Voilà, notre vibrant ministre des Petites Économies et des grosses Finances, Bruno Le Maire, est parti après 7 longues et pénibles
années à la tête de Bercy et traditionnellement, l’heure serait donc au
bilan d’autant qu’aucun ministre ne l’a pour le moment remplacé. Or, la
saison actuelle est propice à l’établissement d’un de ces solides
budgets bien roboratifs comme la France sait nous en pondre
régulièrement, à base de Grands Plans, de Belles Autorités et autres
envolées lyriques destinées à conquérir les cœurs, les marchés et les
industries.
Mais là, bon, non, c’est pas trop ça.
Depuis la dissolution, il y a comme un petit flottement dans l’air.
On admirera à ce sujet le temps mis par le chef de l’État à avancer sur tous les dossiers : depuis la fin des élections européennes, tout se déroule comme si Emmanuel Macron freinait des quatre fers sur tous les sujets importants, à commencer par celui des finances publiques.
Peut-être est-il vaguement conscient d’un décalage entre ses propres aspirations, assez probablement faites de spectacles et de festivités et celles du peuple qui trouve de plus en plus difficile de boucler ses fins de mois…
Dans ce contexte, on est même en droit de se demander si la dissolution elle-même ne fut pas autre chose qu’une simple distraction, une diversion afin de faire oublier tous ces sujets qui fâchent. Il faut dire qu’au même moment – mais si, rappelez vous ! – Bruno nous annonçait qu’il y avait quelques petits soucis dans les comptes nationaux et qu’un petit trou de 10 milliards (jolie somme, vous ne trouvez pas ?)… puis 20 milliards d’euros (joli doublement, vous ne trouvez pas ?) avait été découvert.
Pourtant, tout avait été taillé au cordeau l’année précédente et rien ne laissait présager cette mauvaise fortune soudaine et passagère, enfin, voyons. Mais si.
Et soyons honnêtes, la dissolution permit effectivement d’occuper les esprits tout le mois de juin, loin des considérations budgétaires et de ces problèmes de sous pas assez sonnants et beaucoup trop trébuchants. Aubaine pour le chef de l’État puisqu’en enfilade habile de cette dissolution et des résultats franchement en demi-teinte dont elle accoucha (posez la question “qui a gagné” pour immédiatement animer vos dîners en ville), les Jeux Olympiques arrivèrent là encore à point nommé pour, d’une part, remettre à plus tard toute désignation gouvernementale embarrassante et, d’autre part, occuper encore les esprits, et ce d’autant plus facilement qu’on avait subrepticement enduit les cérémonies de dérapages provocateurs et autres wokeries débridées.
Cependant, une fois les Jeux finis, ce ne fut pas plus l’occasion de se dépêcher pour passer à la suite.
Plusieurs semaines furent nécessaire à laisser s’installer les pitreries de la clique à Mélenchon, judicieusement décorées d’une Julie Castets parfaitement accessoire qui n’aura d’ailleurs pas survécu cette phase d’entre-deux malaisante pour tous les observateurs lucides. Quant à la récente désignation de Barnier comme Premier ministre, elle a (faussement) laissé croire à tout le monde que la situation allait enfin se débloquer.
Pourtant, le déferlement de mollesse du patelin fonctionnaire ne pouvait laisser présager rien d’autre qu’une tempête d’air tiède douillettement enrobée d’atermoiements niais sur ce qu’il convenait de faire, de ne pas faire et d’envisager pour la France, avec calme, détermination, et ce sentiment de néant qui étreint probablement les abribus éteints.
Et donc, conformément à ce qu’on savait qu’il allait se produire (i.e. rien), c’est exactement ce qu’on observe au moment même où, en parallèle, il apparaît qu’il faille absolument faire quelque chose et de plus en plus radical à mesure que la situation se découvre pour ce qu’elle est : catastrophique.
