03 juillet 2024

Paysages de Dante

Puisque la France fait beaucoup parler d’elle, parlons-en à notre tour. Ce sera un petit mot au contraire de nos habitudes, – parce que d’habitude nous ne disons rien de la France qui ne compte pas (qui ne compte plus) mais que là, par ce singulier accident de la dissolution à ce moment où elle se fait, elle recommence à peser d’un certain poids... Reste à voir dans quel sens et de quelle façon.

Je précise aussitôt que mon “nous en parlons à notre tour” qui nous sort de nos habitudes ne signifie pas “prendre parti pour” (tel parti, tel candidat, etc.), mais plutôt pour signaler et identifier contre quoi nous nous élevons (et contre qui par voie de conséquence). Nous ne pouvons espérer une seule seconde que quiconque résoudra sans aller voir ailleurs la crise française qui fait partie de ce vaste ensemble nommé par nous GrandeCrise.

Par conséquent, il n’y a rien qui puisse susciter chez nous, et chez moi itou, un vote de soutien, même tactique, – sans pour autant dénoncer ou critiquer ceux qui entendent effectuer des “votes tactiques”, – c’est l’affaire de chacun, qui n’a rien à faire dans un jugement général. Je me présente donc, non en partisan ni en candidat, mais en observateur, et certainement un observateur critique dont on dira : “il a beau jeu de faire le beau parleur”. Que voulez-vous, c’est ma façon de me détendre, moi qui n’ai pas le cœur aux slogans ni aux entraînements de militants exacerbés ; en échange, nul ne me donnera une voiture de fonction ni une haute fonction de Commissaire du Peuple.

Mon but final est de mettre en lumière et d’identifier pour expliquer mon jugement un processus de déconstructuration alimentés par ceux qui ont mis en place des processus nihilistes de déconstructuration puisque la seule activité dont ils sont capables est celle de la déconstructuration. Il s’agit de la fameuse démarche dite de « “Déconstructuration” du déconstructeur » où nous déterminions que les techniques de déconstructuration employées par les artisans de la situation actuelle, – où le courant de déconstructuration s’est nécessairement constitué lui-même en structures, – finissaient par attaquer et déconstructurer leurs propres structures, les structures constituées par eux-mêmes pour accomplir leur besogne. (Voir notamment ce même 10 février 2020, illustrant un cas de surpuissance-autodestruction.)

« Dans ce texte de commentaire, nous nous orientions vers une hypothèse générale offrant une explication de l’évolution de la politique mondiale dans tous les domaines et ainsi justifiant une appréciation métahistorique. Cette hypothèse s’appuyait sur l’opérationnalisation, sous la forme d’une intervention catastrophique, de ce que nous nommons la politiqueSystème, absolument déstructurante, sans autre but que la déstructuration (la déconstruction), conçue d’une façon complètement incontestable comme un phénomène imposé par le Système, lui-même étant l’opérationnalisation du  “déchaînement de la Matière”. »

Il est évident que, dans le contexte français actuel, la cible principale est Macron et le système macronien qui s’est automatiquement constitué autour de lui. Il n’y a là rien de machiavélique, ni même de nécessairement humain, mais un processus inexorable, suscité par des forces inconnues et non-humaines. Macron est effectivement un personnage de cette sorte, mais avec une psychologie disons volatile qui le fait “déraper” par rapport au travail de déconstructuration, – à la mission de déconstructeur qu’il est censé accomplir.

Avec la dissolution, il a fait un pas de clerc, – et même un clerc géant, – dans le sens de l’auto-déconstructuration, quelles que soient ses ambitions personnelles et ses habiletés tactiques. Sa psychologie volatile est aussi d’une fragilité extrême du fait de son narcissisme ; il a cédé au vertige de l’acte éclatant, ignorant les dégâts terribles que l’acte et ses effets de communication allaient causer aux structures du Système... Macron est un peu trop tendre, un peu léger, pour conduire à bon port et, surtout, dans le sens qu’il faut, c’est-à-dire au service du Système, sa mission de déconstructuration. Mais sans doute, penserais-je, sont-ils tous ainsi “fragilisés”, ceux qui se mettent au service du Système et en connaissent le vertige

A ce point, la meilleure issue pour poursuivre cette tâche d’auto-déconstructuration que notre-Président a lancé dans le mauvaise sens pourrait bien être une chambre ingouvernable, avec un RN très puissant mais en-dessous de la majorité absolue, et donc refusant le pouvoir mais se préparant pour 2027. J’écris cela parce que je pense que le FN, par la folie qu’il provoque dans des élites-Système totalement obsédés par la répétition hallucinée du simulacre (“fascisme”), est involontairement porteur d’un chaos nécessairement déconstructurant des déconstructeurs.

