16 août 2024

Nos Canadairs sont de vieux coucous

La France possède 12 Canadair, 12 vieux avions qui exigent entretien et réparations. Deux nouveaux appareils de la nouvelle génération vont donc rejoindre la flotte. La commande est officielle depuis le 12 août.

Devenus incontournables pour lutter contre les incendies, les Canadair sont des avions amphibies capables d'écoper puis de noyer les flammes. Pendant leurs vols, ils sont placés dans des conditions extrêmes, ils larguent très bas, font des virages serrés, en bref, ils sont malmenés.

La flotte française n'est plus jeune du tout. Vingt ans pour les plus jeunes, trente ans pour les plus âgés. La France a donc commandé deux nouveaux appareils au Canada. Gérald Darmanin, ministre démissionnaire de l'Intérieur et des Outre-mer a signé ce contrat le lundi 12 août, à l'hôtel Beauveau, à Paris. "Merci à l’Europe qui finance désormais 100% des achats de la flotte aérienne de lutte contre les feux, notamment les Canadairs", réagissait le ministre sur X ( ex-Twitter). 

Une seule entreprise construit cet avion, l'avionneur de Havilland Canada. Six pays européens passent commande : la Grèce, la France, l'Italie, la Croatie, l'Espagne et le Portugal. Vingt-deux bombardiers d'eau au total, tous financés par l'Union Européenne.

Coût d'un seul appareil : 60 millions d'euros, le prix du Canadair DHC-515, nouvelle version du bombardier, sans aucun équivalent au monde.

"Les avions ne seront pas disponibles immédiatement, il faut les construire. La date de réception est fixée entre 2028 et 2030", explique Delphine Graye-Dumas, cheffe du groupement des moyens aériens de la Sécurité Civile, "Ces deux nouveaux appareils s'ajouteraient au douze déjà présents." En attendant, à Nîmes, la flotte de la Sécurité Civile travaille avec des bombardiers d'eau en petite forme.

Les avions sont tellement vieux que certains portent une seule pièce d'origine : leur plaque d'immatriculation. Les pièces de rechange d'occasion sont presque introuvables. Toute l'année, elles sont recherchées à travers le monde pour effectuer les réparations. Un avion peut donc se retrouver sol pendant plusieurs jours avant d'être réparé.

"Notre rôle, c'est de mettre à disposition des avions qui volent, avec le personnel" résume Delphine Graye-Dumas."Nous préparons les avions l'hiver, les pilotes s'entraînent. Nous pouvons aussi entretenir un Canadair la nuit car il ne peut intervenir que le jour. La disponibilité des avions n'est jamais régulière, ça change au cours d'une même journée."

Ce lundi 12 août, autour de 15h45, un feu est déclaré à Besse-sur-Issole, dans le Var. Plus de 170 pompiers sont mobilisés, quatre Canadair, deux Dash et trois hélicoptères bombardiers d'eau. À 18h30, 66 largages ont été effectués, l'intensité du feu baisse, quatre hectares ont été parcourus. L'attaque massive des moyens aériens démontre son efficacité.

Lorsqu'ils arrivent au travail, ils ne s'assoient pas devant un bureau mais montent dans un avion. Alors ils préféreraient s'y sentir en sécurité. Selon les pilotes de la Sécurité Civile basée à Nîmes, ça n'est pas le cas. "Nous avons exercé notre droit de retrait début juin, pendant 24 heures. Et la semaine dernière, un pilote a exercé son droit de retrait durant 48 heures à cause d'une visibilité très faible, un système de largage défectueux, un autre avion dérouté, plusieurs pannes", décrit le pilote Benoît Quennepoix, secrétaire du syndicat du personnel navigant de l'aéronautique civile, "certains pilotes sont résignés, d'autres démotivés."

Toujours selon Benoît Quennepoix, les pannes sont récurrentes et l'état des Canadairs s'aggrave d'année en année : "Nous larguons à 50 mètres de hauteur. Si le système de largage est défectueux, avec le poids de l'eau, on ne peut pas forcément sortir du relief (passer au-dessus d'une colline par exemple)."

Sabena Technics est l'entreprise qui entretient la flotte de la Sécurité Civile. Elle est critiquée par les pilotes. "Beaucoup de bons techniciens sont partis", regrette Benoît Quennepoix, "nos avions ont la même panne huit fois de suite, tout est fait à la va-vite, sans régler le problème de fond."

L'entreprise Sabena Technics traverse des problèmes sociaux. Une grève fin mai, un manque d'effectifs, le personnel refuse de s'exprimer jusqu'à la fin de la "saison feux", fixée au 15 septembre. Nous n'avons pas réussi à joindre la direction.

Le marché entre la Sécurité civile et Sabena Technics court jusqu'en 2027, "ensuite, on souhaiterait changer d'entreprise, avec la reprise des salariés actuels, voir notre outil qui était performant se dégrader, ça fait mal au cœur", regrette Benoît Quennepoix, "À cause de ces problèmes techniques, l'État loue très cher des moyens privés, pour 20 millions par an."

La saison des feux n'est pas terminée. La cheffe du groupement des moyens aériens de la Sécurité Civile, Delphine Graye-Dumas, nous dit que le plus grand risque a commencé autour du 10 août. "Pour l'évaluer, il existe la règle des trois 30 : plus de 30 km/heure de vent, moins de 30% d’humidité dans la végétation, et plus de 30 degrés de température." 

La France est pionnière dans la tactique du guet aérien. "Comme les pompiers en veille dans les massifs, les avions Dash survolent certains secteurs. Ils sont chargés de produit retardant, prêts à larguer au moindre départ de feu, en attendant les Canadair."

Les Canadair, stars parmi les stars de l'aviation, arrivent en noria, écopent, frôlent, larguent, volent si bas que leur ballet est spectaculaire. Mais ils ne sont pas seuls dans la flotte. Huit Dash volent plus vite qu'eux pour larguer leur produit retardant, trois Beechcraft sont équipés d'une caméra extrêmement puissante permettant de voir à travers les fumées, les hélicoptères bombardiers d'eau interviennent là où le Canadair ne peut accéder.

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