23 octobre 2024

L’affaire Doliprane

C’est le genre de tempête qui secoue le monde politico-médiatique à échéance régulière. S’affoler sur un sujet, regarder le monde par le petit bout de la lorgnette puis en appeler au secours de l’État stratège et aux mannes de l’État protecteur. Cette fois-ci, il s’agit de l’affaire Doliprane. Arnaud Montebourg appelle à la nationalisation de l’entreprise, comme le groupe LFI de l’Assemblée. On y voit les conséquences néfastes de la mondialisation, le symbole de notre désindustrialisation. Il semble urgentissime que l’État intervienne pour sauvegarder cet élément clef de notre souveraineté.

De quoi s’agit-il ?

Le Doliprane est le nom commercial du paracétamol, comme le Dafalgan et l’Efferalgan ; le paracétamol étant le médicament le plus vendu en France. La molécule et le composé chimique sont familiers des groupes pharmaceutiques, le procédé est dans le domaine public depuis de nombreuses années. Le principe actif est fabriqué en Chine, puis importé en France pour être conditionné, c’est-à-dire produit en cachet et mis en boîte. Sanofi considère que cet actif n’est plus stratégique et souhaite donc s’en séparer. L’argent ainsi gagné lui permettra d’investir dans les technologies médicales de demain. Donc quitter un médicament du passé pour investir l’avenir.

Mais le symbole est là, indéboulonnable. Le Doliprane, c’est la France, la France doit donc intervenir. Pour une fois, Roselyne Bachelot, qui est pharmacienne de formation, a fait une très bonne intervention à la télévision en expliquant les tenants et aboutissants du sujet et pourquoi cette tempête médiatique ne tient pas le choc. Elle est en réalité le symptôme plus ancien de problèmes structurels de l’industrie pharmaceutique qui proviennent de l’existence de la Sécurité sociale (fondée sous Pétain par Pierre Laroque et René Belin soit dit en passant).

La question du prix

Nous touchons ici à un élément crucial de l’économie, celui du prix. Le prix est une information, révélateur notamment, mais pas seulement, des rapports entre l’offre et la demande. Quand le prix est librement fixé, alors l’information fournie est juste. Quand le prix est contrôlé et fixé par l’État, alors l’information est fausse, ce qui s’appelle un mensonge. Le mensonge des prix conduit toujours à deux choses : la pénurie et la baisse de la qualité.

C’est ce qui se produit dans le logement lorsque les loyers sont plafonnés, dans la fonction publique lorsque les salaires (qui sont un prix) sont soumis à une grille indiciaire et donc dans le médicament, où les prix sont contrôlés par un organisme de la Sécurité sociale.

Puisque la sécu est très lourdement endettée et que ses dépenses ne cessent de croître, il eut été nécessaire de l’engager dans une voie de réforme. C’est une autre voie qui fut choisie, celle qui consiste à bloquer les prix du médicament afin que ceux-ci coutent moins cher à rembourser. Comme les prix sont bloqués, la rentabilité chute et il n’est plus rentable de vendre des médicaments sur le sol français, surtout quand leur valeur ajoutée est faible. Donc les laboratoires pharmaceutiques délocalisent leurs usines, notamment en Chine, afin de produire à moindre coût et ainsi pouvoir affronter le blocage des prix. Le problème a été révélé lors de la crise du Covid où tout le monde est venu pleurnicher en se lamentant de la destruction du tissu industriel, provoqué par des mesures socialistes absurdes. Quatre ans plus tard, rien n’a changé et le blocage des prix continu à produire ses effets néfastes.

Sanofi, qui a priori sait mieux comment fonctionne le marché industriel pharmaceutique que des députés communistes, a donc décidé de céder un actif qui ne rapporte pas grand-chose pour investir dans ce qui est estimé comme étant des technologies de pointe et essentiel pour le futur. Si l’entreprise ne fait pas cela, elle meurt. Ceux qui veulent nationaliser le Doliprane sont donc prêts à mettre beaucoup d’argent public, c’est-à-dire d’impôt, dans une technologie d’hier et ainsi de sacrifier l’avenir du pays.

L’exemple de Renault

À propos d’industrie sacrifiée, l’automobile en est un bon exemple, détruite par les normes absurdes de l’Union européenne et de la France.

Cette semaine est celle du salon de l’automobile et Renault fait peine à voir face à ses concurrents chinois. Renault est le cas typique d’une entreprise en fin de vie. La marque a ainsi présenté ses deux nouveautés, qui sont des reprises de la 4L et de la R5. Des voitures innovantes en leur temps, mais qui ne le sont plus aujourd’hui. Quand une entreprise n’est plus capable d’innover et qu’elle est contrainte de ressortir de vieux modèles d’il y a 50 ans, c’est qu’elle va vraiment mal. La R5 électrique, voiture basique, est ainsi vendue autour de 25 000€. Pour le même prix, on peut acheter une voiture chinoise d’un niveau de confort d’une Mercedes ou d’une BMW. On peut aussi acquérir une Toyota hybride d’un confort et d’un standing supérieur à la R5. C’est donc la chronique d’un échec annoncé.

La réponse du gouvernement est connue : il va augmenter les droits de douane sur les voitures chinoises pour empêcher les Français modestes d’acquérir des voitures à moindre coût. Ils devront donc se contenter de Renault bas de gamme et cher. En réponse, la Chine augmentera ses droits de douane sur d’autres produits, par exemple le luxe, et nous aurons ainsi non seulement perdu l’industrie automobile, mais également d’autres secteurs victimes de la guerre commerciale. Tout cela parce que certains croient encore à l’État stratège et préfèrent sauver les industries du passé plutôt que d’investir dans l’avenir. La nostalgie, surtout quand elle repose sur des mythes et des visions fausses, elle le pire des acides pour l’indépendance nationale et la souveraineté.

Jean-Baptiste Noé

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