L’état de déchaînement nerveux de la France en général, dans de telles circonstances, est absolument considérable et furieux ; il alimente, comme un immense déferlement d’une nature devenue folle, quelque chose comme un chaos totalement déconstructurant. La route reste entièrement ouverte à Macron pour la suite de sa mission à contre-sens, comme elle l’est pour un germe de contagion, un homoncule proliférant, jusqu’à une sorte de folie qui le mettra dans la même situation que Joe Biden.

Car nous continuons à penser au président américaniste, selon ce parallèle déjà fait, qui rassemble nos deux grands pays dans la même cataracte catastrophique. En même temps que la France est secouée de spasmes incontrôlables qui la plongent dans une sorte de frénésie, les événements continuent à aggraver la situation aux USA, alimentant là aussi une frénésie d’une force assez similaire, simplement d’un accent différent et selon des voies dissemblables.

En même temps, la Cour Suprême a pris une décision capitale (« historique », écrit Jonathan Turley) affirmant l’immunité du président pour ses actes officiels, lorsqu’il est en fonction, assurant à Trump une victoire qui le dispense de diverses actions en justice, dont l’une dont ses adversaires attendaient qu’elle le priverait de sa participation à l’élection. Biden a réagi avec vigueur, en condamnant cette décision et en demandant à ses concitoyens de ne pas l’accepter, comme un encouragement largement répercuté à la sédition. Cette recommandation ressemble dans l’esprit à celle qui, en France, notamment à LFI, recommande une attitude d’incivilité au cas où le RN aurait la majorité absolue et formerait le gouvernement. (L’ancien LFI et politologue Thomas Génolé annonçant l’organisation de “réseaux de résistance” pour des fonctionnaires qui refuseraient les ordres du gouvernement.)

Certes rien n’arrête ces situations grosses de tant de catastrophes, et non seulement “le pire est toujours possible” mais le pire semble être devenu la seule issue possible. Le parti démocrate US semble finalement se prononcer pour une candidature Biden, à confirmer le plus rapidement (le 21 juillet) pour verrouiller cette situation folle et empêcher toute recherche d’une alternative plus contrôlable... Parlant au moins des quatre mois d’ici novembre (c’est-à-dire sans préjuger de l’élection et de ses résultats), Mercouris constate en se référant à l’état de santé de Biden, après avoir fait un rapide tour d’horizon et rappelé les différents pouvoirs et limites des pouvoirs des uns et des autres :

« Nous avons un président qui n’est absolument pas en condition de contrôler ce qui est logiquement sous son autorité, qui est entouré de personnes qui ne sont comptables de rien à personne, qui ne sont pas élus, qui prennent des décisions sans en avoir l ‘autorité, tout cela au milieu de deux ou même trois crises extrêmement graves. C’est la pire situation qui ait jamais existé pour les États-Unis... et pour le monde, d’ailleurs. »

Décidément, il est presque naturel de rapprocher les deux situations : les Français ne doivent pas croire, comme ils ont toujours la tentation de faire, que leur situation est pire que celles des autres et qu’ainsi ils ont une leçon à dispenser au reste du monde ; les Américains ne doivent pas faire, comme ils ont l’habitude de croire, comme s’ils étaient si exceptionnels que rien des avatars humains ne pourrait les toucher... Ces deux pays si satisfaits d’eux-mêmes jusqu’à se croire hors du reste ne sont que les meneurs et les accélérateurs de la GrandeCrise générale. C’est leur façon d’être et de se ressembler malgré toutes leurs différences, et je ne sais s’il y a là matière à faire les matamores métahistoriques. Eux, chacun à sa manière si fiers des “valeurs” du Système dont ils croient être les maîtres d’œuvre, en sont les principaux démolisseurs. Croyez bien, même si je n’en ai pas dit un mot, que Russes et Chinois les observent, avec un sourire ironique.

Que passe-t-il, alors ? Sous nos yeux effarés et hallucinés se poursuit en pleine et folle accélération le processus d’effondrement d’une civilisation qui a largement dépassé, usurpé dirais-je, son quota d’existence et d’exigence arrogante à se prétendre la seule et l’unique, éternellement promise à la sauvegarde du monde. Les terra incognita sont de redoutables sables mouvants où des monstres hurlants nous attendent, furieux et comme silencieux dans ces hurlements qui dépassent notre entendement, pour renouveler le parcours terrible de L’Enfer de Dante... Initiation inévitable, insurpassable, condition impérative des dieux pour que nous puissions tenter notre chance de rédemption au-delà de l’enfer.

C’est une sorte de Longue Marche, camarades, mais sur un sacré rythme.

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