20 août 2024

Moscou-Téhéran, occurrence historique


Les deux pays de l’Axe de la Résistance et des BRICS, la Russie et l’Iran, se trouvent dans une situation similaire : ayant subi une provocation de deux ‘proxies’ des USA (Israël et l’Ukraine), ils se préparent à riposter. Bien sûr, la Russie livre d’urgence des armes à l’Iran. Cela signifie que les deux conflits (Israël et l’Ukraine) se trouvent réunis dans le chef des deux pays de l’Axe face au sponsor des ‘proxies’, c’est-à-dire les USA. Leurs guerres deviennent communes, quoi qu’ils en veuillent, et offrent la matrice du conflit général Ouest-contre-le-reste.

Il existe actuellement une singulière situation de similitude entre la Russie et l’Iran. Ces deux pays se trouvent confrontés d’une façon générale à des provocations d’un ‘proxy’ des USA qui veut engager les USA dans cet affrontement. Opérationnellement et pour cette circonstance qui nous conduit à ces observations, ils se trouvent dans la même situation d’une provocation majeure à laquelle ils ont promis de répondre, réponse pour laquelle ils semblent prendre leur temps, – par tactique, par prudence ou par ruse, nul ne peut dire, – ajoutant une guerre des nerfs à  à la confrontation courante.

Nous jugeons que cette simultanéité de situation, si elle n’est bien sûr pas volontairement provoquée, constitue une coïncidence qui est trop remarquable pour être un hasard. Nous avançons l’hypothèse qu’il n’y a rien de calculé de la part des provocateurs puisqu’ils n’entendent pas dissimuler leur provocation derrière les échos de l’autre car leur intention est justement de provoquer un écho important qui suscite une réaction du pays provoqué et entraîne les USA dans le conflit.,

Les deux situations parallèles

On connaît bien les deux situations. On les rappelle ici pour mieux montrer leur similitude, dans des conditions militaires, géographiques et psychologique qui diffèrent totalement.

• L’Iran soutient plusieurs groupes de l’Axe de la Résistance, et s’oppose bien entendu à la politique  d’Israël contre les Palestiniens.  Il y a déjà eu plusieurs épisodes de provocation israélienne. Cette fois, l’on parle de deux assassinats (les 30 et 31 juillet) de dirigeants du Hamas dont l’un se trouvait à Teheran, à l’invitation du gouvernement iranien. L’Iran a aussitôt annoncé une riposte très importante, que l’on attendait très rapide. Ce ne fut pas le cas. Le 7 août, nous écrivions sous le titre de « Guerre hybride des nerfs » :

« Et pendant ce temps, on s’arrache les cheveux à Tel Aviv ! Que font donc les Iraniens, à la fin ? Où est leur riposte tant et si justement prévue ? On nous avait promis lundi [5 août], dernier carat :

» “Les États-Unis et Israël poursuivent leurs préparatifs en vue d'une attaque majeure de l'Iran en représailles à l'assassinat de dirigeants du Hamas et du Hezbollah, a rapporté Axios samedi, citant des sources. L'attaque devrait commencer lundi [5 août] »

• La Russie a signifié plusieurs règles autour de la guerre en Ukraine. L’une d’entre elles, sans doute la plus importante, est le caractère sanctuarisé du territoire russe internationalement reconnu et en-dehors des territoires qui sont l’enjeu de la querelle entre les deux pays. Il s’agit symboliquement de la “terre sacrée de la Patrie” dont la violation doit entraîner une riposte massive de la Russie. On en parle beaucoup à Moscou où l’ambiance est électrique, et nul ne doute que Poutine devra, malgré sa prudence proverbiale, riposter dans une dimension nouvelle de la guerre. En attendant, justement, tout le monde attend cette riposte qui ne vient pas sur commande, – selon l’habitude des Russes.

• Les deux situations sont d’autant plus identiques que l’on trouve impliqués face aux deux pays victimes de provocations la même combinaison : un ‘proxy’ (Israël et l’Ukraine) et les USA, avec le contrôle du ‘proxy’ par les USA souvent incertains et fluctuant derrière une direction totalement désintégrée, et souvent avec des actions que le ‘proxy’ décide, souvent et parfois, sans l’aval ni même la recommandation de Washington.

Pour quelques S-400...

Comme nous l’indiquions également dans le texte référencé, l’ancien ministre russe de la défense et actuel membre du Conseil de sécurité de Poutine Shoigou s’est déplacé en Iran peu après les assassinats (visite prévue avant les assassinats, mais d’autant plus justifiée). Les hypothèses sur la teneur de ses conversations ont aussitôt fleuri mais il est quasiment acquis qu’elles ont porté sur la livraison urgente de matériels militaires russes très avancés à l’Iran (malgré des protestations d’Israël dont la Russie semble désormais décidée à ne plus s’arrêter, sa position à cet égard ayant évolué vers un durcissement vis-à-vis des liens avec les USA des ‘proxies’, surtout Israël  qui bénéficiait jusqu’ici d’une certaine indulgence russe).

