Le journaliste et essayiste Tom Benoit revient pour Epoch Times sur le déficit public et le meurtre d’un agent municipal à Grenoble dimanche 8 septembre.
Epoch Times : Dans un courrier envoyé aux parlementaires en charge des questions budgétaires incluant une note du Trésor, le ministre sortant de l’Économie et des Finances, Bruno le Maire ainsi que celui des comptes publics, Thomas Cazenave ont mis en garde contre une dérive des comptes publics liée selon eux, à une « hausse extrêmement rapide des dépenses des collectivités territoriales ». Le déficit public pourrait représenter 5,6 % du PIB en 2024 contre les 5,1 % prévus par le gouvernement. Faut-il blâmer les collectivités territoriales ?
Tom Benoit : Non, il ne faut pas les blâmer, notamment pour plusieurs raisons. Premièrement, le discours qui consiste à accuser les collectivités territoriales vise, dans une forme de double langage, à justifier le fait que l’État central doit prendre le pas sur les collectivités territoriales en matière de dépenses comme de décisions, qu’elles soient urbanistiques, sociales ou entrepreneuriales, mais aussi que l’Union européenne doit prendre le pas sur les nations qui sont d’une certaine manière, des grandes collectivités territoriales.
Je dirais également que les dépenses des collectivités territoriales sont directement encadrées, structurées par les décisions politiques de l’État central. C’est, par exemple, l’État qui décide du nombre de fonctionnaires dans le pays, non pas les maires ou les présidents de régions.
Par ailleurs, concernant ce qu’on appelle de manière arbitraire la « transition écologique », c’est-à-dire un retour à plus d’écologie, plus de bien vivre avec une forme de respect de l’environnement, l’archaïsme qui peut être décidé par rapport à des mesures et des décisions ciblées par les collectivités territoriales serait bien plus efficace que toutes les décisions technocratiques et hors-sol qui sont prises à la fois aujourd’hui par les États européens et plus généralement par la Commission européenne.
L’ancien président du conseil des ministres italien, Mario Draghi a rendu ces derniers jours un rapport de 400 pages avec 170 propositions à la Commission européenne dans lequel on nous dit que l’Europe doit être davantage intégrée, c’est-à-dire une Europe qui s’endette comme un seul État pour tous les États, qui décide comme un seul gouvernement pour tous les gouvernements nationaux, avec d’une part, des émissions des titres obligataires communs à l’Europe et d’autre part, avec des commissaires européens, notamment à la Défense comme le souhaite Mario Draghi, très prochainement aux Finances, mais aussi au commerce intérieur.
Nous aurions alors des ministres de la Commission européenne qui seront en quelque sorte les ministres uniques de tous les États européens avec des dépenses décidées bien loin des territoires et des collectivités territoriales.
Selon des informations de La Tribune, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a demandé à l’UE un délai supplémentaire pour le redressement des comptes de la France. L’hexagone a récemment été placé par Bruxelles en procédure de déficit excessif. Comment voyez-vous l’avenir de la France sur le plan budgétaire ?
Nous avons plus de 3100 milliards de dette publique avec une durée de vie moyenne de huit années et demie à rembourser, sinon plus justement à faire rouler. La grande question est de savoir si nous allons pouvoir nous endetter auprès des marchés financiers avec des taux longs qui vont très certainement augmenter. Aujourd’hui, on s’endette à un peu moins de 3 % en remplaçant de la dette majoritairement à zéro.
Deuxièmement, notre économie libérale, c’est-à-dire d’entreprises, est de plus en plus ankylosée par un commerce intérieur paralysé. Ce qui par ailleurs n’est pas le cas chez nos voisins allemands qu’on cite souvent comme exemple. Et on constate aujourd’hui que les Allemands sont en récession. Officieusement, la France l’est déjà. Elle ne l’est pas par rapport à des dépenses publiques faramineuses, mais sur un plan purement nominal, officiel et comptable.
Par ailleurs, j’observe que la situation des Allemands sur le plan public est bien plus rassurante que celle des Français. Les Allemands ont un commerce intérieur qui fonctionne, leur dette représente 65 % du PIB tandis qu’encore une fois, notre commerce intérieur est paralysé et notre endettement représente presque le double de celui de nos voisins d’outre-Rhin.
Si nous comparons avec l’Italie, nous pouvons également constater que Rome bénéficie contrairement à Paris d’un excédent commercial. Ce qui est un élément rassurant pour les Italiens qui eux aussi ont un déficit public abyssal.
