Un cessez-le-feu a été conclu entre Israël et le Hezbollah, permettant un relatif retour au calme après deux mois de bombardements intenses et un an de conflit. Le bilan humain s’élève à près de 4 000 morts, des milliers de blessés, des quartiers entiers détruits. Le Liban, un État qui n’existe plus depuis plusieurs années, complètement vassalisé par le Hezbollah, n’est pas tiré d’affaire pour autant.
Les déplacés pourront peut-être revenir chez eux, à condition que leur maison soit encore debout, mais encore faut-il restaurer le système électrique, l’adduction d’eau, l’organisation monétaire et financière d’un pays failli, vidé de ses élites, déchirées par ses communautés. Si le cessez-le-feu est une bonne nouvelle pour les populations civiles, il ne règle en rien les problèmes libanais.Un autre cessez-le-feu pourrait intervenir dans la bande de Gaza,
cette fois entre Israël et le Hamas. Là aussi, tout est à refaire. Près
de 40 000 morts depuis une année de bombardement, des villes rasées, des
rancœurs et des haines plus fortes que jamais. Cet arrêt des armes ne
signe nullement l’arrêt de la guerre. La seule incertitude consiste à
savoir quand la guerre reprendra : dans quelques semaines, quelques
mois, quelques années et avec quelle intensité ? Les adolescents
bombardés de 2023 sont les soldats prêts à mourir de demain. Hamas et
Hezbollah ont certes été décapités, leurs autorités sont mortes et
Israël a porté des coups fatals. Mais depuis l’attaque du 7 octobre
2023, un mur anthropologique s’est abattu au Levant, qui sera beaucoup
plus difficile à abattre que le mur de Berlin. Aucune paix n’est
possible, seul le silence des armes peut être un horizon, pour
l’instant.
Une région de murs
En plus du mur anthropologique qui sépare désormais Israéliens et
Arabes, d’autres murs sont plus solides que jamais dans la région.
Le premier est un mur fluvial, celui du fleuve Litani, ligne d’horizon de protection pour Israël.
Le Hezbollah continue d’occuper la partie sud du Liban, alors
qu’Israël veut sécuriser la zone qui s’étend jusqu’au fleuve Litani. Ce
sera là l’un des enjeux des mois à venir et des négociations possibles.
Pour Israël, il est indispensable de sécuriser cette zone afin que le
nord du pays ne puisse plus être à portée de missiles du Hezbollah et
donc permettre le retour des populations qui ont fui leur habitation.
Cette sécurisation de la zone est indispensable au gouvernement
israélien pour pouvoir revendiquer une victoire militaire et politique.
Le second mur est celui qui sépare l’Égypte de la bande de Gaza.
Toujours en construction et en perfectionnement, il démontre que les
populations arabes ne sont guère intéressées par le sort des
« Palestiniens ». L’Égypte ne veut pas de l’arrivée de réfugiés en
provenance de Gaza et pour éviter cela elle bâtit un mur le long de la
frontière afin de sécuriser son territoire. Pour Le Caire, Gaza est une
zone à circonscrire et à maintenir le plus éloigné possible. Nombreux
sont ceux qui ne verraient pas d’un mauvais œil le transfert des
populations de la bande de Gaza vers le Liban, moyen de concentrer les
problèmes dans un territoire vide d’État et de souveraineté et de
pouvoir ensuite partager la bande de Gaza entre Israël et l’Égypte,
ainsi que les gisements de gaz fort abondants situés au large des côtes.
Le troisième mur, la « Blue line ». Marquée par des
barils bleus, la Blue line sépare le Liban et Israël depuis juin 2000.
Elle se fonde sur la frontière définie en 1923 par un accord
franco-britannique. En 2021, les forces israéliennes ont débuté un
projet de sécurisation de la ligne en bâtissant des murs en T « T-wall »
qui s’étendent aujourd’hui sur plus de 50 km. Les travaux se sont
arrêtés en octobre 2023. Peut-être reprendront-ils après l’annonce du
cessez-le-feu. Cette Blue line est aussi un mur de représentations et
d’imaginaires. Pour la Finul, c’est le cœur de sa mission puisqu’elle
doit en assurer la sécurité. Pour le Hezbollah, elle représente
l’agression israélienne. Et pour le Liban, elle est le symbole des
guerres du passé et de l’histoire d’un siècle qui a vu se dissiper les
espoirs et se développer les conflits sans fin.
Le quatrième mur : les murs mentaux. Les murs les plus profonds et les plus enracinés sont les murs mentaux. L’étude des symboles et des représentations est fondamentale en géopolitique : ils disent beaucoup de l’état du monde et de son fonctionnement. Si la guerre déchire le Levant depuis le début du XXe siècle c’est que cette terre est parcourue de symboles et de mythes, qu’ils soient religieux, politiques, littéraires, eschatologiques.
Ces murs mentaux se rapportent aux conditions existentielles des personnes qui vivent sur ce territoire, raisons pour lesquelles il ne peut pas y avoir de paix possible car, pour la plupart des protagonistes, renoncer à se battre c’est renoncer à être. Il n’est pas possible de faire des concessions quand c’est notre être qui est en jeu, car il en va de la survie de ce que l’on estime être. La guerre ne fait que renforcer les murs mentaux, qui ensuite prennent appui sur les murs physiques pour poursuivre leur œuvre de guerre. C’est pourquoi le cessez-le-feu n’est malheureusement que temporaire et qu’il ne pourra pas déboucher sur la paix.
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