commande 6 personnes qui eux-mêmes dirigent 600, ces derniers en contrôlant 6000 qui sont élevé en dignité, on leurs donnent le maniement des fonds publics et le gouvernement des provinces pour qu’à point nommé, ce soit en faveur des 600, des 6 et du tyran. Les membres de cette chaine ininterrompue sont appelés les « manges-peuples ».
    Diaboliser l’idée qu’il y a des classes dirigeantes qui défendent leurs propres intérêts, ce n’est pas du complotisme.
    Les gens qui diabolisent ces propos ne veulent pas que l’on voit la réalité telle qu’elle est.

    RépondreSupprimer
  2. Comment au 21e siècle, les classes dirigeantes assurent-elles leur domination en occident ?

    Par le totalitarisme de marché. Selon la définition d’Hannah Arendt : c’est une double dynamique de destruction de la réalité et des institutions sociales mais cela ne peut se faire que si préalablement le peuple a été réduit a l’état de masse c'est-à-dire un peuple dans lequel les liens sociaux sont rompus et où les individus n’arrivent plus à s’inscrire dans des organisations qui défendent les intérêts collectifs (parti, syndicat, association…).
    Le totalitarisme est un système d’aliénation qui va réduire le peuple à l’état de masse en déstructurant l’individu, en lui retirant tout référant culturel, politique, idéologique, spirituel, civique…
    L’individu est alors un poisson rouge qui erre dans un espace social dans lequel il ne comprend rien condamné à subir une réalité.

    La destruction de l’individu se fait par deux grandes lignes :
    1. Un système de propagande à idéologie dominante
    2. La sous culture mercantile anglo-saxonne

    1. Le terme « d’idéologie dominante » a été définit par Marx : Les classes dominantes possèdent divers moyens de productions dont ceux qui sont intellectuels sécrétant une idéologie dominante qui sert à défendre l’oligarchie du moment et à faire intériorisés aux individus un ordre des choses qui légitime la domination et la position de cette classe dominante la naturalisant ainsi.
    Aujourd’hui, elle est bicéphale :
    - La première tête est le libéralisme libertaire conceptualisé par une philosophie Marxiste (cf. : Michel Boucard).
    Cela consiste à être de gauche sur le plan des mœurs (pour une destruction des valeurs traditionnelles) et à être de droite sur le plan économique (néo-libéralisme via la soumission au traité Européen).
    - La deuxième tête est le libéralisme identitaire : sur le plan économique, il est permit de faire une critique de la mondialisation mais d’un point de vue des mœurs en contre partie, il faut stimuler le choc des civilisations (ex d’ERIC Zeymour qui dénonce la globalisation mais qui en contre partie tape sur les musulmans).
    Les deux têtes se mènent une guerre réelle mais ce n’est pas parce qu’il y a rivalité entre elles que réellement ces deux têtes défendent des intérêts différents (ex des deux partis sous Louis XV avec les philosophes et les dévots).
    Quelque soit le vainqueur entre le libéralisme libertaire et le libéralisme identitaire, ce sont les intérêts de l’oligarchie mondialiste qui seront défendus et les intérêts du peuple français qui seront marginalisés.
    C’est en somme une fausse opposition purement factice.
    Donc cette tête bicéphale fait intérioriser un ordre des choses aux individus et s’attaque de cette façon à leurs esprits.

    2. La sous culture mercantile anglo-saxonne : ce sont les valeurs sous jacentes à ce que Pasolini appelle la culture hédoniste de masse qui opère une persuasion occulte vis-à-vis du public avec une inversion des valeurs par rapport aux valeurs traditionnelles classiques. Cela pousse l’individu à se remodeler à partir de canons qu’elle propose (l’exemple de secret story qui met en avant des personnes complètement déréglées et tordus (définition venant de Henri de Kerillis avec les « cervelles tordus ») mais qui sont tout de même des braves gens.
    De ces deux piliers, cela produit dans la société une véritable destruction des sens :
    - destruction du sens des mots
    - destruction du sens de la rationalité
    - destruction des conventions sociales classiques
    - destruction des comportements et des mœurs traditionnels.

    RépondreSupprimer
  3. Cela amène :
    1. Dans une dynamique de destruction de la perception de la réalité (et non de la réalité).
    2. Dans une dynamique de subversion (et non de destruction) des institutions sociales.

