Arrestation à Orly, en France, de « l’énigmatique fondateur de ‘Telegram’ » Pavel Durov. C’est la France de Macron qui a réalisé cet exploit selon les consignes de Bruxelles, de Thierry Breton & Cie. Aussitôt, une tempête parcourt la presse alternative et tous les opposants de fortune et de rencontre, devant ce qui est une nouvelle violation de la liberté (de parole, d’opinion, de la presse, etc.). Constantin von Hoffmeister commente cet événement, notamment à l’aide de la parabole de Kafka et de son Josef K. dans son livre ‘Le Procès’.
Cette situation est l’objet d’un commentaire d’un auteur original, érudit et d’une stricte logique, Constantin von Hoffmeister que nous avons déjà rencontré. Il choisit ‘Le Procès’ de Kafka comme support de la parabole qui lui sert à décrire un monde plongé dans la dystopie, le simulacre, l’emballement de puissance d’un Système fasciné par son autodestruction. Et si l’on veut enquêter à son propos, et trouver le fil qui nous relie à la mesure prise contre Durov, le sort de K. dans le livre cauchemardesque et labyrinthique décrit par Kafka est parfaitement approprié pour nous décrire la perspective qui nous menace, qui nous angoisse et qui ne cesse d’alimenter la terreur qui envahit nos âmes. Avec Durov, tout cela est encore plus pressant...
« La terreur qui s'infiltre dans ce monde n'est pas seulement la peur du châtiment. C'est quelque chose de plus profond, de plus envahissant, – une terreur qui immobilise l'âme. C'est la crainte de prononcer un mot innommable, de nourrir une pensée impensable, de défier le regard omniscient qui nous observe à chaque coin de rue. Cette terreur, comme l'a compris Kafka, est une anticipation du châtiment ainsi qu'une anxiété profonde et paralysante, – une aspiration à quelque chose qui échappe à ceux qui détiennent le pouvoir, mais aussi une peur de tout ce que le pouvoir touche. »
Cette description, comme toutes les autres que développe Hoffmeister, est irréfutable. La terreur dont il parle est partout présente, plus ou moins consciente, plus ou moins exprimée, et ainsi n’y a-t-il rien à redire à cette parabole de ce point de vue. On pourrait dire qu’il s’agit d’une vision réaliste de ce qui est à venir ; nous voudrions la nuancer grandement, jusqu’à mettre en cause la possibilité de l’évolution envisagée, par une simple vision pragmatique de la période que nous vivons qui n’est pas née d’hier (arrestation de Durov) ni même des catastrophes les plus récentes et les plus suspectes (Covid, Ukraine), mais qui doit être datée de bien plus en-deça.
En général, ceux qui soutiennent cette vision font démarrer ses prémisses à cette époque très récente dans la décennie 2010 après la crise de 2008 considérée comme la rupture essentielle. Pour ceux qui ont vécu depuis plus longtemps avec cette sensation d’atteindre un point d’inflexion crisique catastrophique, il faut remonter à 1989-1991 et la chute du communisme pour en trouver la matrice originelle marquant la psychologie. (Cas personnel : cette sensation du “point d’inflexion” est née chez PhG au printemps 1992 avec la grande crise des émeutes de Los Angeles.)
Dans tous les cas, les grands événements qui sanctionnent cette sensation d’étapes extraordinaires et spectaculaires datent de 1999-2001 (la guerre du Kosovo et l’attaque de 9/11 contre New York qui fit naître tous les soupçons de simulacre du Système par d’infâmes “complotistes”). Et alors, le début des angoisses et des interrogations sur l’apparition d’un État policier (aux USA comme modèle universel), avec tous ses appendices de surveillance tels que les évoque Hoffmeister, date du vote par le Congrès du ‘Patriot Act’, en octobre 2001. Cette évolution perverse qui est évidemment un raidissement policier et militariste du Système qui se fit prodigieusement vite implique un développement bureaucratique terroriste facilité prodigieusement par les progrès de l’informatique, devant ce que le Système juge être la possibilité/probabilité de la GrandeCrise.