Eric Zuesse a écrit un texte là-dessus, le 18 août, qui donne effectivement comme explication du “retard” iranien (par rapport à quel horaire ?) l’attente de ces livraisons dont nous parlions nous-mêmes le 7 août :

« Le 5 août, Sergueï Shoigou, récemment passé de la position de ministre de la Défense russe au poste de secrétaire du Conseil de sécurité, a rencontré à Téhéran le président iranien et d’autres hauts responsables iraniens et a accepté de fournir à l’Iran les deuxièmes meilleurs systèmes de défense aérienne au monde, les systèmes S-400 ‘Triumf’, fabriqués en Russie (deuxième meilleur après le système S-500, dont les stocks sont plus limités). À l’heure actuelle, l’Iran attend toujours l’installation et la mise en place de ces systèmes, et c’est pourquoi il n’a pas encore attaqué Israël après ces assassinats. »

Il est également probable que les Russes livrent aux Iraniens des systèmes guerre électroniques très avancés, notamment pour le brouillage des communications aériennes. Tous ces équipements constituent un renforcement d’urgence face à la riposte qu’Israël déclencherait sans doute après  une attaque iranienne. Ils ont bien entendu beaucoup plus d’importance stratégique et politique, et de signification symbolique que les drones que les Iraniens ont (peut-être) livrés aux Russes en catimini.

Tous ces contacts et ces transactions sont logiques dans la perspective d’un affrontement avec Israël, sauf qu’ils concernent un matériel de très haut niveau qualitatif, que la Russie s’abstenait de livrer à l’Iran à la demande d’Israël. Il s’agit d’une concrétisation très significative des nouveaux liens stratégiques que l’Iran et la Russie envisageaient d’établir depuis un ou deux ans. Les événements rendent cette concrétisation extrêmement importante et la scelle dans la dangerosité et la puissance des événements en cours pour les deux pays.

Parlant de la seule situation Iran-Israël, après avoir évoqué le rôle des USA et de la Russie, Zuesse observe :

« Le résultat, quel qu’il soit, pourrait avoir des répercussions internationales majeures pour chacune des quatre parties impliquées. De plus, si non seulement les États-Unis mais aussi Israël finissent par perdre, cela pourrait rapidement mettre fin au statut de première puissance mondiale des États-Unis. Ce serait donc le plus grand bouleversement depuis que les États-Unis sont devenus la première puissance incontestable lors de l’effondrement de l’Union soviétique en 1991. »

Effondrement... C’est évidemment et exactement ce qui est en jeu.

Extension du domaine de la guerre totale

Bien sûr, les deux conflits (Israël et Ukraine) ne sont en rien coordonnés, pourtant ils atteignent un paroxysme potentiel à peu près en même temps, – et peu importe que les circonstances soient différentes, les causes et les effets différents, etc., seule compte cette simultanéité parallèle et l’identité de l’adversaire principal et manipulateur psychopathe. 

Cette simultanéité parallèle place pratiquement les deux alliés jusqu’alors dans une certaine retenue l’un vis-à-vis de l’autre, dans une même dynamique, une même urgence. Ils ont contre eux deux pays non seulement tenus par les mêmes liens opérationnels et “idéologiques” (la culture américaniste-occidentaliste de la modernité que ni la Russie ni l’Iran n’affectionnent), mais également des adversaires tous dans un état psychologique exacerbé et pathologique, avec une situation intérieure proche de l’explosion en une sorte d’affrontement civil et civique. Cette façon d’être, – ou, disons, d’être des “non-êtres”, – garantit que ces guerres seront menées jusqu’au bout et même au-delà d’elles-mêmes parce que les fous n’ont pas l’habitude de perdre leur temps dans la mesure des choses ; leur folie scellera d’autant plus fortement la proximité Russie-Iran (comme avec bien d’autres pays, certes, mais nous parlons ici de conflits spécifiques).

Et certes, ni la Russie ni l’Iran ne sont une exception, comme leurs guerres elles-mêmes. Ils sont l’avant-garde des conflits à venir dans la GrandeCrise qui déchire le monde et son ancien ordre. Ils ne s’isolent pas dans deux conflits qui pourraient se dupliquer l’un l’autre ni dans des intérêts spécifiques de l’un et de l’autre pour l’un et pour l’autre. Ils évoluent vers un conflit commun (contre l’Amérique) dans lequel d’autres pays de ce qu’on nomme le “Sud global” seront nécessairement impliqués d’une façon ou l’autre, – et notamment par le jusqu’auboutisme dément des USA et d’Israël, suivis par le cortéger des zombies ébahis des rescapés sortis des ruines de la civilisation euro-occidentale.

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