Eh oui : si le chef de l’État temporise avec autant d’application, ce n’est pas parce qu’il s’est fichu dans une situation politique inextricable ou parce que la situation sociale en France serait tendue. Oh, certes, Macron s’est bien mis dans une impasse politique avec son idiote dissolution, et certes les tensions entre les différentes populations françaises, de moins en moins miscibles, croissent au point de partitionner le pays, mais ce n’est probablement pas ce qui préoccupe le chef de l’Exécutif autocentré et qui n’a jamais rien eu à carrer du peuple ou des institutions.
Non, ce qui le préoccupe, c’est que la fête pourrait bien se terminer brutalement : le petit trou de 20 et quelques milliards déjà mentionné par Bruno Le Fuyard Suisse semble beaucoup plus gênant que ce qu’ont laissé entendre les membres du gouvernement, et l’établissement du budget pour 2025 en devient singulièrement plus compliqué.
Dans ce contexte, le fait que les documents budgétaires ne soient pas consultables par les députés peut n’être vu par les plus naïfs que comme une péripétie politicienne un peu puérile. Pour les lucides, en revanche, cette manoeuvre bizarre camoufle assez mal un malaise profond qui s’est emparé de l’Exécutif, d’autant qu’elle se confirme au niveau du ministère des Finances, Bercy ayant à son tour refusé de communiquer les documents demandés.
Malaise d’ailleurs renforcé par des rumeurs insistantes, qui portent autant sur la difficulté pour Barnier d’avancer sur cette question épineuse que sur celle, plus triviale mais encore plus visible, de la composition de son gouvernement : entre les oppositions du chef de l’État à certains noms et le casse-tête de trouver des ministrables suffisamment téméraires (ou idiots) pour se lancer dans le bourbier actuel alors que beaucoup savent, discrètement, que la situation est épouvantable, Barnier pourrait se retrouver à renoncer plus vite que prévu, laissant Macron se dépêtrer avec une faillite politique, rapidement doublée d’une faillite économique.
Oui, vous avez bien lu : les signes s’accumulent sur une situation politique et économique sans précédent, et le mot “faillite” n’est plus trop fort.
En réalité, cela ne devrait être une surprise pour personne : cela fait plusieurs années que le train de vie de l’État est insoutenable, cela fait plusieurs mois que les rapports financiers désastreux et les alertes remontent de Bercy, on évoque depuis avril des ponctions voraces de l’épargne et l’idée d’augmenter encore les impôts, qui n’ont pourtant jamais été aussi hauts, continue d’être goulûment relayée par les médias afin de préparer le peuple à une saignée historique.
Or, ni Barnier dans sa confortable nullité, ni personne d’autre d’ailleurs n’envisage réellement de couper dans les dépenses de l’État obèse.
Aucun de nos ploutocrates, aucun de nos politiciens, aucun de nos experts de plateau télé, aucun chroniqueur officiel, aucun journaliste ni aucun économiste en vue n’envisage une seule seconde que la situation est à ce point catastrophique qu’il faille envisager de couper, franchement et rapidement, dans des pans de la forteresse social(ist)e française.
Personne de ces “élites” n’imagine venu le temps d’arrêter net les dépenses fastueuses pour les lubies globo-mondialo-wokes. Personne ne veut entendre parler d’une coupe claire, massive, de la distribution frénétique du pognon gratuit des autres à toutes les strates de profiteurs de la République. Personne ne veut imaginer la disparition subite des milliers de fromages républicains, agences inutiles et autres comités théodules stériles. Personne n’ose évoquer la remise en question du système social français, pourtant en plein écroulement, ou envisager que, peut-être, les débilités écolo-décroissantes et les stupidités de la transition énergétique sont en train de signer l’arrêt de mort du pays.
L’Exécutif, imbibé à tort de la certitude que le déluge sera après lui, continue de croire avec cette obstination qui confine à l’abrutissement que “c’est bon encore cette fois, ça va passer” et qu’il va suffire d’augmenter les impôts.
Cette fois, le mur est là et ce pays est foutu.
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