Élever la pétanque au rang de discipline spirituelle ? Cela n'a rien
d'une galéjade marseillaise. Un moine zen, M. Kaisen, a trouvé
d'étonnantes similitudes entre le traditionnel tir à l'arc et le jeu de
boules. Il l'a intégré à son enseignement.
Les vacances d'été riment le plus souvent avec des loisirs de plein air. L'un des « sports » les plus populaires est la fameuse partie de pétanque. Quelques boules d'acier, un cochonnet en bois, et le monde est transformé… Mais au-delà de la simple distraction, la pétanque se révèle être plus qu'un simple jeu d'adresse. La recherche du but à atteindre est similaire à celle des archers japonais. Du moins pourrait-elle l'être si on l'analysait du point de vue du Zen. C'est précisément ce qu'a fait M. Kaisen.
Les vacances d'été riment le plus souvent avec des loisirs de plein air. L'un des « sports » les plus populaires est la fameuse partie de pétanque. Quelques boules d'acier, un cochonnet en bois, et le monde est transformé… Mais au-delà de la simple distraction, la pétanque se révèle être plus qu'un simple jeu d'adresse. La recherche du but à atteindre est similaire à celle des archers japonais. Du moins pourrait-elle l'être si on l'analysait du point de vue du Zen. C'est précisément ce qu'a fait M. Kaisen.
Un support de pratique
« Nous sommes, dit-il, dans un univers dualiste et le mental fonctionne toujours selon le même schéma : l'observateur se différencie de l'objet observé. Toutes les sciences cognitives classiques reposent sur ce postulat, mais, dans un proche avenir, les scientifiques pourraient bouleverser les notions d'espace et de temps. Dans le kyudo, la discipline zen du tir à l'arc, l'archer qui vise la cible fait abstraction, dans son mental, du but à atteindre. En étant lui-même la cible, il abolit la dualité spatio-temporelle, et se place, avant même d'avoir décoché la flèche,dans la situation de la pensée accomplie. »
Dans le tir à la pétanque, il semble que les mêmes principes puissent être appliqués. C'est du moins ce que soutient M. Kaisen, qui a découvert pour la première fois le jeu de la pétanque dans le sud de la France, à Rivesaltes, dans les Pyrénées orientales. « C'était en 1975, après un camp d'été à Zinal, lorsque j'ouvris un dojo zen et un dojo d'arts martiaux. Parmi ses élèves habitant Salses, se trouvaient des joueurs d'assez bon niveau. » M. Kaisen comprit immédiatement le parti que l'on pouvait tirer de ce jeu très méridional en l'élevant à une pratique complémentaire de la méditation. En dehors de ses activités d'écriture, d'enregistrement, de cuisine, de jardinage et des missions à l'Est, la pétanque est alors devenue pour lui une activité quotidienne (au moins une heure de pratique par jour).
«Sans effort, sans notion de perdre ni de gagner, laisser la boule sortir naturellement et inconsciemment pour accomplir son projet. Étudier ce corps-esprit et susciter les émotions pour les libérer, sans les suivre, sans s'y identifier... Cela recentre bien le corps-esprit et puis faire jaillir hishiryo, la conscience globale en action en dehors de zazen actualise la pratique dans l'action » précise M. Kaisen. Peut-on concilier la détente estivale à une pratique dans l'esprit zen à la campagne ou à la plage ? Cela ne pose pas de difficulté majeure, la pétanque pouvant être pratiquée aussi bien par les hommes que par les femmes. Bien entendu la voie du « non-art » qu'est zazen (méditation sans objet) est la pratique parfaite car « non-pratique ».
« Cependant, précise M. Kaisen, la voie de la pétanque peut apporter des qualités exceptionnelles permettant de libérer le pratiquant de nombreux obstacles, si on sait aller au-delà de la technique et de « l'homme ».
A la différence des autres sports collectifs, la pétanque est une pratique « quasi immobile ». Dans cette immobilité où le tir et le pointage sont décisifs, de nombreux phénomènes, de nombreuses émotions se lèvent. Savoir laisser passer, ne pas s'identifier aux aspects illusoires et perturbations est la pratique excellente.
Dès que l'on emploie le terme de « discipline », on trouve plusieurs significations à ce mot. Tout d'abord le disciple, le transmetteur. Puis le fait de mettre de l'ordre. Certains pensent qu'il est plus difficile de contrôler l'esprit que le corps car par, un entraînement régulier, le corps peut trouver son mode de fonctionnement. Eh bien, cela n'est pas tout à fait vrai.
La perfection de l'art
« Trois boules seulement. Trois sphères parfaites aux aciers nobles… » Ainsi commence l'enseignement de M. Kaisen qui poursuit : « Cela nous montre ici le dépouillement de cet art qui n'est d'ailleurs pas sans relation avec les arts de combat japonais : le bushido.
C'est un art guerrier qui, dès le début et jusqu'à la fin, dévoile que le seul ennemi que nous puissions affronter, c'est nous-même. En fait, la plus grande difficulté, pour un joueur de pétanque, c'est de pouvoir fixer le corps et l'esprit en un seul endroit.
Mais le mental est agité. Des informations extérieures s'imposent à l'esprit : un poignet trop rigide, les jambes non flexibles, une mauvaise visibilité du terrain, l'excitation du cochonnet à atteindre, la peur de perdre, etc. Autant de stimuli conscients ou non, qui entravent la pacification de l'esprit. Ajoutons aussi le fait, pour le joueur, de vouloir prouver l'excellence de sa technique, de vouloir paraître meilleur que des autres, émanation d'un égocentrisme qui rend difficile la détente.
