Sans surprise (nous l’annoncions depuis des mois… nos abonnés ne sont donc pas surpris), Michel Barnier doit affronter une violente crise de finances publiques dont nous sommes persuadés que nous n’avons vu que le début. Pour l’instant, ses projets de budget ne sont pas connus dans le détail, mais une évidence se détache : au-delà de quelques concessions cosmétiques sur la taxation des plus riches, la mission du Premier Ministre consiste bien à sauver un système de domination de caste. Combien de temps ce rafistolage peut-il tenir ?
Vu de loin, le gouvernement Barnier prend des mesures difficiles. La presse subventionnée adore mettre l’accent sur l’effort qui sera demandé “aux plus hauts revenus”, comme s’il s’agissait d’une preuve irréfragable de solidarité après des années d’égoïsme bling-bling macroniste. Ce tintamarre est d’autant plus divertissant qu’à ce stade, les projets de budget définitifs ne sont pas connus, et que les détails, voire les grandes lignes, changent tous les jours. Les pisse-copies du pouvoir servent d’ailleurs couramment de ballon d’essai, et sont condamnés à dire le lendemain le contraire de qu’ils avait soutenu la veille.
Nous avions déjà noté à propos de Bruno Retailleau cette façon très efficace de communiquer avec des mots-clés qui flattent l’opinion majoritaire du moment, pour dissimuler l’impréparation ou les hésitations du pouvoir sur la conduite à tenir.
Sur les autres sujets, Michel Barnier utilise la même technique que Retailleau : il bombe le torse avec des déclarations “morales”, sans expliquer par quelle décision, par quel détail, il va les appliquer. Voilà qui occupe la galerie, divertie par des journalistes aux ordres pour asséner que ce gouvernement demande un effort inhumain aux riches… quand il s’agit simplement de lâcher un peu de lest pour sauver un système de domination bien rôdé depuis 1945. Faire croire aux pauvres qu’on roule pour eux quand il s’agit seulement de les garder en laisse est une technique vieille comme la sécurité sociale dans ce pays… que Barnier remet au goût du jour avec une certaine habileté.
Un “fine tuning” pour cacher la préservation de l’essentiel
De cette volonté d’amuser la galerie, on veut pour preuve la technique générale utilisée par le gouvernement Barnier pour faire face à la crise de finances publiques. Elle consiste à ne pas pratiquer de réforme de structure, mais à resserrer les vis et les boulons pour “toucher” le moins possible à la machine du pouvoir. C’est ce qu’on appelle le “fine tuning” par opposition au “reengineering”. On adapte la voilure au lieu de changer d’architecture, selon les bonnes techniques de Bercy.
Voilà qui nous éloigne des nombreuses pistes de réformes structurelles que nous proposons depuis des années, et dont nous persistons à dire qu’elles sont inévitables : la fin du monopole de la sécurité sociale, la mise en place du chèque scolaire, la fin des subventions aux entreprises.
En l’état, ce que Michel Barnier propose, c’est de trouver 40 milliards d’économies en 2025 sur les dépenses publiques, dépenses de sécurité sociale comprises, pendant que les impôts augmenteront de 20 milliards.
Sur l’augmentation des impôts, les chiffres fluctuent là aussi quotidiennement, et, pour l’instant, il est impossible de savoir en détail où nous allons. On sait simplement que les grandes entreprises et les énergéticiens seront taxés, probablement pour plus de 10 ou 15 milliards, à différents titres. Pour le reste, le gouvernement annonce sans relâche une contribution exceptionnelle des très hauts revenus (au-desssus de 500.000€ par an), qui toucherait donc 75.000 foyers au pire, et rapporterait dit-on 2 milliards nouveaux. Soit à la louche 25.000€ supplémentaires par foyer.
Sur ce sujet, personne ne sait au juste quel sera le modèle définitivement retenu, mais qu’importe si la mesure est, finalement, de portée beaucoup plus faible que le gouvernement ne le fait croire : l’essentiel est de communiquer sur “l’effort juste demandé aux riches”.
Le gouvernement reste en revanche, pour l’instant, muet sur les efforts beaucoup plus larges qui seront demandés aux Français ordinaires. Pourtant, comme nous allons le montrer, ces Français seront, comme il se doit, les principaux dindons de la farce qui se joue, et dont nous persistons à dire qu’elle ne suffira pas à calmer les marchés.
Ce sont bien les Français ordinaires qui vont fournir l’effort principal, et non les riches
N’en déplaise à la rhétorique gouvernementale, donc : nous soutenons que l’effort demandé aux “riches” sera essentiellement cosmétique, et que l’essentiel sera porté de façon sournoise par les Français ordinaires.