En Europe, d’autres États s’en sortent très bien. Je pense notamment à l’Irlande qui ne sait plus quoi faire de son excédent, qui est en plus largement investi dans des sociétés américaines, donc à l’abri pour une longue durée – en tout cas, tant que la bourse américaine et que des valeurs comme Pfizer, Amazon et Apple se porteront convenablement.
Les finances de la France sont donc paralysées d’une part par la santé économique précaire de notre pays et d’autre part par les mauvaises décisions budgétaires. Je regrette que les décisions prises sur le plan purement économique et financier ne soient pas propices à relancer l’économie, et que les économies évoquées par le gouvernement soient totalement marginales. Je parle bien entendu des économies et pas des nouvelles taxations puisqu’il faut s’attendre à des réductions, par exemple au taux réduit de la TVA sur certains produits ou certaines catégories de produits. Plus largement, ce qui me préoccupe est que pour sauver l’euro, l’UE va faire passer en force la mutualisation des dettes et la titrisation de l’épargne privée. Parce que, sans cela, jamais l’Allemagne, le Luxembourg ou l’Irlande n’accepteront de faire pot commun avec des pays comme la France ou l’Italie.
Le 8 septembre, Lilian Dejean, un agent municipal
grenoblois a été tué par balles par un individu ayant provoqué un
accident de la circulation dont il essayait de bloquer la fuite.L’auteur
des tirs est toujours en fuite. Selon le procureur de la République de
Grenoble Éric Vaillant, il est connu de la justice pour diverses
infractions, notamment « vols, violences et trafic de stupéfiants ».
Comment analysez-vous ce drame et quel regard portez-vous sur le profil
du suspect ?
Contrairement à ce qu’a affirmé le maire de Grenoble Éric Piolle, ce n’est pas un accident. C’est un fait divers qui s’inscrit dans une multitude de faits divers récurrents. Je constate aussi que c’est un profil qui est de plus en plus impliqué dans ce type de drame.
J’ai tendance à penser que le problème provient davantage du manque de considération de certains individus à l’endroit de la nation et de l’idée que l’on se fait individuellement de la nation par rapport à ses parents, ses grands-parents, sa culture, son identité, que par rapport au fait de rencontrer des périodes de la vie parsemées de certaines formes de délinquance. Il y a toujours eu des délinquants.
Mais là où il y a une fracture qui est terriblement inquiétante aujourd’hui, c’est qu’il y a une catégorie de personnes qui est en dehors de l’ordre national et qui ne s’inscrit pas dans une nation, en l’occurrence la France. C’est la grande différence par rapport au passé.
Le maire écologiste de Grenoble Éric Piolle est critiqué après la mort de l’employé municipal. L’ancien maire LR de la ville iséroise et opposant d’Éric Piolle, Alain Carignon a estimé sur Cnews hier qu’il a « failli deux fois, comme maire et comme employeur ». Au micro d’Apolline de Malherbe, l’édile de Nice, Christian Estrosi a déclaré qu’ « Éric Piolle est un maire qui n’est pas sécuritaire et autoritaire » et qui « ne parle que de prévention ». Comment jugeriez-vous le bilan sécuritaire de l’actuel maire de Grenoble ?
Je ne serai pas très à même de juger le bilan sécuritaire du maire de Grenoble. En outre, son attitude vis-à-vis de ce drame m’a choqué. J’ai constaté qu’Éric Piolle avait une fâcheuse tendance à se réfugier, pour ne pas dire se défiler derrière certaines situations, notamment la circulation d’armes pour expliquer la mort de l’employé municipal.
Ce genre de drames n’est pas lié à la circulation des armes, mais au fait que certaines personnes se trouvent dans des dispositions malsaines qui conduisent justement à ces drames. Donc quand le maire parle d’accident ou émet il y a quelques mois l’idée d’étudier des possibilités permettant à des résidents de mieux vivre en proximité avec des dealers, je pense que le constat de Christian Estrosi sur la complaisance dont fait preuve Éric Piolle est juste.
Mais ce qui est davantage regrettable, c’est le manque de prise de responsabilité d’un maire et d’un homme politique qui affiche d’une façon assumée parfois des ambitions nationales. Cette faculté à se résoudre à accepter une décadence qui touche à la sécurité, à la santé et à la vie de ses concitoyens est dramatique.
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