Le Courrier des Stratèges voit et verra ses contributeurs débattre librement sur le gouvernement Barnier. Je passe pour le plus favorable à l’expérience Barnier et je l’assume. Il y a deux ans, au moment de la primaire chez Les Républicains, j’avais regretté qu’il n’ait pas reçu l’investiture de son parti car je jugeais qu’il était la seule personnalité politique à pouvoir battre Emmanuel Macron. Si l’on réfléchit en termes structurels, il y a des équilibres profonds et l’arrivée de Michel Barnier à Matignon, à la demande d’un Emmanuel Macron très affaibli politiquement me semble être dans la “nature des choses”. Au Courrier, nous sommes loin de partager les vues politiques de Michel Barnier sur un certain nombre de sujets. Mais je vais expliquer ici rapidement pourquoi, au sein de la rédaction, je serai l’avocat de la défense – je pense que la période Barnier pourrait être bonne pour un apaisement momentané du pays et la préparation du redressement qui devra suivre.
Avant même que Michel Barnier soit appelé à Matignon, il m’arrivait de temps en temps de recevoir des questions de lecteurs, deux ans après la primaire de LR: mais qu’est-ce qui vous a pris à l’époque de soutenir Michel Barnier, me demandait-on?
Dire que j’ai voté Eric Ciotti au second tour de cette primaire n’apaise pas mes interlocuteurs. La question est bien plus profonde, et je la comprends. Michel Barnier n’a-t-il pas été aligné sur la stratégie vaccinale du gouvernement contre le COVID? N’incarne-t-il pas en France (bien mieux qu’Emmanuel Macron), l’adhésion à l’Union Européenne? N’a-t-il pas oublié le gaullisme de sa jeunesse en cours de route quand il parle de la Guerre d’Ukraine?
Je répondrai sur trois plans. Michel Barnier fait certes partie du consensus des milieux dirigeants occidentaux. Mais, comme tout acteur politique, ce qui compte, ce sont moins ses intentions que ses actes, qui pourraient aller éventuellement contre la doxa. J’y vois trois types de raisons. Des raisons biographiques. Des raisons de réalisme politique et des raisons structurelles.
Voilà pourquoi, sans se faire d’illusions, il me semble pourtant qu’il faille préserver l’avenir.
Avant même que Michel Barnier soit appelé à Matignon, il m’arrivait de temps en temps de recevoir des questions de lecteurs, deux ans après la primaire de LR: mais qu’est-ce qui vous a pris à l’époque de soutenir Michel Barnier, me demandait-on?
Dire que j’ai voté Eric Ciotti au second tour de cette primaire n’apaise pas mes interlocuteurs. La question est bien plus profonde, et je la comprends. Michel Barnier n’a-t-il pas été aligné sur la stratégie vaccinale du gouvernement contre le COVID? N’incarne-t-il pas en France (bien mieux qu’Emmanuel Macron), l’adhésion à l’Union Européenne? N’a-t-il pas oublié le gaullisme de sa jeunesse en cours de route quand il parle de la Guerre d’Ukraine?
Je répondrai sur trois plans. Michel Barnier fait certes partie du consensus des milieux dirigeants occidentaux. Mais, comme tout acteur politique, ce qui compte, ce sont moins ses intentions que ses actes, qui pourraient aller éventuellement contre la doxa. J’y vois trois types de raisons. Des raisons biographiques. Des raisons de réalisme politique et des raisons structurelles.
Voilà pourquoi, sans se faire d’illusions, il me semble pourtant qu’il faille préserver l’avenir.
Michel Barnier fait encore de la politique; c’est si rare!
Regardez sa réponse à Gabriel Attal lors de la passation de pouvoir à Matignon. Ce qui était frappant, ce n’était pas seulement le fait qu’Emmanuel Macron ait suffisamment peu de stabilité personnelle pour appeler un nouveau Premier ministre entrant qui a deux fois l’âge du sortant.
Non: face au jeune techno qui s’est cassé les dents sur le parquet à force qu’elles le rayent, nous avions quelqu’un qui faisait la politique de toujours, pensant à remercier des tas de gens qui ne s’y attendaient pas; capable de s’éloigner des notes qu’on lui avait préparées; capable de placer une anecdote significative, par exemple l’histoire de sa mère lui enjoignant de ne jamais être sectaire….Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau ont dû apprécier encore plus que les députés LFI…..
Michel Barnier a fait, comme jeune militant, la campagne présidentielle du Général de Gaulle en 1965 ! “Je vous parle d’un temps/ Que les moins de 20 ans….”. Macron n’était pas né. Et puis l’on se dit qu’il reste à Barnier forcément quelque chose de l’esprit du gaullisme….Oh! dans la France actuelle, même quelques gouttes de potion gaulliste, ce serait déjà bien.
Et puis l’homme fut élu local dès 1973 – il venait de sortir de Sup de Co Paris comme Jean-Pierre Raffarin; décidément, cette école, elle en produit des Premiers ministres!. Sup de Co Paris, aujourd’hui ESCP Business School, ce fut longtemps “la troisième des Parisiennes”. A HEC et à l’ESSEC on se la jouait. Les Sup de Co étaient plus modestes.
Décidément, un politicien, un élu local et qui n’est pas passé par l’ENA….Macron a dû avaler son chapeau. Sans compter le fait que Monsieur Barnier connaît infiniment mieux l’ Union Européenne que lui: c’est normal, il ne se la joue pas “haut fonctionnaire français” quand il est à Bruxelles. Il parle à tout le monde. Il ne fait pas de différence entre les “petits pays” et les “grands”.
