La rentrée n’est plus une menace, c’est devenu du réel. Le temps de s’alanguir est terminé, tout le monde a besoin de retrouver un niveau de forme optimal et surtout de ne pas tomber malade, que ce soit de pathologies vénielles ou catastrophiques. Le Dr Vincent Reliquet fomentait un livre de longue date, il voulait explorer les tréfonds désastreux des carences en iode, il l’a réalisé avec Alix Lefief-Delcourt (*). Il fallait un grand homéopathe très au fait de la cancérologie pour pouvoir disséquer ce livre afin de tenter d’en coincer l’auteur : le Dr Éric Ménat s’est prêté à l’exercice, les jeux de questions-réponses font depuis longtemps tout le support des belles controverses. Rangez vos claquettes devenues inutiles depuis la semaine dernière et bonne lecture.
1 – Comment expliques-tu qu’il y ait autant de carences en iode actuellement dans la population ? Est-ce que ça pourrait être en lien avec des erreurs de dosages ou des critères de « normalité » à revoir ?
Ta question a l’air de sous-entendre que les critères de normalité seraient trop élevés, ce qui expliquerait que nous soyons à un niveau facticement trop bas mais c’est exactement le contraire, je prétends depuis que j’ai terminé mon livre que les préconisations OMS ne nous proposent que de couvrir le centième de nos besoins, et nous ne les atteignons même pas ! Il faut cesser d’attendre une explosion de goitres ou de crétins au sens historique du mot pour réveiller nos élites à ce sujet, cancers, maladies infectieuses et dysimmunitaires, cardio-vasculaires, explosion de l’obésité, des dépressions, effondrement des QI, il y a vraiment le feu au lac et tout le monde s’en fiche !
2 – Les carences en iode peuvent-elles être expliquées par d’autres facteurs que la nutrition et lesquels ?
La question est compliquée, je vais essayer d’apporter une réponse simple. Nous avons barre sur un élément fondamental du problème, ce sont bien nos carences abyssales d’apport en iode. Ensuite le problème posé par les perturbateurs endocriniens halogénés (chlorures, fluor et brome) demeure manifeste mais il ne sera résolu qu’aux échelles supra-nationales, on peut toujours rêver pour voir arriver une interdiction du fluor et du brome dans l’espace public. À nos niveaux individuels, nous devons nous appliquer à consommer des doses adéquates d’iode, on sait que cet élément peut reprendre sa place dans les molécules polluées par les halogénés et que ceux-ci peuvent être excrétés par voie urinaire. Pas d’iode, toujours plus de perturbateurs endocriniens à sa place dans les cellules.
3 – Tu parles des relations entre iode et développement cérébral de l’enfant et les chiffres semblent inquiétants. Peut-il y avoir un biais avec l’évolution du système éducatif qui peut aussi impacter le QI des enfants ?
Cette histoire du recul du QI de nos enfants actuels par rapport à ceux de 1889 dans une Angleterre victorienne malnutrie, c’est une bombe (1). Elle frappe les esprits, évidemment elle ne permet absolument pas de désigner l’iode comme seul responsable de ce phénomène mais d’autres travaux australiens (2) ou encore de l’ALSPAC (3) ont permis de tirer ces conclusions. Pas assez d’iode pendant la grossesse et les lésions fœtales se fixeront définitivement par défaut des migrations neuronales (4), pas assez d’iode pendant l’enfance et les lésions continuent de s’aggraver, je veux surtout tirer la sonnette d’alarme en direction de cette immense population d’enfants soumise au biberon, déclarée intolérante au lait de vache et qui du coup n’a absolument plus accès à l’iode, pendant des mois voire des années…
4 – Est-ce qu’une supplémentation en iode devrait être systématique chez les enfants (elle l’est déjà chez les femmes enceintes en théorie) ?
Il faut changer de paradigme, oublier cet effet Wolff-Chaikoff totalement imaginaire (c’est dur à croire, je l’explique dans ce livre) et ioder sérieusement toute la population, pense donc que dans les années 1950 les américains iodaient leurs pains et recevaient 150µg d’iode dans un seul toast, soit tout l’apport quotidien recommandé actuel ! Étaient-ils devenus tous phosphorescents ? Pas du tout, quand on leur a facticement expliqué que leurs sels d’iode étaient dangereux, ils l’ont remplacé par du bromure de potassium, interdit en Europe car cancérigène notoire, on délire… Donc pour te répondre, oui il faut édicter des apports minimums journaliers pour tous les âges mais sans les calculer avec les connaissances de 1950, aujourd’hui on sait que de très nombreux organes, peut-être même tous, sont authentiquement iodo-nécessitants, et pas seulement la thyroïde comme on le croyait alors.