« Ces émeutes de L.A. [de 1992] sont très particulières. Elles ne se placent pas dans un cycle d’émeutes, comme dans les années 1960 et si l’argument racial classiques est là (les émeutes commencèrent avec le tabassage d’un Africain-Américain, Rodney King, par la police de L.A.), il fut loin d’être le seul, ni même le principal moteur de l’événement. (D’ailleurs, 50% des arrestations concernèrent des Latinos, contre 35% d’Africains-Américains.) Les conditions économiques, la pauvreté, le chômage, etc., furent également des causes puissantes, sinon supérieures au facteur racial. D’autre part, on y vit, mis à part les forces de l’ordre, des affrontements violents entre communautés, notamment la communauté nouvellement installée des Asiatiques-Américains, qui formèrent des milices armées pour défendre leurs biens divers contre les bandes de pillards des autres communautés. Enfin, la violence de l’émeute, avec des conditions proches des conditions de guerre urbaine qui s’expliquent par les divers caractères énumérés ci-dessus, fut tout à fait exceptionnelle et, pendant une semaine, L.A. fut une vitrine visible partout (chaque passager d’un avion atterrissant à Los Angeles pouvait voir les fumées des très nombreux incendies provenant des quartiers touchés) d’une marque symbolique profonde d’un non moins profond malaise américain. » (« De L.A. 1992 à L.A. 2017 ? », 28 avril 2017.)
Ce que nous voulons exprimer par toutes ces observations, c’est le constat pragmatique que la construction très rapide, et la crainte par conséquent de l’Etat policier et de la surveillance de masse, est largement en marche depuis près d’un quart de siècle. Snowden, en 2013, nous révéla par des tonnes et des tonnes de révélations irréfutables qu’un fantastique réseau de surveillance (NSA, CIA, FBI et le reste) était en place et fonctionnait à plein régime. Ce n’était pas Kafka ni Orwell mais cela aurait pu l’être, – mieux, cela aurait dû l’être...
Cela ne l’est pas du tout puisque le Système, avec quelques employés de rencontre comme le fantasmagorique et transparent président français, en est à se lancer dans des aventures de harcèlement qui infligent certainement beaucoup de peines et de souffrances à certains dissidents courageux ayant mis en place des entreprises de contestation importantes mais sans détruire les structures existantes ni décourager d’autres de se lancer dans la résistance. Cela ne suit certainement pas la schéma d’un Kafka et d’un Orwell qui, en tant que romancier des terreurs à venir et pour bien expliciter leur propos, nous présentent un monde totalement soumis, cadenassé, verrouillé, où ni un Assange, ni un Snowden, ni un Durov ne pourraient réaliser leurs opérations de contestation, ni même les concevoir.
Plus encore, en développant sa parabole avec talent, Hoffmeister en arrivé également à développer des contresens d’analyse chronologique qui gratifient le Système d’une cohérence et d’une stabilité qu’il n’a absolument plus. Ainsi lorsque, parlant des « empires médiatiques » (et des “hyper-riches” en général), il les présente comme des chiens de garde qui ont perdu cette fonction et se sont ralliés au Système (au pouvoir), et travaillant à son service. C’est aujourd’hui complètement l’inverse...
« Cependant, l'enchevêtrement de puissants conglomérats médiatiques avec d'autres forces d'élite met à nu ce grotesque spectacle de clowns. Lorsqu'un empire médiatique devient suffisamment important, il cesse de se considérer comme un chien de garde du pouvoir ; au lieu de cela, il s'empêtre dans le réseau d'influence qu'il était censé surveiller. Il n'est plus un adversaire, mais un collaborateur, complice de la perpétuation des structures qu'il prétendait contester. Cette trahison silencieuse, cette collusion tacite, garantit que la dissidence reste soigneusement contrôlée, soigneusement contenue et, en fin de compte, oblitérée. »
... En effet, “c’est aujourd’hui complètement l’inverse”, comme on le voit par exemple avec le parti démocrate aux USA, où les Biden, Harris, etc., sont choisis et imposés directement et sans la moindre vergogne par les donateurs (« hyper-riches”, comme il se doit), au mépris de toutes les règles de fonctionnement qui assuraient encore un brin de légitimité à ce pouvoir. Il nous paraît bien difficile que ces pouvoirs continuent à fonctionner avec cette seule apparence de légitimité, dans une situation de vulnérabilité et de fragilité extrêmes, avec des “hyper-riches” emportés par le vertige des fortunes et incapables d’élaborer des structures acceptables sur le temps même très court d’un mandat présidentiel.
Nous pensons en effet que le Système a perdu la stabilité du développement de sa puissance, passant en mode de superpuissance par la grâce des “très-riches” et s’approchant avec fascination et une très grande vélocité de son autodestruction.