Pendant qu’Emmanuel Macron, habilement manipulé par Angela Merkel, jouait le “bad cop” avec les Britanniques, Michel Barnier, lui coordonnait les 27 pour réussir le Brexit.
Le jeu politique est bloqué! Peut-on laisser passer l’occasion de le débloquer?
Pendant les primaires de LR, Michel Barnier avait proposé qu’un moratoire fût signé, s’il était élu président, entre Paris et l’Union Européenne sur les questions d’immigration. C’est ce qui m’avait donné à penser qu’il avait une chance face à Macron. Il pouvait mobiliser à droite les nostalgiques de Sarkozy et Fillon tout en disputant, par sa compétence, le centre à Macron. C’était jouable.
Mais les pesanteurs étaient trop fortes. On se rappelle qu’une adhésion enthousiaste d’électeurs d’origine chinoise, qui avaient pris leur carte LR opportunément, permit à Valérie Pécresse d’être 2000 voix devant Barnier. Emmanuel Macron avait ce qu’il voulait: une candidate LR faible, un Zemmour empêchant Marine Le Pen de franchir les 25%. Il fut réélu sans questions.
Nous voilà deux ans et demi plus tard. Eric Zemmour n’existe plus politiquement. Valérie Pécresse s’était reprise à espérer….on parlait d’elle pour Matignon; et puis patatras, Madame 4,78% a vu son rival malheureux de 2022 la devancer finalement. Et comme nous sommes dans la roue de la fortune politique, Marine Le Pen se retrouve à tenir entre ses mains le sort d’un gouvernement Barnier.
Vous entendez d’ailleurs une petite musique de fond qui se met en place: à gauche on vous explique que Michel Barnier va être l’otage du RN.
Attention, on résume les trois mois écoulés. Marine Le Pen, qui dirige le premier parti de France, s’était vu reléguer à la troisième place grâce à une combinazione de carnaval antifasciste. Mais deux mois plus tard, le NFP n’ pas eu Matignon et Marine Le Pen est faiseuse de Premier ministre.
Il me semble qu’on puisse dire que le monde politique français est en train de rentrer dans l’atmosphère: la pesanteur joue à nouveau. Le parti qui pèse le plus lourd est bien celui qui fait le plus de voix. Pour continuer à exister et finir son quinquennat, Emmanuel Macron appelle un “centriste” plus consistant que Bayrou ou Edouard Philippe. Et les agités du bocal de gauche retrouvent une place plus modeste.
Bien entendu, il faut que Michel Barnier puisse agir. Pour moi qui ai toujours regardé avec incrédulité ma famille politique d’origine, la droite démocrate-chrétienne et mes cousins gaullistes, installer un mur entre eux et le Rassemblement National, je me dis qu’il y a là une occasion à saisir.
La pesanteur des institutions
Quel retournement! Emmanuel Macron se rêvait président sans Premier ministre. Dix ans avant lui, Nicolas Sarkozy avait traité son Premier ministre de collaborateur….Et puis la France se retrouve, au bout de trois mois de psychodrame politique, avec un président qui renonce à tout contrôler et un Premier ministre qui va peser plus lourd qu’un président non rééligible.
Ce que nous apprennent les derniers mois, c’est que les institutions de la Vè République sont solides malgré tous les coups de canif que lui ont infligés les successeurs du Général. Le Président de la République a été en mesure de résister à la pression d’une faction à l’Assemblée, qui voulait lui imposer un Premier ministre. Mais il découvre aussi qu’il pèsera durant la dernière partie de son mandat en disposant d’un Premier ministre fort.
Et puis ceux qui ont voulu limiter le nombre de mandats présidentiels voient se retourner leur invention contre eux. Un président non rééligible n’est plus audible. De ce fait, le Premier ministre apparaître, malgré son âge, comme un successeur envisageable – ou un faiseur de nouveau roi. Et pour peu qu’avec son expérience européenne il arrive à sortir la France du conflit budgétaire avec Bruxelles…
Barnier est le début de la fin du macronisme: pourquoi ne pas se réjouir?
La politique ne peut reposer ni sur le seul cynisme de Machiavels au petit pied ni sur leurs doubles, ceux qui ne jurent que par “l’éthique de la conviction”.
Je connais beaucoup de contempteurs de Macron qui ont fini par s’accommoder de son maintien au pouvoir. Ainsi les mélenchonistes et autres gauchistes qui nous ont joué le carnaval antifasciste du début juillet. Ils détestaient macron pour sa réforme des retraites, pour sa loi sur l’immigration, pour beaucoup d’autres raisons…Et puis, hop! On a voté pour un candidat macroniste pour “faire barrage à l’extrême droite”.
J’aurais tendance à ranger dans la même catégorie tous ceux qui ne jurent que par le départ de Macron mais ne saisissent jamais les occasions. Que d’occasions manquées, depuis les Gilets Jaunes !
La situation politique actuelle est pourtant simple. Emmanuel Macron, épuisé politiquement, pourrait être phagocyté par Michel Barnier. Pourquoi ne pas nous en réjouir et l’encourager? Vous n’êtes pas obligé d’accepter mon point de vue sur le fait que Barnier, vieux routier de la politique, enraciné localement, capable de mettre en question des dogmes européistes, mérite de la considération. En revanche, abandonnerez-vous ce qui doit être le mot d’ordre de tout Français sensé: “Tout sauf Macron!”
Car Barnier est bien le début de la fin de Macron et du macronisme.
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2024/09/06/pourquoi-je-souhaite-que-michel-barnier-dure-a-matignon/?
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