22 août 2024

Pourquoi ce silence sur la performance des universités françaises dans le classement de Shanghai ?


Dans la médiocrité générale qui caractérise actuellement la vie publique française, il y aurait eu une occasion de se réjouir : le bon résultat des universités françaises, en 2024, dans le classement de Shanghai. Les trois premières françaises gagnent des places. Quatre universités françaises sont désormais solidement installées dans les cent premières. La France en classe huit dans les 200 premières et 25 dans les 1000. Ce sont des performances plus qu’honorables pour un pays dont ses dirigeants ne cessent de nous dire, avec complaisance, qu’il est trop petit pour la compétition internationale. Je vais m’arrêter sur les performances des quatre meilleures françaises: Paris-Saclay, Paris Sciences & Lettres, Sorbonne Université et Paris-Cité. Quand on regarde de plus près leur histoire et leurs performances, on comprend pourquoi nos médias sont bien silencieux: les beaux résultats de ces universités, dont le périmètre est récent, contredisent tous les dogmes de notre classe politique et de notre haute fonction publique. 


Saviez-vous que la France classe une université dans les 15 meilleures du monde? Il s’agit de Paris-Saclay ! Et saviez-vous qu’elle a gagné trois places cette années, se classant à la 12è place?

Saviez-vous que l’Ecole Normale Supérieure, l’Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielle, l’Ecole des Mines, Chimie-Paris, l’Observatoire de Paris et l’université Paris-Dauphine se sont réunies, il y a une dizaine d’années et ont décidé de devenir un seul établissement académique, l’université Paris Sciences & Lettres, qui se classe cette année à la 33è place du classement de Shanghai?

Aviez-vous entendu raconter que la Sorbonne est, depuis quelques années, reconstituée comme une vraie université, incluant toutes les disciplines (sciences humaines, sciences de la nature, médecine) et qu’elle se situe aux alentours de la 40è place?

Saviez-vous qu’après la fusion des universités Paris Descartes et Paris-Diderot, la France possède la première faculté de médecine d’Europe, au sein de l’université Paris-Cité?

Mais pourquoi donc parle-t-on si peu de ces bonnes performances françaises?

La réforme des universités de 2004-2012 a contredit tous les dogmes de notre classe dirigeante

La raison principale du silence de nos médias sur un beau succès français vient de ce qu’aucun des dogmes de notre caste stato-politique n’ont été respectés pour arriver à un tel résultat. Tout est parti d’une initiative des chercheurs français eux-mêmes, avec les Etats Généraux de la Recherche en 2004. C’est sur leur recommandation que l’on a créé des laboratoires de taille intermédiaire – entre l’organisme de recherche et l’équipe locale. Le travail de fusion d’établissements académiques jusque-là séparés a été fait à leur suggestion. Et, en 2010-2012, on a largement laissé les universités et les écoles négocier entre elles leurs regroupements.
 
Le classement de Shanghai ne se prête pas à une opération de com pour nos politiques. Il est effroyablement objectif: il mesure les performances en termes de publication scientifique dans une université. Avec une petite touche chinoise: la valorisation du passé scientifique des institutions – le nombre de prix Nobel et de médailles Fields ou de prix Abel.
 
L’objectif n’a pas été de faire masse, par le nombre d’étudiants ou de chercheurs. Mais de créer des ensembles cohérents (plateau de Saclay, établissements de la Montagne Sainte Geneviève etc….)
 
On n’a ^pas cherché à biaiser avec le réel: Paris est de fait, un “cluster”, une “grappe d’innovation”, comme disent les Américains, fondée sur le regroupement dans un périmètre géographique restreint, mais bien aménagé, d’un certain nombre de laboratoires, d’étudiants performants, d’entreprises, d’institutions culturelles….Nous devrions nous réjouir que le grand Paris universitaire puisse tenir son rang dans la compétition internationale: Saclay, PSL, la Sorbonne et Paris-Cité nous donnent des raisons d’être fiers, si l’on compare Paris à la Californie, à Boston, à Londres, à Pékin.
 
L’objectif des investissements d’avenir conçus par Nicolas Sarkozy, avec l’aide d’Henri Guaino et de René Ricol, était de faire émerger “cinq à dix universités de recherche de classe mondiale”. Le gouvernement de l’époque assumait le fait qu’il y ait des “universités de recherche” identifiables, qui tirent l’ensemble du système vers le haut, par leurs performance. Contre l’idéologie égalitariste ambiante voulant que l’on respectât le moindre “enseignant-chercheur” de “l’antenne universitaire” la plus reculée comme un Prix Nobel en puissance – indépendamment de ses performances scientifiques réelles, bien entendu.

Emmanuel Macron et la plus grande partie de la classe politique française sont tout à leurs manœuvres dérisoires pour constituer un gouvernement qui n’aura prise sur rien. A première vue, on se dit que c’est dommage qu’une vraie performance française ne soit pas soulignée. Et puis, finalement, on comprend qu’il vaut mieux que le pouvoir politique et l’Etat ne s’aperçoivent de rien: on n’a pas besoin de leurs interventions intempestives pour mettre des bâtons dans les roues à nos universités de recherche performante.

Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2024/08/22/pourquoi-ce-silence-sur-la-performance-des-universites-francaises-dans-le-classement-de-shanghai/

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