Quoi qu’il en soit et en poursuivant ainsi un débat, on doit lire ce texte de Constantin von Hoffmeister sur ‘eurosiberia.net’, avec sa traduction en français sur ‘euro-synergies.hautefort.com’
dedefensa.org
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Pavel Durov et la paranoïa de Kafka
« Kafka a décrit avec une merveilleuse puissance imaginative les futurs camps de concentration, la future instabilité de la loi, le futur absolutisme de l'appareil d'État. » – Bertolt Brecht
Dans une scène tout droit sortie d'un roman de Franz Kafka, Pavel Durov, l'énigmatique fondateur de Telegram, a été arrêté en France lors de son atterrissage à l'aéroport du Bourget, près de Paris. Alors qu'il débarquait de son jet privé, il a été appréhendé par les autorités françaises qui l'attendaient, armées d'un mandat d'arrêt l'accusant d'avoir permis des activités criminelles par l'intermédiaire de sa plateforme de messagerie. Les accusations, aussi surréalistes que graves, portent sur la complicité de trafic de drogue, les délits pédocriminels et le blanchiment d'argent, le tout découlant du manque de modération présumé de Telegram. Son arrestation n'est pas seulement une catastrophe personnelle, mais un rappel brutal de l'absurdité qui attend ceux qui défient la main invisible mais omniprésente du pouvoir dans un monde qui prétend protéger la liberté tout en la démantelant méthodiquement.
Que devient Telegram après l'arrestation de Durov ? La question suscite un malaise qui se métastase rapidement en d'innombrables chuchotements spéculatifs, tous plus incertains les uns que les autres. Une rumeur, qui se faufile déjà dans les couloirs numériques, insiste sur le fait que l'équipe de Durov est préparée à cette éventualité, qu'il existe un protocole clandestin prêt à être mis en œuvre sur le coup de minuit. Mais comme toutes les rumeurs, elle se nourrit de l'absence de sources vérifiables. La vérité, enveloppée d'ambiguïté, est aussi insaisissable que l'homme lui-même. La question de savoir si Telegram persistera, et sous quelle forme déformée, reste une énigme troublante, une question suspendue dans le vide, là où devrait se trouver la certitude.
Dans l'Occident moderne, la liberté d'expression est présentée comme un principe sacré, un emblème brillant de la démocratie qui contraste prétendument avec les “régimes despotiques” de la Russie et de la Chine. Pourtant, sous cette façade polie se cache une réalité aussi étouffante et absurde que n'importe quel cauchemar kafkaïen - un endroit où les dissidents sont poursuivis sans relâche, leurs voix étouffées, leurs libertés éteintes. Les mésaventures de Julian Assange, d'Edward Snowden et maintenant de Pavel Durov nous rappellent étrangement que la dévotion de l'Occident à la liberté d'expression n'est qu'une prétention creuse, une mascarade masquant une vérité plus sombre.
Durov est citoyen de quatre pays : la Russie, Saint-Kitts-et-Nevis, la France et les Émirats arabes unis. La multiplicité de ses identités reflète sa tentative désespérée d'échapper à l'emprise toujours plus étroite du pouvoir de l'État, de rester une âme sans attaches dans un monde où la véritable autonomie n'est qu'un rêve éphémère. Pourtant, la révélation que Durov a renoncé à sa citoyenneté russe, associée à sa récente détention en France, souligne la futilité de tels efforts. Peu importe le nombre de frontières que vous traversez, peu importe le nombre de nationalités que vous assumez, la griffe de fer de la censure vous traquera inévitablement si vous refusez de vous plier à l'autorité libérale de l'Occident. Les personnes attachées à une liberté authentique ne devraient pas “fuir” vers l'Occident, mais s'en éloigner.
La notion de presse libre, si souvent célébrée en Occident, se révèle farce amère. On nous sert la fiction réconfortante que les médias fonctionnent sans chaînes, que les journalistes recherchent la vérité sans crainte de représailles. Pourtant, le calvaire de Durov, qui fait écho à celui d’Assange, révèle la fragilité et la tromperie qui se cachent derrière cette fausse “liberté”. Lorsque Durov a quitté la Russie, ce n'était pas à la recherche de plus de libertés, mais parce qu'il a refusé de se soumettre aux exigences de censure de VK, le réseau social russe largement utilisé, en résistant aux pressions exercées pour qu'il remette les données des utilisateurs aux autorités.
Kafka, le maître du désespoir bureaucratique, trouverait dans le destin de Durov une familiarité troublante. Ce destin rappelle celui de Josef K. dans Le Procès, condamné non pas pour un crime spécifique mais pour le soupçon insidieux et omniprésent qui envahit tous les aspects de l'existence. Dans un monde où le moindre écart déclenche les soupçons les plus graves, comment la liberté peut-elle être autre chose qu'une amère illusion ? Ne sommes-nous pas tous, d'une certaine manière, prisonniers d'une vaste bureaucratie sans visage, où chaque action est scrutée, chaque intention remise en question et chaque individu réduit à une copie conforme de lui-même ?