5 – Quelle est, pour toi, la bonne supplémentation en iode pour un adulte ? Les AQR (5) actuels semblent bien bas par rapport aux carences constatées ?
J’explique en fin d’ouvrage que mon statut de modeste médecin généraliste ne me permet pas de répondre à cette question, l’empirisme le plus absolu règne partout à ce sujet et la réponse doit se trouver comme pour le taux idéal de cholestérol sanguin : elle n’existe pas, car ici trop de paramètres rentrent dans l’équation : poids, sexe et cancers iodo-dépendants intercurrents, état infectieux, certainement. Mais imagine, probablement que le volume mammaire influe énormément et devrait être pris en compte dans le calcul des AQR car ce tissu se comporte comme un véritable piège à iode, comme à brome ou à fluor d’ailleurs, ce qui peut expliquer la fréquence déraisonnable des cancers du sein en présence de brome (6). Attention de plus à un point capital que j’ai abondamment souligné dans ce livre, certains tissus nécessitent de l’iode moléculaire, d’autres de l’iodate de potassium et la protection anticancéreuse semble essentiellement conférée par cet iode moléculaire I2, totalement absent de l’écrasante majorité des compléments alimentaires mis sur le marché à ce jour ! Inutile donc de se supplémenter avec un mauvais produit, de plus insuffisamment dosé, il n’y aura aucune chance que l’état de santé de nos populations s’améliore drastiquement dans ce cas.
6 – L’importance des carences en iode est connue depuis des décennies. Elle avait été pointée du doigt par l’Institut Français de Nutrition il y a plus de 20 ans. Comment expliques-tu que des recommandations claires sur la supplémentation en iode tardent à venir de la part des agences de santé, du ministère ou de l’académie de médecine ?
Je l’explique par la trouille atavique qui saisit chaque expert de se retrouver en butte avec ce fameux effet Wolff-Chaikoff qui n’existe pas, mais qu’on leur a inculqué quand ils étaient jeunes et crédules, ça aussi j’en parle dans mon livre. L’iode 131 (radioactif) est toxique, les iodes organiques peuvent devenir toxiques aussi (amiodarone, produits de contrastes iodés, etc…) mais l’iode inorganique minéral alimentaire, l’iode 127, jamais. Et comme jamais n’existe pas, quand une fois on soupçonne une hyperthyroïdie de provenir d’une supplémentation alimentaire, ce fait demeure si rare qu’on en fait même un (très mauvais) article, qu’on le publie, et on décore même l’auteure pour son remarquable travail ! (7)
7 – Tu dis que l’iode contenu dans le sel marin ou le sel iodé « s’évapore » et que ces sels ne sont donc pas efficaces pour participer à l’apport quotidien. Pourtant, il semble que c’est l’ajout d’iode dans le sel qui a permis de faire reculer le crétinisme des Alpes. Comment expliques-tu ce paradoxe ?
Je vois que la fin de l’interview approche alors tu cherches à me coincer avec tes questions vicieuses mais toujours intelligentes… Je vais te répondre sans détour : au XIXe siècle, la Santé Publique naissante avait compris que la fréquence des goitres et des crétins augmentait de manière parfaitement proportionnelle avec le niveau des carences en iode, donc par une politique adroite de microsupplémentation en iode, on a réussi à effacer les deux problèmes, mais ces deux problèmes-là seulement. En 1840 l’espérance de vie des Françaises culminait à 40 ans, un peu tôt pour voir apparaître la multiplication des cancers du sein qui frappent nos compatriotes aujourd’hui. Je l’explique dans mon livre, j’ai retrouvé le premier penseur qui a pondu ce dramatique taux d’apport idéal en iode à 150 µg/j : lui aussi ne se référait qu’à la peur de l’effet Wolf-Chaikoff et il convint que pour ces faibles apports on voyait juste disparaître les goitres mais sans réveiller le monstre WC. Ces apports sont des cache-misères propres à faire taire toute manifestation thyroïdienne liée à un manque en iode mais ouvrent la porte à toutes les pathologies iodo-carentielles extra-thyroïdiennes, qui du coup explosent.
