02 août 2024

Le Sahara occidental est-il marocain ?

 
La France vient de reconnaître au Maroc sa souveraineté sur le Sahara occidental, au grand dépit de l’Algérie, à laquelle son ancienne métropole a donné la Sahara, et qui pour cette raison se croyait destinée à dominer la partie occidentale du plus grand désert du monde, et par la même occasion s’ouvrir une large fenêtre sur l’Atlantique, susceptible d’en faire une puissance non plus seulement méditerranéenne, mais encore atlantique… Pour mieux comprendre les enjeux de cette affaire, il nous faut faire un très bref rappel historique. 
 Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune. D. R.

On a trop pris l’habitude de regarder le Maroc comme un Etat exclusivement maghrébin, mais il n’en a pas toujours été ainsi : il a une histoire impériale, rassemblant plusieurs peuples, s’étendant depuis les rives du Tage en Espagne jusqu’aux frontières de l’empire du Ghana authentique (le Ghana actuel n’est que l’ancienne Côte de l’Or, peuplée essentiellement d’Ashantis, ayant usurpé le nom du Ghana au moment de son indépendance). Aux Xe et XIe siècles, cet empire, qui avait Marrakech pour capitale, englobait évidemment le Sahara occidental.
 
La colonisation espagnole et le conflit du Sahara Occidental

Cela faisait longtemps que le Maroc s’était replié sur lui-même, chassé à la fois d’Europe et des confins mauritaniens, quand, à la fin du XIXe siècle, suivant la deuxième vague de colonisation européenne, le Sahara anciennement marocain passa sous tutelle espagnole et reçut le nom de Rio de Oro : un nom trompeur, car son principal intérêt économique est sa côte, très poissonneuse, où les pêcheurs espagnols venaient depuis le XVIIIe siècle. A l’intérieur du pays, on découvrit du phosphate ; mais à vrai dire, comme dans l’histoire du colonialisme en général, cette tutelle n’a servi que quelques intérêts particuliers,tout en coûtant à l’Etat espagnol beaucoup plus cher que ce qu’elle ne lui a rapporté : les équipements, les dispensaires, les routes, etc. pèsent plus lourd dans la colonne des dépenses que l’exploitation des matières premières dans celle des recettes.

Avant même la mort de Franco (20 novembre 1975), durant l’été 1974, l’Espagne décida d’organiser un référendum portant sur l’indépendance du pays. Affolé, le Maroc exprima sa désapprobation en demandant à la Cour internationale de Justice de La Haye de lui rendre raison. La Cour reconnut en effet l’existence autrefois d’un lien d’allégeance de cette région à l’égard du Maroc ancien, mais fit prévaloir le droit de la population locale à se déterminer elle-même. Refusant de céder, le 6 novembre 1975, le roi Hassan II envoya 350.000 civils, protégés par 20.000 soldats, franchir la frontière et s’emparer pacifiquement de la région. Dans le contexte morose de l’interminable agonie du Caudillo, l’Espagne laissa faire, d’autant qu’elle avait décidé elle-même d’abandonner ce territoire. Les envahisseurs portaient chacun un drapeau marocain (qui de loin pouvait passer pour un drapeau rouge, alors très apprécié par l’intelligentsia occidentale à cette époque) et un exemplaire du Coran, pour donner à l’action un aspectde guerre sainte. Mais habilement, au bout de trois jours, Hassan II ordonna aux civils de regagner leurs foyers, estimant que l’objectif politique était atteint. Tout aussi habilement, il avait inclus la Mauritanie dans l’affaire, lui laissant annexer le sud : ce partage dura jusqu’en 1979, date à laquelle un coup d’Etat en Mauritanie permit aux révolutionnaires indépendantistes du Polisario de se voir octroyer cette partie, avant que l’armée marocaine ne s’y oppose.
Reconnaissance internationale et enjeux géopolitiques actuels

Le Front Polisario (Front populaire de Libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro) existait depuis 1973 seulement, sa lutte contre la souveraineté espagnole avait été brève ; mais après la Marche verte, il se tourna contre le Maroc, aidé par l’Algérie, trop heureuse de s’opposer à son rival, mais aussi par différentes organisations socialistes durant la guerre Froide ; et surtout approuvé par la communauté internationale. Durant une demi-siècle, le Maroc dut résister à la pression du monde entier, quitte à le provoquer en imprimant sa carte géographique – incluant le Sahara occidental – sur les plaques d’immatriculation de tous ses véhicules ; jusqu’à ce qu’enfin, la France, ancienne puissance protectrice (entre 1912 et 1956), soit la première puissance majeure à reconnaître la situation,aujourd’hui même, 30 juillet, déclarant que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ».

C’est à n’en pas douter un événement qui détériorera encore les relations franco-algériennes, mais après tout, qu’y avait-il de plus à détériorer ? On pourrait à la rigueur contester la prétention marocaine, étayée par des souvenirs remontant au Moyen-Âge, mais l’Algérie feint d’ignorer qu’elle est une création historique de la France, qu’elle n’a reçuun part importante de Sahara qu’en échange des premiers essais nucléaires de la Métropole (le premier datant de 1960, un an avant l’indépendance), mais qu’elle n’y a aucun droit historique.

On peut également lier cette reconnaissance à une redistribution des cartes françaises en Afrique, l’intérieur du continent étant de plus en plus abandonné au profit des régions utiles. Le Maroc est un pays en pleine croissance, bien plus que l’Algérie ; son régime, cimenté par la présence d’une dynastie chérifienne (c’est-à-dire descendant de Mahomet) est plus solide que les autres : c’est donc un partenaire plus fiable que les autres, dans l’état actuel des choses.
 
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2024/08/01/le-sahara-occidental-est-il-marocain-par-yves-marie-adeline/?

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