L'Union européenne a officiellement lancé ce mardi, à Luxembourg, des négociations censées permettre à l’Ukraine d'être un jour membre à part entière de l'UE. Une étape qualifiée d' « historique » tant à Bruxelles qu'à Kiev, mais le chemin reste encore long.
[Article publié le mardi 25 juin 2024 à 7h30, mis à jour à 16h50] « Historique » : les superlatifs n'ont pas manqué pour saluer l'ouverture des négociations entre l'Union européenne (UE) et l'Ukraine pour que ce pays adhère au groupe des Vingt-Sept. « Moment historique » pour le président du Conseil européen Charles Michel, « jour historique » pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky qui l'attendait avec impatience, plus de deux ans après le début de l'invasion russe sur son territoire.
« Une Ukraine forte n'est pas possible sans l'UE, et une UE forte n'est pas non plus possible sans l'Ukraine », a déclaré le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal, à l'ouverture des négociations.
La ministre belge des Affaires étrangères Hadja Lahbib, dont le pays préside actuellement le Conseil de l'UE, qui rassemble les États membres, a prévenu que « les négociations d'adhésion que nous ouvrons aujourd'hui (ndlr : mardi) seront rigoureuses et exigeantes ». Et d'ajouter : « Avec détermination et engagement, nous sommes confiants dans votre capacité à parvenir à une conclusion positive ». La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a elle aussi salué cette « bonne nouvelle ».
Seul Budapest a manifesté sa réprobation, rappelant que l'Ukraine était encore « très loin » de remplir tous les critères avant de pouvoir rejoindre les Vingt-Sept, selon le ministre hongrois des Affaires européennes Janos Boka.
Parcours du combattant
Les négociations d'adhésion entre l'UE et un pays tiers se font dans le cadre d'une conférence intergouvernementale (CIG). Après l'Ukraine, les Vingt-Sept devraient également ouvrir formellement les discussions avec la Moldavie, selon une source diplomatique.
L'ouverture de ces pourparlers est en tout cas le résultat d'un accord obtenu de haute lutte, mi-décembre, par 26 pays de l'UE, qui ont été contraints de rivaliser d'ingéniosité pour convaincre le 27e, la Hongrie de Viktor Orban, de ne pas bloquer le processus. Le Premier ministre hongrois s'est farouchement opposé à toute discussion d'adhésion avec l'Ukraine, jugeant que ce pays n'était pas prêt.
État membre de l'UE le plus proche de la Russie de Vladimir Poutine, la Hongrie bloque aussi toute l'aide militaire européenne à Kiev. Viktor Orban avait finalement accepté de quitter la table du sommet des dirigeants des 27 en décembre, le temps que ses 26 homologues décident d'ouvrir ces négociations d'adhésion avec Kiev et Chisinau.
La capacité de nuisance de la Hongrie inquiète toujours
Néanmoins, et c'est un sujet d'inquiétudes pour Bruxelles, la Hongrie va prendre le 1er juillet la présidence du Conseil de l'Union européenne pour six mois, une perspective qui inquiète à Bruxelles, où les blocages répétés de Budapest agacent plus d'un Etat membre.
Le Conseil de l'UE rassemble les 27 au niveau ministériel, en fonction des sujets qu'ils ont à traiter. Il est présidé à tour de rôle, pour six mois, par un des pays membres de l'UE. « Environ 40% des décisions voulues par l'UE sur l'Ukraine sont bloquées », s'agaçait, fin mai, à Bruxelles, le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis. Ainsi, l'aide militaire de l'UE à l'Ukraine, d'un montant de 6,6 milliards d'euros, est toujours bloquée. Et la future présidence hongroise n'a, semble-t-il, aucune intention de lever son veto.
L'UE confirme l'ouverture des négociations d'adhésion avec l'Ukraine et la Moldavie
Une fois la conférence intergouvernementale formellement ouverte, les négociateurs vont d'abord passer en revue la législation des deux pays pour vérifier si elle est compatible avec celle de l'UE. Cette étape, le « screening » en jargon bruxellois, dure en principe de un à deux ans. Mais dans le cas de l'Ukraine ou de la Moldavie, les choses iront plus vite car « nous avons déjà une idée assez claire » de la situation, a souligné un diplomate européen, sous couvert d'anonymat. Il faudra compter néanmoins plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant que les différents chapitres de négociation ne soient effectivement ouverts.
L'exécutif européen a réclamé de Kiev des mesures pour lutter contre la corruption et l'emprise des oligarques. La Commission a également demandé une meilleure prise en compte des minorités, une mesure réclamée avec insistance par Budapest en raison de la présence en Ukraine d'une communauté hongroise.
L'UE a accordé, en juin 2022, à l'Ukraine, le statut de candidat à l'adhésion, dans un geste hautement symbolique quelques mois après le début de la guerre déclenchée par Moscou, ainsi qu'à la Moldavie voisine. L'ouverture de négociations n'est qu'une étape d'un processus d'adhésion long et ardu. Une éventuelle entrée dans l'UE de l'Ukraine, pays de plus de 40 millions d'habitants et puissance agricole, pose de nombreuses difficultés, à commencer par celle des aides financières dont elle devrait bénéficier.
L'Ukraine salue la réalisation d'un « rêve européen »
Le président Volodymyr Zelensky avait déjà salué, vendredi, l'ouverture prévue cette semaine des négociations d'adhésion de son pays à l'UE.
« Nous attendons avec impatience la semaine prochaine, le 25 juin, lorsque l'Ukraine et l'UE tiendront leur première conférence intergouvernementale, ce qui marquera le début effectif du processus de négociation », avait alors expliqué le président ukrainien Volodymyr Zelensky sur X, saluant la réalisation d'un « rêve européen ».
Un haut responsable de la présidence ukrainienne, Igor Jovkva, avait de son côté déclaré à l'AFP espérer que le début de ces pourparlers faciliterait l'octroi de l'aide militaire et économique de l'UE destinée à soutenir Kiev dans sa guerre avec la Russie. En octroyant leur aide à l'Ukraine, les pays membres de l'UE partiront désormais « du principe que chaque euro d'aide (...) est fourni à un pays qui deviendra définitivement membre de l'UE, ce n'est plus un pays tiers », a estimé le conseiller ukrainien. « Cela change complètement l'approche.»
Le conseiller avait toutefois refusé de spéculer sur une éventuelle date d'adhésion de Kiev à l'UE, se bornant à dire que cela se passerait après sa « victoire » sur la Russie, et donc « dans des circonstances géopolitiques complètement différentes ». L'Ukraine formera « une équipe de négociation forte » et mènera ces pourparlers « le plus intensément possible » tout en défendant ses intérêts économiques, a-t-il fait valoir.
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