1 Comment l’ordre social se perpétue-t-il ? Comment expliquer que des injustices et des inégalités si criantes se reproduisent sans contestation massive de ceux qui les subissent ? Telle est la question fondamentale qui obsède tout intellectuel critique, au sens noble du terme « d’individu qui emploie sa culture et son intelligence à rendre le monde où il vit un peu plus intelligible et par conséquent un peu plus maîtrisable [1][1]Jean Claude Michéa, Les Intellectuels, le peuple et le ballon… ».
2 Des réponses totales ou partielles nous ont été léguées par l’histoire, la philosophie, la littérature et, plus récemment, la sociologie ; chacune d’elles s’inscrivant dans le contexte de la société à appréhender. Étienne de la Boétie fustigea la servitude volontaire du peuple qui, prisonnier de l’habitude de sa condition de serf, hébété par les distractions féodales et pris dans les ramifications d’un système hiérarchique pyramidal, participe à son asservissement.
3 Karl Marx pointa les conditions matérielles qui rendirent impossible la constitution d’une conscience de classe prolétarienne dans les économies agraires et l’impérieuse nécessité d’une structure d’action collective. Pierre Bourdieu expliqua la reproduction sociale, à l’heure de la massification scolaire, par la transmission intergénérationnelle d’un capital culturel et symbolique au sein des classes dominantes, doublée de stratégies de légitimation de leur domination – entraînant ainsi une forme d’autocensure des dominés par la reconnaissance implicite d’une « culture légitime », d’un « parlé légitime », d’un « savoir légitime », etc. Toutes choses dont ils seraient dépourvus : une forme de “servitude involontaire”, pour reprendre la formule d’Alain Accardo. George Orwell est l’un d’entre eux. Moyennement intéressé par les débats scientifiques à haut degré d’abstraction, il s’est penché sur le fonctionnement psychologique des régimes caractérisés a posteriori comme totalitaires. Sa prétention n’est en rien ésotérique, mais consiste à démêler le chaos des faits dans une prose accessible [2][2]« C’est bien sur cette perception-là que se fondait son….
4 Il n’ambitionnait pas de dégager une typologie ou de rédiger une thèse en huit volumes dédiée au totalitarisme de son temps. Il s’engouffra donc dans la brèche ouverte par l’Histoire, muni des deux armes qu’il maniait le mieux : le fusil, lors de la guerre d’Espagne aux côtés des républicains et anarchistes, et la plume romanesque.
5 Alors que la critique officielle s’empressait de ranger 1984 et La Ferme des animaux dans le rayon de la dystopie antistalinienne, son apport ne s’arrêta pas là. L’écrivain anglais proposa, en filigrane de ces romans et de quelques articles écrits à la veille de sa mort, un examen critique des dimensions ou visées totalitaires en jeu au sein même des démocraties libérales.
6 La conclusion synthétique de son œuvre littéraire autant que politique est la suivante : obtenir le consentement [3][3]Il ne faut pas comprendre “consentement” comme adhésion totale… à l’ordre (politique, social, économique…) ne nécessite aucunement l’emploi de la violence ou de la coercition physique directe, il suffit de faire la loi dans les têtes, de contraindre l’esprit. L’ordre social le plus efficace n’est assurément pas celui imposé de l’extérieur par la force mais celui qui s’incorpore dans l’être, celui qu’on s’approprie alors qu’il nous est dicté, celui qu’on s’impose à soi-même. Par quels mécanismes concrets cette entreprise de fabrication du consentement se matérialise-t-elle ?
7 Orwell ne mentionne ni la police, ni l’armée, ni l’Église, ni la morale patriarcale. Selon lui, ces dynamiques se présentent le plus directement à l’œil – ou plutôt à l’oreille – par la transformation du langage, venue des élites politiques, médiatiques et académiques. Ces citadelles mitoyennes seraient le lieu de production – délibérément ou inconsciemment – d’une nouvelle langue, sur les ruines d’une langue ordinaire. Ainsi, en s’attaquant aux catégories de la pensée par la métamorphose du langage, les administrateurs de l’air du temps confisquent les mots et représentations susceptibles de les renverser.
8 Retour sur le concept de « novlangue » inventé par George Orwell dans 1984, qui éclaire les mécanismes de domination contemporains.