On retiendra ici la somme des mesures annoncées pour réduire les dépenses, en particulier :
- la désindexation partielle des retraites, dont Michel Barnier a redit qu’elle serait maintenue faute d’une meilleure idée au Parlement
- la baisse des allègements de cotisations à hauteur de 4 milliards (sur un total de 80) qui sera portée par les entreprises
- la baisse de différents remboursements en matière de maladie et de santé
- l’allongement du délai de carence dans les arrêts maladie
Sur ces quelques exemples (mais, insistons, nul ne connaît le projet de réductions de dépenses du gouvernement, et il faut rester humble vis-à-vis de la mouture finale), il est évident que les décisions de Barnier ne relèvent ni de la réforme, ni de la diminution de dépenses, mais simplement d’un transfert de charges vers le secteur privé ou d’une simple dégradation des garanties offertes par la sécurité sociale. Ainsi :
- la baisse des allègements de cotisations conduira à des baisses de salaire nets ou à des ralentissements dans les revalorisations salariales
- la baisse des remboursements en matière de maladie se traduira pas des hausses de cotisations des assureurs santé sur les complémentaires
- l’allongement du délai de carence sera payé par les entreprises qui sont contraintes, depuis 1972, de compenser les pertes de salaire dues aux arrêts-maladie
In fine, donc, ce sont bien les entreprises du secteur privé qui devront compenser les baisses de prestations décidées par le gouvernement. Il est illusoire de croire que ces compensations ne seront pas, en dernier ressort, payées par les salariés, soit sous forme de hausses de cotisations, soit sous forme de modération salariale. Chaque acteur n’hésitera en effet pas à répercuter le “prélèvement” nouveau dont il fait l’objet sur l’acteur suivant dans la chaîne fiscale qui s’achève toujours par le consommateur final.
Pendant ce temps, une catégorie échappera au pire : les bureaucrates. Certes, Michel Barnier a annoncé que tous les fonctionnaires partant à la retraite ne seraient pas remplacés. Mais il l’a fait avec une modération telle que nous comprenons bien les résultats de cette politique. Il est bien une catégorie qui, parmi les autres, échappera aux sacrifices : les ronds-de-cuir. Il y a aura peut-être, par ci par là, des fusions de services en doublon, de menus efforts, des ajustements. Mais les salaires continueront à augmenter, les primes aussi, et aucune mission ne sera revue sur le fond.
Barnier ouvre la voie à une France à deux vitesses : celles des “obligés” qui sont soumis aux diktats d’un Etat monopolistique, capable d’ordonner unilatéralement des baisses de prestations pourtant promises, des hausses d’impôts, des changements de règles. Et celle des obligeant qui définissent les règles pour les autres en s’épargnant soigneusement les efforts nécessaires pour le redressement du pays.
Redisons-le ici, nous préconisons, en lieu et place de ce conservatisme injuste, des reconfigurations fondamentales du service public et de l’administration.
L’intimidation comme principe de gouvernement ?
Face à cette construction inique, Michel Barnier a parfaitement compris les risques auxquels il s’exposait. Issu du parti qui a perdu les élections et, à ce titre, nommé Premier Ministre, il a bien vu que l’agonie du régime était propice aux révoltes.
Alors, pour dissuader les vocations, pour effrayer les foules, pour refroidir les ardeurs révolutionnaires, on bombe le torse.
Tout le monde a vu, nous l’avons évoqué plus haut, les déclarations tonitruantes de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur qui joue aux cow-boys : frontières fermées, pénalisation de toute transgression, transformation de la France en une sorte de Corée du Nord de la moralité qui plaît aux pharmaciens et aux notaires vendéens. Tout ce qui n’est pas nous, au sens de tout ce qui ne nous plaît pas, sera mis en prison. Et tant pis si la population carcérale en France bat des records historiques : on répète inlassablement que la Justice est laxiste et qu’il faut sévir toujours plus (sauf contre les déviances de son propre camp, bien entendu, qui bénéficieront de traitements de faveur).
Le même Retailleau n’a pas hésité à dévoiler ses aspirations totalitaires en évoquant une remise en cause de l’état de droit. Même s’il a rétropédalé par la suite, tout le monde a compris qu’il envoyait un signal à tous ceux qui trouvent qu’il y a trop de démocratie en France, et qu’un peu de dictature ferait du bien à tout le monde.
Il ne s’agit pas que de mots. On sait déjà que le même Retailleau devrait généraliser la surveillance algorithmique et la reconnaissance faciale par vidéosurveillance testés au moment des Jeux Olympiques. Cette prolongation était au demeurant cousue de fil blanc.
Mais on voit bien que le gouvernement Barnier entend faire régner l’ordre par tous les moyens pour imposer une politique de domination, au besoin en violant méthodiquement le droit à la vie privée.
Comme il se doit, cette remise au pas annoncée du pays se fait dans un climat délétère de soumission totale au bloc américano-israélien.
Pour toutes ces raisons, Barnier apparaît bien comme une énième tentative de la caste de consolider sa domination dans un monde où celle-ci est de plus en plus contestée et fragilisée. Dans tous les cas, Barnier est là pour défendre le mondialisme et une organisation sociale où la bureaucratie est le bras séculier d’une domination sans état d’âme.
Nous avons déjà écrit que, de notre point de vue, les mesures qu’il envisage sont insuffisantes pour juguler la crise des finances publiques. Les prochains jours nous diront si, oui ou non, cette tentative de reprise en main peut réussir, ou bien si elle sera la dernière.
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2024/10/06/barnier-ou-lultime-tentative-de-la-caste-pour-preserver-sa-domination/
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