    Pour la destruction de la perception de la réalité :
    Les individus d’aujourd’hui ne connaissent pas les causes des conséquences qu’ils vivent, les lames de fonds réelles de ceux qui font leurs monde (ex : qui est au courant des 600.000 milliards issues de la spéculation sur les produits dérivés ?).
    Les gens ne comprennent pas le monde dans lequel ils vivent (ex des institutions européennes qui sont subjectivement démocratiques et tous nos partis qui se prétendent républicains, démocratiques et compagnie les valident depuis plusieurs décennies)
    Ceci n’est pas une fatalité (ex de la révolution française où les paysans voulaient simplement brulés les « terriers », actes de propriétés de leurs terrains détenus par l’oligarchie en place)
    Pour la dynamique de subversion des institutions sociales :
    Les organismes classiques sont maintenus mais vidés de leurs essences originales (exemple du parlement qui est l’antichambre de la démocratie, aujourd’hui, c’est l’inverse, le parlement est le lieu de l’annulation de la démocratie). L’école est un haut lieu de transmission des valeurs ce qui n’est plus le cas maintenant (exemple de l’église avec le livre de Bernanos « Sous le soleil de Satan ».

    Par ces deux destructions vient le fameux déracinement dont Simone Weil parle : Un individu est enraciné quand il participe à l’existence de sa communauté mais que quand il se situe dans le sillon du passé de cette collectivité, que quand il s’en nourrit. Il ne faut pas opposer le présent et le passé. Le présent est l’assimilation des trésors du passé.
    Les personnes déracinées souffrent eux d’une inertie de l’âme donc inertie politique, il passe de la condition de sujet à objet inerte et passif c'est-à-dire de chaire sans âme. Il est un esclave car il a perdue sa faculté d’usage de sa liberté alors que théoriquement, il en bénéficie.
    L’individu contemporain déraciné à pour moteur ses pulsions et divers conformismes sociaux alors que cet individu devrait avoir pour moteur un exercice souverain, conscient et réfléchit de sa liberté.
    L’être déraciné n’est pas esclave parce que la liberté lui est interdite mais parce que la liberté lui est impossible car il n’a pas trouvé dans la société la place qui lui permettrait de réaliser ses libertés.

    L’être déraciné à plusieurs visages : L’ouvrier ou le salarié qui bosse 8 à 10 heures par jour avec une heure de transport et qui regarde la télé quatre heures par jours, les wesh-wesh, les ados, les gens qui se ruent sous les rideaux des magasins durant les soldes etc.…

    « Sous une constitution libre, un peuple ignorant est esclave » (Condorcet).
    Un peuple ignorant, c’est un peuple ignorant de lui-même donc qui ignore son passé, donc un peuple déraciné, donc un peuple aliéné, donc un peuple esclave.
    Un individu déraciné le reste à moins de s’affranchir du totalitarisme de marché.

    RépondreSupprimer
  4. Pourquoi y a-t-il un grand écart entre ce que les gens disent en public et en privé ?
    D’où vient la généralisation de l’auto-censure ?
    La réponse est chez Freud. Hormis ses travaux intéressant sur le concept de pulsion de vie (éros) et pulsion de mort (thanatos) ainsi que ses travaux sur les foules, il parle de deux topiques, de schémas de représentation de l’esprit de l’individu.
    1er topique : le conscient, le préconscient et l’inconscient.
    2ième topique : le ça, le moi et le surmoi. Le moi est l’instance de la raison, de la perception de la réalité et du bon sens. Le ça est le centre de nos pulsions inconscientes. Le surmoi est l’instance d’autocensure et se développe chez l’individu avec l’autorité parentale, c’est un gendarme intérieur. Ce surmoi fonctionne de la même manière que l’autorité parentale sur l’enfant.
    Le surmoi se dessine chez un individu en fonction des normes qu’il intériorise et le surmoi voudra faire respecter les normes qu’il a intériorisées. Nos médias dominants nous greffent un surmoi mondialiste (exemple de ne pas parler de l’immigration en public).

    « Si quelqu’un parmi vous croit être sage à la face de ce monde, qu’il se fasse fou pour devenir sage car la sagesse de ce monde est folie aux yeux de Dieu », évangile de Jean
    "Dans ce monde de fou, être fou c’est être sain d’esprit." Confuscius


    Le Pélican

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Juste merci, Le Pélican.

      PS - c'est quoi, les wesh-wesh ? ^^ (je vais essayer de chercher sur le net...)

      Supprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.