L’intuition orwellienne
9 Il fait partie de ces expressions issues de l’œuvre d’Orwell que la grammaire médiatique affectionne particulièrement, au côté de celle de « Big Brother ». Le novlangue se retrouve désormais accolé à l’idée d’une « langue de bois » politicienne. Il s’agirait donc pour nos dirigeants de louvoyer, de tourner autour du pot ou de nous faire prendre des vessies pour des lanternes par le recours à un langage lénifiant. Comme souvent, la subtilité et le potentiel révolutionnaire des analyses d’Orwell n’ont que très peu de rapports avec ce qu’en font ces prétendus exégètes contemporains. Jugeons sur pièce : « Il était entendu que, lorsque le novlangue [la nouvelle langue] aurait été adopté une fois pour toutes et que l’ancilangue [l’ancienne langue] serait oubliée, une idée hérétique […] serait littéralement impensable, du moins dans la mesure où la pensée dépend des mots [4][4]George Orwell, 1984.. »
10 Ici s’articule l’intuition fondamentale du projet novlangue : il existe une corrélation entre le langage et la pensée, entre le dicible et le pensable. À rebours d’une conception du langage comme moyen neutre d’expression des pensées, Orwell cultive l’idée que les mots orientent la pensée, sans la déterminer entièrement. Le langage traduit une certaine vision du monde, fonctionne comme un prisme d’entrée vers la réalité, qui peut donc être déformant. Sans tomber dans le relativisme pur – la réalité matérielle n’existe pas en dehors de son expression langagière –, notre accès au réel ne s’effectue que par un intermédiaire représentatif ou interprétatif (mots, images, sons, toucher…).
11 Ainsi, la meilleure réponse qu’apporte Orwell à cette querelle philosophique – qui dépend l’un de l’autre, du langage et de la pensée ? – est dialectique : « La vie de l’esprit consiste en un va-et-vient entre la pensée et son expression langagière [5][5]Jacques Dewitte, Le Pouvoir de la langue et la liberté de…. » Quand l’un est délibérément modifié, l’autre en subit les conséquences. Tant et si bien que ce relais se retrouve grippé.
Une langue officielle…
« Le novlangue a été la langue officielle de l’Océania. Il fut inventé pour répondre aux besoins de l’angsoc ou socialisme anglais [6][6]Orwell, op. cit.. »
12 Dans le décor du roman, le novlangue ne plane pas dans les airs aseptisés du Londres imaginé par Orwell. C’est une création institutionnelle ex nihilo du pouvoir politique de l’Océania, une politique publique, tout comme l’édification d’un programme éducatif. Le service des Recherches du Ministère de la Vérité où travaille Syme s’évertue à publier année après année des « Dictionnaires de novlangue » de plus en plus affinés, sur les ordres de Big Brother. En effet, le novlangue n’est pas encore hégémonique.
13 En l’an 1984, seuls les articles théoriques du Times (organe de propagande du Parti) sont rédigés exclusivement en novlangue, et quelques membres spécialistes du Parti l’utilisent avec constance et précision. L’immense majorité du Parti Extérieur (les fonctionnaires moyens) et des prolétaires sont encore étrangers à sa logique interne. Les rédacteurs du XIe Dictionnaire, version finale et aboutie du novlangue, escomptaient « que le novlangue aurait finalement supplanté l’ancilangue [nous dirions la langue ordinaire] vers l’année 2050 [7][7]Orwell, op. cit. ». Il s’agit donc d’un projet méthodique réalisé par un corps de l’État.
14 Plus intéressante encore est la consubstantialité du novlangue avec l’idéologie qu’il sous-tend : l’angsoc, ou socialisme anglais. Cette dernière peut être définie comme une idéologie totalitaire – dans le sens où les détenteurs du pouvoir politique contrôlent la totalité de l’existence humaine de ses sujets-fonctionnaires, puisqu’ils vont jusqu’à interdire les rapports sexuels guidés par le plaisir – et oligarchique – les membres du Parti ayant institutionnalisé leur domination sur les fonctionnaires et les prolétaires. L’ambition d’un homme nouveau moulé par l’Angsoc nécessite le support du langage : « La révolution sera complète quand le langage sera parfait [8][8]Op. cit.. »
… au service d’un projet politique
15 De quel projet est-il question ? Comme nous l’avons évoqué précédemment, il y a un dessein positif évident : « fournir un mode d’expression aux idées générales et aux habitudes mentales des dévots de l’angsoc [9][9]Op. cit.. » À l’instar de l’indispensable montage iconographique des idéologies politiques quelles qu’elles soient (la faucille et le marteau, l’Aigle noir, Marianne…), le versant langagier participe à l’affirmation d’une cohérence nouvelle, en rupture avec l’ordre ancien ; et, en premier lieu, sert les prédicateurs qui doivent parler d’une seule voix, vectrice d’un imaginaire collectif.
