Voici la meilleure réflexion reçue de la part de notre aimable communauté qui pense encore et c’est si rassurant ! Le sujet est bien posé, l’analyse toujours humaniste et bienveillante sans refus de dire les choses.
Je ne peux donc pas m’empêcher de partager avec vous et avec son accord, son “travail” philosophique que je vous invite également à communiquer et faire suivre aux plus jeunes et aux étudiants dans vos entourages.
C’est ainsi que l’on débat, c’est ainsi que l’on peut penser en nuances et donc avec intelligence.
Bien penser c’est en réalité beaucoup travailler. C’est ce que l’on appelle une formation intellectuelle.
Vous verrez également que ces réflexions et ce texte nous rapprochent de la parabole des talents.
L’inégalité est-elle une injustice ?
Définitions
L’égalité est de deux ordres :
• Égalité des accidents
Deux individus ont même propriété physique, même poids, même nombre, même forme, même localisation, etc. Il s’agit ici d’un rapport de quantité. Elle convient aux égalités arithmétiques.
• Égalité de substance
De même nature : deux individus de même nature ont une dignité identique. Il s’agit ici d’un rapport d’être.
La justice correspond quant à elle à rendre à chacun ce qui lui est dû.
(l’injustice est le contraire).
Il est évident que deux individus ne sont jamais égaux en accident
(la matière sur laquelle leur nature se repose serait le cas échéant
confondue, ce qui n’est pas possible).
En revanche, il semble dans l’ordre des choses que deux êtres de même
nature ont même dignité. Il y a donc égalité de substance dû à la nature
qui leur est commune.
Prenons un exemple :
Comparons l’égalité de deux téléphones : un de 2010 et l’autre de 2024.
Ils ont égalité de substance, mais pas d’accident. Il est évident que le
second téléphone a plus de puissance de calcul que le premier.
Pourtant, les deux sont autant téléphone l’un que l’autre : ils ont
effectivement la même nature.
Bien qu’aucun des téléphones n’ait une substance plus « digne » que
l’autre, il est très juste d’attendre du téléphone de 2024 des capacités
et des performances supérieures à celui de 2010.
Nous retenons donc qu’il y a deux niveaux d’égalité, mais bien une seule
justice. Étant donné que le téléphone de 2024 a plus de capacité, on
attend de lui qu’il ait de meilleures performances. Rendre
à chacun son dû, donc, conformément à ses dispositions.
Égalité chez les hommes
De ce fait, deux hommes sont toujours égaux dans l’ordre de la dignité,
mais pas dans l’ordre matériel, car ils présentent nécessairement des
traits différents et ont leur propre personnalité.
Il en va de même pour les différences entre les hommes et les femmes. Il
y a évidemment des différences comme la capacité d’enfanter ou les
différences de force physique.
Ces différences physiques n’enlèvent en rien la nature commune qu’ils partagent : la nature humaine.
De ce fait, ils sont égaux en dignité. Cette égalité en dignité sous-entend qu’ils ont des droits et des devoirs conformément à la morale et à la justice.
Réponse
L’inégalité d’accident n’influe en rien l’égalité de substance.
En revanche, les inégalités d’accident engendrent un bien plus grand,
celui de s’ouvrir à la vie – dans un sens large : la capacité d’agir par
soi-même. Nous avons en effet vu plutôt qu’il n’était pas possible pour
deux individus de partager exactement les mêmes accidents, puisque par
principe, ces accidents définissent l’individualité.
Ainsi, il est facile de comprendre que la notion de justice ne
s’applique pas dans les accidents de la personne, mais au contraire, en
prenant en considération l’ensemble de sa nature : sa substance.
De ce fait, on comprend rapidement que les inégalités d’accident
permettent la vie de la substance, ce qui est un ordre de justice plus
grand. Il serait par exemple injuste pour un homme de ne pas pouvoir
vivre…
Si l’on souhaite une véritable justice, il semble donc qu’il ne faille pas gommer les différences qui distinguent les individus de même nature, mais au contraire de les prendre en considération pour que chacun s’accomplisse selon les dispositions qu’il a afin que chacun atteigne la même dignité qui lui est dû.
