05 juillet 2024

Les «bébés Covid» sont désormais à l’école, et ils ont du mal à suivre

Les nourrissons ont beau ne pas beaucoup quitter la maison, ils gardent tout de même des séquelles du confinement. Le New York Times a parlé avec une trentaine d’instituteurs, pédiatres et experts de la petite enfance. Leurs expériences confirment ce que la recherche scientifique a commencé à identifier: les «bébés Covid» accusent des retards de développement.

Les enfants nés pendant le confinement peinent ainsi, plus que les autres générations au même âge, à tenir un crayon, identifier les formes et les couleurs, communiquer leurs besoins, aller aux toilettes, gérer leurs émotions et interagir avec les autres.

Si la recherche a déjà bien documenté des retards sur le niveau scolaire de ces enfants, notamment en maths, elle sous-estime le retard cognitif que les professionnels constatent dans les écoles maternelles. La différence avec l’avant-pandémie est telle qu’«on parle là d’enfants de moyenne et grande sections qui jettent des chaises, mordent, frappent, sans l’autorégulation habituelle», insiste Tommy Sheridan, directeur adjoint de la National Head Start Association américaine.

Un sous-développement qui s’explique par la nature particulière de ces premiers mois de vie passés à la maison. À une période cruciale pour la formation du cerveau, ces nourrissons ont joué avec trop peu de bébés et ont vu trop peu d’adultes (par ailleurs souvent masqués) et leurs parents trop souvent stressés. Or, moins d’interactions entre adultes, c’est plus de difficultés à assimiler le langage pour nos chérubins. Quant au stress ambiant, il génère chez eux une débauche d’énergie précieuse pour répondre à la zone du cerveau agitée par la peur.

«On parle là d’enfants de moyenne et grande sections qui jettent des chaises, mordent, frappent, sans l’autorégulation habituelle.»

Tommy Sheridan, directeur adjoint de la National Head Start Association

Les «bébés Covid» ont aussi passé plus de temps avec les écrans qu’avec les jouets d’éveil, pendant que leurs parents essayaient de conjuguer travail à la maison et garde d’enfant. Non contents de nuire à leurs neurones, les écrans ont affaibli leurs muscles, «car ils ne font que swiper», déplore Sarrah Hovis, institutrice dans le Michigan.

Les professionnels regrettent également les fermetures des crèches, où les premières sociabilisations facilitent grandement la transition vers l’école maternelle. Un temps qui ne sera jamais rattrapé pour ces enfants, contrairement à ceux qui étaient un peu plus âgés pendant le confinement.

Les familles défavorisées et non blanches sont les plus concernées

Si l’écrasante majorité des jeunes élèves sont concernés, tous ne sont pas égaux face à ces retards de développement. Aux États-Unis, les enfants issus des familles africaines-américaines, hispaniques, et celles aux revenus faibles, sont les plus en difficulté. Et ce cercle vicieux peut continuer, puisque ces familles n’envoient plus leurs bébés à la crèche autant qu’avant la pandémie, faute de moyens.

Or, le gouvernement ne semble pas s’être emparé du problème. Si, à l’échelle locale, des initiatives sont prises pour augmenter le nombre d’assistants pédagogiques ou de programmes estivaux juste avant la rentrée en maternelle, cette classe d’âge n’a pas été la priorité de l’aide fédérale de 122 milliards de dollars (près de 114 milliards d’euros) distribuée aux commissions scolaires.

Les troubles sont pourtant cliniques. Au-delà des instituteurs, les professionnels de santé alertent sur une hausse des problèmes comportementaux et des retards sur l’apprentissage du langage pour ces «bébés Covid». Heidi Tringali, pédiatre à Charlotte (Caroline du Nord), constate en outre «des problèmes visuels, de force musculaire, de compétences sociales, d’attention –tous les déficits, en fait».

Heureusement, rien n’est irréparable. «Des manques pendant la petite enfance, quand le cerveau est vieux de 6 mois, ne prédéterminent pas le reste de leur vie», rassure la docteure Dani Dumitriu, pédiatre et neuroscientifique à Columbia, qui reste optimiste sur les capacités de ces enfants à rattraper leur retard au fil de leur scolarité. Car les bienfaits de l’école restent inchangés: «Si les enfants viennent en classe, ils apprennent», conclut Sarrah Hovis. En attendant, les comparaisons entre les générations au même niveau scolaire resteront inquiétantes.

Source : Slate

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