16 Néanmoins, c’est bien le dessein négatif qui prime : « rendre impossible tout autre mode de pensée [10][10]Op. cit. ». Ainsi se résume l’objectif originel du novlangue. Il consiste à réduire l’amplitude de la pensée en réduisant celle des mots. Le ressort de toute entreprise totalitaire se noue justement dans la volonté de s’accaparer le réel par le recouvrement intégral de la pensée et du langage, ou, mieux, du langage sur la pensée. Nous n’assistons pas uniquement à une négation de ce qui s’écarte de l’orthodoxie, puisqu’elle implique une reconnaissance minimale de ce qui est nié, mais bien à un « non-dicible étant un non-être privé de tout statut [11][11]Dewitte, op. cit. ». Le projet totalitaire n’entend en rien se prononcer sur une interprétation possible du réel parmi d’autres, mais vise à s’approprier le réel lui-même. Récuser que 2 + 2 font 4 ne suffit pas, il faut extirper le processus mental qui conduit à cette conclusion : c’est ce qu’Orwell nomme la “double-pensée”.
17 Évidemment, le mythe totalitaire est vain. L’exclusion absolue de l’altérité, de la divergence et de la contradiction paraît un horizon inatteignable ; d’ailleurs, Winston Smith continue à nourrir des pensées hétérodoxes. Cependant, il ne sait comment les formuler. Le novlangue prive « les dissidents potentiels des moyens intellectuels, c’est-à-dire avant tout langagiers, d’exprimer et d’articuler leur divergence – de se la formuler à eux-mêmes [12][12]Op. cit. ». L’hérétique ne se représente que comme hérétique, non comme révolutionnaire.
La méthode novlangue
18 Plusieurs moyens sont employés par les experts de Big Brother pour anéantir l’altérité. Bien qu’Orwell mentionne « l’invention de mots nouveaux » dans les dispositifs mis en œuvre, les armes maîtresses restent « l’élimination des mots indésirables » et « la suppression dans les mots restants de toute signification secondaire [13][13]Orwell, op. cit. ». Appauvrir le vocabulaire, évincer toute ambivalence de sens, éradiquer la polysémie, éliminer les mots inutiles, simplifier à outrance les structures grammaticales : tels sont les principes qui guident le novlangue. La disparition d’un mot fait disparaître la réalité qu’il recouvrait. Le danger de perte de sens est limité avec les objets matériels. Faire disparaitre le mot « arbre » ne désintègre pas sa matière et, comme le disait Garcia Marquez, il nous reste le doigt pour le montrer. Il en va tout autrement des abstractions, au premier rang desquelles les concepts de la philosophie politique.
19 Enlever au ressenti quotidien de la contrainte la possibilité de se nommer (oppression, tyrannie, domination…) et il s’estompera de lui-même. À l’inverse, il serait donc tout à fait possible de créer du réel par la magie du langage. On retrouve ici encore l’essence même du projet totalitaire via le langage : la dimension créatrice/ destructrice étouffe la dimension relationnelle entre l’expérience vécue et son expression langagière.
20 Ainsi, le mot « égalité » est tout bonnement supprimé, celui de « liberté » voit sa signification restreinte à son usage courant (« le chemin est libre »), « mauvais » est remplacé par « bon » et « couteau » signifie autant l’action de couper que l’objet utilisé. À cela s’ajoute l’extension du sens des quelques mots survivant à l’abrasion totalitaire. Au contraire des mots-valises qui intègrent plusieurs termes en jouant sur la polysémie, les mots-couvertures du novlangue, piétinant « des séries entières de mots » sous un unique étendard, les font disparaitre. L’exemple que donne Orwell est celui du mot-couverture « crimepensée » qui regroupe tous les concepts affiliés aux idées d’égalité et de liberté.
21 En d’autres termes, l’innovation linguistique se met au service de la destruction du sens. Puis, lorsqu’étouffer les nuances inhérentes à la complexité d’une langue travaillée par des siècles d’Histoire ne suffit plus, le bouclage définitif du langage et des mots s’actualise par l’inversion pure et simple des significations du langage courant : « La liberté, c’est l’esclavage ». Le tour de force dépossède les individus de l’expression de leur propre expérience quotidienne, l’homme ordinaire « se sent étranger dans son propre monde, ne sachant plus comment lui donner un sens14 ».