Rester zen au cœur de la partie
« Nous devrions nous détendre sans arrêt et laisser l'esprit libre sans le figer nulle part, enseigne M. Kaisen. Notre poignet, notre corps ne sont jamais assez souples ; aussi l'esprit lui même est tendu et figé.Durant un tournoi, lors-qu'on passe son temps à se détendre, à assouplir, alors les émotions perturbatrices ne peuvent plus nous envahir, car l'esprit est dans l'action de se détendre.
Aussi, lorsque des émotions se soulèvent, elles se fondent dans la fluidité de notre corps-esprit, redonnant alors plus de souplesse encore. Car une émotion n'est ni bonne ni mauvaise. Mais on peut en faire un obstacle ou une libération, un bien-être. Si nous tombons sous l'emprise d'une émotion, elle nous envahit et nous essayons de la chasser, mais elle ne part pas, elle est seulement mise de côté. Elle se cristallise et attend pour se remanifester plus fort encore.
C'est à ce moment-là qu'on peut perdre de 40 à 60% d'efficacité, voire plus. Je pense que jamais nous ne devrions négliger une technique, pas même à l'entraînement. Jeter des boules négligemment par habitude crée justement de mauvaises habitudes, car la mémoire enregistre tout.
Et puis ces mauvaises tendances réapparaîtront en plein match, au moment où l'on s'y attendra le moins. Aussi, nous comprenons par là qu'il ne s'agit plus de pétanque ni de boules, mais que le corps-esprit est aussi à parfaire, car s'il n'est pas équilibré, le jeu sera désastreux. Après tout, sans mon corps-esprit, mon corps ne peut jouer seul...
Penser avec la totalité du corps
« Nous devons nous parfaire sans arrêt, dit M. Kaisen, car c'est ce corps-esprit qui tire et qui pointe et qui s'oppose aux autres joueurs. Alors le sport devient tout à coup art, pratique et recherche d'une qualité autant mentale et spirituelle que corporelle. »
Lorsqu'il parle de spirituel, il ne s'agit pas de l'entendre dans le sens religieux tel qu'on le conçoit. Spiritus signifiant « l'esprit », si nous plaçons notre mental, notre concentration du mental sur le corps, la posture, alors l'attitude du corps, le gestuel devient animé par l'esprit. Le mental entrant dans la conscience du corps devient corps pensant, conscient, vivant. C'est cela le spirituel, rien de plus. Penser avec la totalité du corps, puis avec le terrain, les autres et ainsi de suite : nous devenons omniprésent. La technique s'adapte aux joueurs, au terrain, et devient tactique, stratégique et lucide.
Les puristes de certains dojos rétorqueront, peut-être, que la tradition zen n'est pas spécialement respectée et que la partie de pétanque provençale n'a pas sa place dans la recherche de la vérité ultime. Mais, à y regarder de plus près, l'essence du Zen est un élément vivant, présent en toute chose et qui échappe à tout dogme. Que l'on soit sur les pentes du Fujiyama ou sur celles sur mont Ventoux, l'esprit est partout le même. Que l'on tienne un chasse-mouches ou une boule de pétanque, l'essentiel n'est-il pas de rester dans cette agitation immobile ou tout défile sans vraiment bouger ? Le but n'est pas de faire un « carreau » avec une boule d'acier, mais d'être l'impact. Alors, de ce bruit métallique, sec et violent, surgira peut-être l’Éveil.
Maître Kaisen qui a fondé« Univox » une société de production de CD audio, vient d'enregistrer un enseignement sur la pétanque et l'esprit zen. Une manière comme une autre de pratiquer sans perdre la boule…
Jean-Pierre Chambraud, Bouddhisme actualités, n° 35.
La
France compte aujourd'hui 400 000 licenciés en pétanque et autant de
pratiquants bouddhistes. Quel rapport entre ces deux disciplines?
Kaisen, un moine zen français, nous apporte dans ce livre original la
réponse à cette question. Supporter des joueurs de très haut niveau
qu'il considère comme de véritables artistes, observateur avisé des
grandes compétitions nationales et internationales, Kaisen développe une
réflexion originale sur ce jeu populaire, né au début du siècle à La
Ciotat. A la lumière des grands enseignements du bouddhisme zen et de
son expérience personnelle, Kaisen nous fait découvrir les principaux
aspects du "corps-esprit" qui se manifestent au joueur de pétanque:
émotions, stress, mental perturbé, désir de vaincre... Or c'est dans une
juste concentration (paisible et dynamique à la fois), en oubliant le
"corps-esprit", le rendant lucide en entrant dans la grande Présence, en
se concentrant sur le souffle intérieur, que le joueur de pétanque -
comme tout être humain-devient vivant, créateur et spontané à partir de
l'élan naturel qui habite en chacun. Kaisen développe ces différents
aspects: attention, lucidité, présence, posture, respiration; autant de
mots familiers aux boulistes et aux bouddhistes qui, sans le savoir, se
rejoignent sur le terrain de la connaissance de soi. Dans la lignée du
célèbre livre d'Eugen Herrigel "Le zen dans l'art chevaleresque du tir à
l'arc", le traité de Kaisen élève la pétanque au rang d'une éthique, et
dévoile les étonnantes correspondances entre l'arène du jeu et celle de
notre propre esprit...
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