La terreur qui s'infiltre dans ce monde n'est pas seulement la peur du châtiment. C'est quelque chose de plus profond, de plus envahissant - une terreur qui immobilise l'âme. C'est la crainte de prononcer un mot innommable, de nourrir une pensée impensable, de défier le regard omniscient qui nous observe à chaque coin de rue. Cette terreur, comme l'a compris Kafka, est une anticipation du châtiment ainsi qu'une anxiété profonde et paralysante, – une aspiration à quelque chose qui échappe à ceux qui détiennent le pouvoir, mais aussi une peur de tout ce que le pouvoir touche. En Occident, cette crainte est dissimulée sous la rhétorique de la “liberté”, enveloppée dans le mensonge réconfortant selon lequel nous sommes libres de parler, libres de penser, libres de résister.
Cependant, l'enchevêtrement de puissants conglomérats médiatiques avec d'autres forces d'élite met à nu ce grotesque spectacle de clowns. Lorsqu'un empire médiatique devient suffisamment important, il cesse de se considérer comme un chien de garde du pouvoir ; au lieu de cela, il s'empêtre dans le réseau d'influence qu'il était censé surveiller. Il n'est plus un adversaire, mais un collaborateur, complice de la perpétuation des structures qu'il prétendait contester. Cette trahison silencieuse, cette collusion tacite, garantit que la dissidence reste soigneusement contrôlée, soigneusement contenue et, en fin de compte, oblitérée.
L'hypocrisie la plus flagrante de l'Occident réside dans sa foi en la mission moralisatrice de multinationales comme Google, dont le credo, « Don't be evil », s'est transformé en une banale rengaine. Les architectes de Google croient sincèrement qu'ils façonnent le monde pour le rendre meilleur, mais leur soi-disant ouverture d'esprit ne s'étend qu'aux points de vue qui s'alignent sur le courant libéral-impérialiste de la politique américaine. Tout point de vue qui remet en question ce récit est rendu invisible, rejeté comme non pertinent ou dangereux. Telle est la terreur sourde de leur mission - l'horreur tranquille d'un monde où les voix dissidentes ne sont pas réduites au silence par la force, mais simplement ignorées jusqu'à l'oubli.
Aucune société ayant mis en place un système de surveillance de masse n'a échappé à ses abus, et l'Occident n'est pas différent. Il est devenu banal de supposer que le gouvernement surveille nos moindres faits et gestes, alors qu'il est considéré comme paranoïaque de croire le contraire. Cette normalisation de la surveillance est le dernier témoignage de l'enracinement de ces mécanismes de contrôle. Nous vivons dans une réalité où la vie privée est un anachronisme, où chaque geste est enregistré, chaque mot catalogué, chaque murmure de désaccord consigné en vue d'un jugement futur. L'État de surveillance n'est plus une dystopie lointaine ; c'est le monde dans lequel nous vivons, le cauchemar dont nous ne pouvons pas nous réveiller.
Dans ce monde, la transformation de l'individu est inévitable et exceptionnellement kafkaïenne. Alors qu'Oge Noct se réveille de ses rêves agités, il se retrouve inexplicablement transformé en un insecte monstrueux. Cette métamorphose est une aberration physique et un symbole de la déshumanisation infligée par un système qui broie l'âme. Qu'il s'agisse d'Assange, de Snowden ou de Durov, le schéma est le même : ceux qui osent défier le système ne sont pas portés aux nues mais dégradés, leur humanité érodée par l'implacable machine de contrôle qui se déclare championne de la liberté tout en perpétuant une tyrannie inflexible.
Tel est le vrai visage de l'Occident moderne - une spirale descendante kafkaïenne dans laquelle la promesse de liberté n'est guère plus qu'une farce cruelle, et où ceux qui la recherchent sont condamnés à vivre dans une peur perpétuelle.
C'est comme un fleuve, n'est-ce pas ? Un fleuve qui sort de son lit, se répand dans les champs, perd de sa profondeur au fur et à mesure qu'il s'étend, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'une mare sale et stagnante. C'est ce qui arrive aux révolutions. Elles commencent avec force, avec détermination, mais à mesure qu'elles s'étendent, elles s'amincissent, elles perdent leur substance. Et lorsque la ferveur s'évapore enfin, que reste-t-il ? Rien d'autre que la boue de la bureaucratie, épaisse et étouffante, qui s'insinue dans tous les recoins de la vie. Les anciens carcans qui nous retenaient étaient au moins visibles, tangibles, mais ces nouveaux carcans sont faits de papier, de formulaires, de tampons et de signatures, interminables et étouffants. Et pourtant, nous les portons tout de même, sans même nous rendre compte de l'étroitesse de leur lien.
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