Claude Truong-Ngoc, 1980.
22 En outre, le vocabulaire novlangue est divisé en trois catégories distinctes : le vocabulaire A de la vie quotidienne, le B des expressions politiques et le C des termes scientifiques et techniques. Ce strict cloisonnement du langage, et donc des catégories de pensée, empêche la circulation des mots, les emprunts respectifs et les indispensables traductions transdisciplinaires ; laissant ainsi l’imagination humaine tourner en rond dans son enclos.
23 Le vocabulaire B, qui « comprenait des mots formés à des fins politiques, c’est-à-dire des mots qui […] étaient destinés à imposer l’attitude mentale voulue à la personne qui les employait [14][14]Orwell, op. cit. », se révèle intéressant en raison du lien qu’il établit entre la structure des mots, l’élocution et la disposition mentale à les prononcer.
24 Orwell souligne à ce propos le rôle prépondérant des abréviations dans le novlangue. L’adoption massive de ces dernières était délibérée. Elle permettait d’enlever « les associations [d’un mot] qui, autrement, y étaient attachées [15][15]Ibid. ». Dire mécaniquement “Comintern” ne produit pas, nous dit-il, le même travail cognitif que prononcer “Communisme international”.
25 Le résultat est un « duckspeak », une mitraillette verbale à disposition des membres du Parti, qui ne nécessite aucun effort de réflexion : la langue pense définitivement à votre place. La victoire de Big Brother est totale. En plus d’avoir annihilé les ressorts de la pensée qui précèdent le langage, il a aussi rendu « l’élocution indépendante de la conscience [16][16]Dewitte, op. cit. ». La parole accomplit elle-même l’angsoc.
Un novlangue 2.0 ?
26 « C’est le monde d’Orwell, les mots ne veulent plus rien dire. Ou bien, s’ils veulent dire quelque chose, c’est le contraire de ce qui est dit […] Les mots nous sont volés à tout instant. Voilà comment il faudra les réinventer », s’indignait Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne des élections européennes. L’œuvre d’Orwell demeure en effet une source vivante pour quiconque assiste impuissant au fatras verbal déversé par les haut-parleurs du Spectacle [17][17]« Le spectacle est le discours ininterrompu que l’ordre présent… : chaînes d’informations en continu, programmes audiovisuels, spin doctors, publicités, bandes musicales omniprésentes, discours politiques… Les mots, expressions et tournures de phrases se répètent à l’infini, formant – plus que jamais – une épaisse enveloppe langagière autour de notre quotidien.
27 Si le novlangue était dédié à l’angsoc, le langage de notre ère entend modeler la société selon les exigences du « nouvel esprit du capitalisme » [18][18]« L’esprit du capitalisme est justement cet ensemble de…. La réalisation de ce moulage langagier sur la spéculation idéologique nécessite une double lecture, une double porte d’entrée.
28 D’une part, l’ambition négative consistant à rendre impossible tout autre mode de pensée se situe sur le terrain politique et économique du citoyen et du producteur. Il s’agit moins de légitimer stricto sensu l’ordre capitaliste que d’en faire le seul monde possible en asphyxiant le matériel conceptuel et langagier de sa propre contestation. Les procédés concrets par lesquels le discours politique (qui inclut évidemment l’abondante activité du commentaire médiatique) et managérial réalisent ce tour de force mériteraient des pages de développement. Restons-en aux trois aspects les plus saillants. On observe d’abord une hyper-euphémisation des rapports sociaux, renvoyant les antagonismes de classe à une rhétorique archaïque. En résulte une société lissée, épurée, débarrassée de l’encombrante question sociale.
29 Le désarmement des référentiels intellectuels – donc langagiers – sur lesquels s’est historiquement construit le mouvement ouvrier s’obtient par leur réappropriation et, quand cela s’avère relever d’un exercice de contorsion sémantique trop complexe, par leur destruction et leur remplacement.
30 Ainsi, l’autonomie du travailleur se met au service de sa pressurisation sur objectifs, la démocratie désigne désormais cette procédure de sélection épisodique du moindre mal, l’émancipation se calcule en gain de pouvoir d’achat, l’exploité a été défavorisé dans la compétition économique mondiale.
