Les réseaux électriques s’effondrent, mais la Commission ne pense qu’à la bureaucratie

Cela semble paradoxal, mais c’est la réalité : la Commission a lancé une procédure d’infraction contre 21 des 27 États membres pour ne pas avoir transposé les règles du marché de l’électricité de 2019 dans leur droit national. Le réseau électrique doit être réformé de toute urgence, c’est une certitude. Pourtant, presque tous les États membres ne disposent pas de plans concrets et encore moins de moyens financiers pour mettre en œuvre ces réformes. Les procédures d’infraction montrent clairement à quel point les institutions européennes sont devenues édentées sur des questions centrales de la coopération politique.

Les procédures d’infraction sont à l’ordre du jour dans l’UE. Actuellement, l’Espagne est en tête avec 90 procédures en cours, suivie de la Belgique et de la Pologne avec 84 chacune. Même les Britanniques, qui ont quitté l’UE le 1er février 2020, ont encore 17 procédures ouvertes La procédure d’infraction vise à garantir que les États membres mettent en œuvre le droit de l’UE dans l’intérêt général. Mais que se passe-t-il lorsque la mise en œuvre échoue tout simplement ?

La pièce maîtresse du Green Deal

Le règlement sur le marché intérieur de l’électricité date de juin 2019 et fixe des règles visant à garantir le fonctionnement du marché intérieur de l’électricité. En réalité, le délai de transposition dans le droit national aurait déjà dû expirer fin 2020. Mais avec Covid-19, la guerre en Ukraine et la crise énergétique provoquée par la politique de sanctions, de nombreux dossiers sont visiblement restés en souffrance à la Commission. C’est pourquoi des procédures d’infraction ont maintenant été lancées – avec un retard considérable – contre 21 ( !) des 27 États membres qui n’ont pas encore correctement mis en œuvre ce règlement. Alors que la plupart des États se voient reprocher un retard ou une mise en œuvre insuffisante, les choses sont différentes pour la Roumanie : en 2022, le pays a limité les exportations d’électricité et enfreint ainsi – selon la Commission – le règlement de 2019.

A la fin de l’année dernière, la Commission a également présenté le plan d’action de l’UE pour les réseaux électriques, qui définit les défis à relever pour accélérer le développement du réseau en Europe. L’un de ces défis réside dans l’accès aux possibilités de financement correspondantes. En effet, les coûts de mise en œuvre de la réforme des réseaux électriques européens sont énormes : la Commission estime qu’ils s’élèveront à environ 600 milliards d’euros d’ici 2030.

Les chiffres avancés par l’industrie sont sans doute un peu plus réalistes : dans un rapport d’avril 2024, l’European Roundtable of Industry (ERT) prévoit un déficit d’investissement de 800 milliards d’euros d’ici 2030 et de 2,5 billions d’euros d’ici 2050.

Si l’on se base sur les investissements annuels de ces dernières années, les réseaux seraient en retard de 60% par rapport aux besoins d’ici 2050.

Le marché intérieur de l’électricité et le plan d’action sont des projets clés du European Green Deal, la pièce maîtresse de l’UE sous la présidence de la Commission Ursula von der Leyen. Compte tenu de l’énorme endettement des États membres et du grand retard d’investissement dans les infrastructures, il ne faut pas s’attendre à ce que les réseaux électriques soient mis au niveau requis dans un avenir proche.

Cela rend les États de l’UE vulnérables sur un point central. En ces temps de guerre hybride, les infrastructures critiques deviennent la cible d’attaques très efficaces.

Les procédures d’infraction peuvent apaiser les esprits des bureaucrates de Bruxelles. Mais elles ne font pas avancer la sécurité de l’approvisionnement en énergie des citoyens. On voit bien à quel point la coopération entre la Commission et les États est devenue inefficace sur des questions centrales. 

 

Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2024/07/01/les-reseaux-electriques-seffondrent-mais-la-commission-ne-pense-qua-la-bureaucratie-par-ulrike-reisner/