La médecine moderne nous fait sempiternellement vivre sous l’ère de la misère physiologique, 150 µg d’iode par jour au lieu de 10 à 50 mg, 400 UI de D3 pour éloigner l’ostéomalacie quand certains en consomment 20 000 UI sans souci et effacent de nombreuses pathologies dysimmunitaires, 300 mg de vitamine C pour éviter le scorbut alors qu’avec 100 g/j en intraveineuse, on a largement documenté la guérison de certains cancers, de certaines maladies infectieuses, de certains empoisonnements… Personne ne s’occupe de notre statut en chrome, pas beaucoup plus de celui lié au sélénium, nous sommes tous carencés en magnésium et pourtant aucune campagne de supplémentation ne se fait jour. Médecine, population, réveillez-vous!
8 – Quels sont les risques démontrés pour la santé d’un excès de consommation d’iode ? Et à partir de quelle dose peut-on parler d’excès ?
Je vois que tu ne désarmes pas, oh la belle estocade ! Va voir dans le Manuel Merck, « La source d’information médicale de confiance depuis 1899 » : tu y liras qu’une intoxication chronique peut subvenir au delà de 1,1 mg d’apport par jour (8). Fichtre, et combien d’iode demeure délivré par un comprimé de Cordarone® ? 75 mg, ou si tu préfères, 75 000 µg. Dans une ampoule de Lipiodol® qu’on utilisait en injectable pour ioder annuellement les populations les plus reculées du monde, il y a 480 mg donc 480 000 µg d’iode et tu sais quoi ? La palme revient au Ioméron® 350, une ampoule de 250 ml contient 87,5 g d’iode, ou 87 500 mg, si tu préfères : 87.500.000 µg d’iode mais attention, d’iode organique potentiellement dangereux et pourtant le produit est vendu en pharmacie. Je ne préconise même pas les grammes d’iode en supplémentation nutritionnelle, pourtant ces doses étaient traditionnellement utilisées dans le traitement de l’asthme et de l’hyperthyroïdie au début du siècle dernier.
Je préconise sereinement un apport équilibré en diiode (I2) et iodure de potassium, autour de la dizaine de milligrammes par jour en moyenne, parce que véritablement la littérature mondiale déborde de données favorables à de telles supplémentations. Le cancer du sein pourrait reculer par cette seule supplémentation, de même que la résistance humaine aux infections (des plus bénignes aux plus sévères), bon nombre de syndromes dépressifs et d’asthénies chroniques, d’infertilités, de dysménorrhées ou encore de trouble dyspondéraux, diabétiques, liés à l’arythmie cardiaque pourraient être balayés par une supplémentation optimale. Mais pour une majorité de confrères, la peur de l’effet WC les fige dans l’immobilisme.
Il reste à nos concitoyens ce livre pour se forger une opinion éclairée sur la question : mais chacun fait bien ce qu’il veut de sa vie !
Dr Éric MénatDr Vincent Reliquet
Septembre 2024
Notes et sources :
(*) Dr Vincent Reliquet, Alix Lefief-Delcourt, « Les pouvoirs de l’iode« , Guy Trédaniel éditeur, 2024, 253 p.
(1) M. A. Woodley, J. Nijenhuis, R. Murphy, “Were the Victorians
cleverer than us? The decline in general intelligence estimated from a
meta-analysis of the slowing of simple reaction time”, Intelligence,
Vol. 41, Issue 6.
(2) K. L. Hynes, P. Otahal, I. Hay, J. R. Burgess, “Mild iodine
deficiency during pregnancy is associated with reduced educational
outcomes in the offspring: 9-year follow-up of the gestational iodine
cohort”, The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, 2013.
(3) S. C. Bath, C. D. Steer, J. Golding, P. Emmett, M. P. Rayman, “Effect
of inadequate iodine status in UK pregnant women on cognitive outcomes
in their children: results from the Avon Longitudinal Study of Parents
and Children (ALSPAC)”, The Lancet, 2013.
(4) E. Auso et al., “A moderate and transient deficiency of maternal
thyroid function at the beginning of fetal neocorticogenesis alters
neuronal migration”, Endocrinology, 2004.
(5) AQR : Apport Quotidien Recommandé
(6) E. S. O’Leary et al., “Pesticide exposure and risk of breast
cancer: a nested case-control study of residentially stable women living
on Long Island”, Environmental Research, 2004.
(7) Lai J, Hunter-Orange J, Clemens KK. Hyperthyroïdie à la suite de l’ingestion de produits de santé naturels. Can Fam Physician. 2019 Sep;65(9):e386-e388. French. PMID: 31515324; PMCID: PMC6741801.
(8) https://ods.od.nih.gov/factsheets/Iodine-HealthProfessional/
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