Devenue populaire comme une traînée de poudre, Sniffy a rencontré immédiatement ses détracteurs, qu’ils soient buralistes ou addictologues, avant d'être transformée par son fabriquant.
C’est une poudre blanche qui se « sniffe » avec une paille et qui, selon ses promoteurs, aurait un effet « euphorisant instantané ». Sniffy est un produit dont la composition est légale et commercialisé par une entreprise française. Il était en vente libre sur Internet et dans certains bureaux de tabac au prix de 15 à 20 € le gramme. Ceci jusqu’à ce mercredi 5 juin, où la société a transformé son produit face à l’émoi suscité.
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la Santé et de la prévention avait, en effet promis, samedi 25 mai, de faire disparaître ce produit du marché dès que possible. Lui emboîtant le pas, la Confédération nationale des buralistes s’est prononcée contre la vente de Sniffy.
L’opposition des buralistes
Dans le Puy-de-Dôme, la position de la fédération des buralistes est la même que celle de la Confédération nationale. « Nous sommes contre la vente de ce produit. Un des fournisseurs principaux des buralistes s’est positionné contre également. La façon d’inhaler ce produit rappelle trop la prise de cocaïne. Je ne connais pas de buralistes dans le département qui vendent ce produit », souligne Vincent Charbonnel, président de la fédération des buralistes du Puy-de-Dôme.
Nous avons demandé au professeur Georges Brousse, chef de service d’addictologie du CHU de Clermont-Ferrand en quoi ce produit peut être dangereux, une des conditions qui permettrait de le faire interdire.
Qu’est ce que ce produit ?
"C’est une poudre blanche passant pour une substance énergisante. On ne sait finalement pas trop ce qui la compose. Des acides aminés ? Elle aurait un effet boost, un effet stimulant psychique."
Pourquoi ce produit inquiète le monde de l’addictologie ?
"Ce n’est pas tant pour son contenu, mais pour la modalité de son usage : c’est une poudre intranasale vendue avec une paille. C’est cela qui fait bondir le monde de l’addictologie. Proposer un produit dont la formulation marketing répond à l’usage d’un produit qui pose de très gros problèmes en France : la cocaïne. Ce sont ni plus ni moins les mêmes modalités de consommation de cette drogue sniffée avec une paille. Cela constitue là un véritable problème de santé publique. Sniffy banalise auprès des jeunes un acte : le fait de sniffer une poudre blanche. Rendant ainsi plus accessible dans leur esprit la possibilité de prendre de la cocaïne. Le sniffy est à la cocaïne ce que la cigarette en chocolat était à la cigarette.
La cigarette en chocolat a d’ailleurs été interdite car elle donnait le message aux jeunes enfants de la possibilité de ritualiser, de faire comme les grands, et de jouer avec l’interdit. La société qui propose ce produit le fait probablement avec l’intention sous-jacente et très cynique de toucher des jeunes qui normalement sont sensibles avec le fait de jouer avec des interdits. Ils sont très captifs, on l’a vu avec les puffs, les produits prémix…"
"L’idée est de capter des jeunes publics parce qu’ils sont rapidement intéressés, prêts à jouer avec les interdits, et potentiellement sont vulnérables."
Professeur Georges Brousse (chef du service d'addictologie du CHU de Clermont-Ferrand et président d'addiction France Auvergne-Rhône-Alpes)
Que faire ?
"Au-delà, cela pose une question plus générale : la question de la régulation. Quand on interdit, cela crée un espace de possibilité de transgresser l’interdit, ce à quoi les jeunes sont sensibles, dans une période, l’adolescence, où ils s’autonomisent. L’interdit ne doit pas être le seul objet de régulation, il doit y avoir aussi de l’information et de la prévention. Il est nécessaire de développer auprès des jeunes des compétences psychosociales : leur dire comment ils s’informent, comment arriver à dire non, comment ne pas faire comme le groupe, comment devenir critique. C’est de l’éducation, c’est de la régulation."
Des conseils pour les parents ?
"La première des choses : discuter, expliquer, réguler l’accès. Expliquer que c’est un comportement qui peut les rapprocher d’une consommation rappelant celle de la cocaïne et que celle-ci est dangereuse, qu’il y a un risque pour la santé. Le cerveau est en maturation chez les jeunes et il est plus fragile. Il va être sensible au comportement ritualisé autour d’un produit. Si en sniffant ils ressentent un effet, c’est déjà dangereux. Car il y a un risque de satisfaction pouvant donner envie d’essayer autre chose. Même si les addictions restent multifactorielles."
Michèle Gardette
Retrait. Face à l’émoi suscité, la société Sniffy a annoncé, ce mercredi 5 juin, sur son site, renoncer à "la commercialisation du complément alimentaire Sniffy par voie d’inhalation au profit d’une simple consommation orale".
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