31 De plus, les parlers politique, médiatique et managérial écartent la contradiction par le recours à ce qu’Herbert Marcuse nomme une “pensée [exclusivement] positive”, autour de concepts opérationnels qui ordonnent et organisent la vie sociale.
32 Ces derniers, loin de permettre de penser dialectiquement le réel (autour de couples antagoniques), ont le double désavantage d’assécher les ressources de contestation possible et de revêtir une connotation harmonieuse et acritique.
33Comment s’opposer intellectuellement au développement durable, au maintien de la paix au Proche-Orient, à la démarche qualité d’une entreprise, au dialogue social entre les partenaires sociaux ? Enfin, ce discours se pare d’une scientificité aveuglante. À grand renfort de termes spécialisés, de courbes et de graphiques, la technicisation des débats a pour effet leur dépolitisation.
34 D’autre part, l’ambition positive d’un imaginaire au service de la défense de ce meilleur des mondes se situe, elle, sur le terrain culturel, et cible la figure passive contemporaine : le consommateur.
35Le libéralisme, entendu comme logique philosophique cohérente, doit constamment s’évertuer à fabriquer son postulat anthropologique : l’homo economicus.
36 Figure de l’« homme nouveau » rationnel, sans attaches, mobile, connecté, tolérant, relativiste et guidé perpétuellement par l’étalon-monétaire de ses choix individuels. Le langage est un lieu préférentiel de constitution de la subjectivité – c’est-à-dire des rapports à soi et au monde – où l’imaginaire est travaillé par l’interpellation directe (face-à-face) et indirecte (médiations). Ce sont donc en grande partie les industries publicitaires et culturelles qui se chargent de cet impératif catégorique en s’attaquant notamment à la fraction la plus disponible de notre société : la jeunesse.
37 Comment ne pas saluer cette quasi-prescience d’Orwell qui, loin de se borner à une critique du stalinisme, offre ici l’analyse la plus limpide de l’assujettissement par le discours totalitaire marchand ? O’Brien s’adresse à sa victime Winston Smith dans la salle 101 : « Le commandement des anciens despotismes était : “Tu ne dois pas”. Le commandement des totalitaires était : “Tu dois”. Notre commandement est : “Tu es”. Aucun de ceux que nous amenons ici ne se dresse plus jamais contre nous. »
Notes
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[1]
Jean Claude Michéa, Les Intellectuels, le peuple et le ballon rond.
-
[2]
« C’est bien sur cette perception-là que se fondait son autorité : à la différence des spécialistes brevetés et des sommités diplômées, il voyait l’évidence ; à la différence des politiciens astucieux et des intellectuels dans le vent, il n’avait pas peur de la nommer ; et à la différence des politologues et des sociologues, il savait l’épeler dans un langage intelligible. », Simon Leys, Orwell ou l’horreur de la politique.
-
[3]
Il ne faut pas comprendre “consentement” comme adhésion totale et explicite mais plutôt comme adhésion inconsciente ou « connivence non intentionnelle, forme de complicité qui s’ignore parce qu’elle va sans dire sans y penser » Alain Accardo, De notre servitude involontaire.
-
[4]
George Orwell, 1984.
-
[5]
Jacques Dewitte, Le Pouvoir de la langue et la liberté de l’esprit.
-
[6]
Orwell, op. cit.
-
[7]
Orwell, op. cit.
-
[8]
Op. cit.
-
[9]
Op. cit.
-
[10]
Op. cit.
-
[11]
Dewitte, op. cit.
-
[12]
Op. cit.
-
[13]
Orwell, op. cit.
-
[14]
Orwell, op. cit.
-
[15]
Ibid.
-
[16]
Dewitte, op. cit.
-
[17]
« Le spectacle est le discours ininterrompu que l’ordre présent tient sur lui-même, son monologue élogieux », La Société du spectacle, thèse 24, Guy Debord.
-
[18]
« L’esprit du capitalisme est justement cet ensemble de croyances associées à l’ordre capitaliste qui contribuent à justifier cet ordre et à soutenir, en les légitimant, les modes d’action et les dispositions qui sont cohérents avec lui. Ces justifications, qu’elles soient générales ou pratiques, locales ou globales, exprimées en termes de vertu ou en termes de justice, soutiennent l’accomplissement de tâches plus ou moins pénibles et, plus généralement, l’adhésion à un style de vie, favorable à l’ordre capitaliste. », Le Nouvel esprit du capitalisme, Luc Boltanski et Ève Chiapello.
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