Ainsi, il est profondément injuste de demander à une femme d’être un homme, à un apprenti d’avoir les mêmes attributs que son maître, à un pauvre d’avoir les mêmes ressources que le riche. De même, il serait profondément injuste qu’un riche n’offre pas davantage de moyen aux pauvres (emploie, etc.) pour qu’il sorte de sa condition. Là où il serait tout aussi injuste qu’une personne apte gagne autant sans travailler qu’une personne moins apte qui travaille.
La justice consiste à demander ce qui est conforme aux dispositions de la personne. « On demandera beaucoup à qui l’on a beaucoup donné, et on exigera davantage de celui à qui l’on a beaucoup confié. » (St Luc, 12:48)
Solution
Une inégalité est-elle une injustice ?
Non, car on ne peut pas imputer à l’inégalité d’être la source de l’injustice.
Tout d’abord, notons que l’inégalité de substance entre deux individus
de même nature n’a pas de sens. Car, par définition, s’ils ont la même
nature, c’est qu’ils sont égaux en substance. L’idéologie qui considère
que des individus de même nature n’ont pas égale dignité s’appelle le
racisme, dont découle le nazisme.
Quant à la différence de nature entre deux individus (ex : un poireau et
un poisson rouge), on ne peut pas la considérer comme une injustice
puisque les deux êtres n’ont pas la même finalité. Elles ont une fin
conforme à leur prédisposition (le poireau grandi dans la terre, et le
poisson pousse dans l’eau ). ️
Il en va de même pour la justice entre les individus de même nature dont les différences les portes à leur fin.
On peut donc adopter deux positions : l’une qui considère les
différences comme une injustice, et la provoque ; l’autre qui considère
les différences comme nécessaires à l’exercice de la justice.
1. En cherchant à gommer les inégalités (d’accident), on se rapporte
au cas d’une idéologie qui la considère comme une inégalité de
substance. En effet, si l’on cherche à effacer les différences, c’est
qu’on suppose que la personne n’est pas digne d’être ce qu’elle est,
qu’elle serait plus digne d’être selon une autre vision que nous
projetons sur elle. Ainsi, on veut modifier l’individu pour qu’il
corresponde à l’image
qu’on veut en avoir.
C’est le fond du combat LGBT : permettre à chacun une liberté de devenir
ce qu’il veut, sans chercher à savoir si sa nature tend à une certaine
perfection. Les différences sont alors insupportables à leurs yeux
puisqu’elles montrent les limites de leur pensée : par exemple le fait
que la femme enfante et pas l’homme montre qu’on ne choisit pas ce qu’on
est selon le seul bon vouloir de notre volonté. Gommer la différence
homme-femme leur permet ensuite de justifier qu’on choisit
indépendamment de la réalité d’être ce qu’on veut. De même, une
idéologie qui consisterait à normaliser tous les êtres humains
engendrerait
l’injustice, puisque par exemple, il serait injuste de retirer à un
sportif ces capacités qu’il n’a de toute façon pas lui-même choisi.
2. Soit l’inégalité est prise en compte pour adapter l’exigence et l’attendue de l’individu en fonction de ses dispositions. De cette manière, la personne est considérée simplement dans ce qu’elle est. Cette vision seulement permet d’atteindre un ordre de justice plus grand. Il est également vecteur de charité, d’humilité, et des autres vertus. En somme, il est vecteur de vie !
Ainsi, la véritable justice prend nécessairement en compte les inégalités d’accidents pour porter les individus à une égale dignité, apportant de cette même dynamique un ordre beaucoup plus grand dans les choses ! En recherchant cette saine justice découlent des biens plus grand que la seule atteinte de la justice cherchée.
1 En philosophie réaliste (Aristote, Saint Thomas d’Aquin), chaque objet est une substance et un accident. L’accident désigne l’entièreté des aspects physiques d’un objet (forme, poids, tailles, propriété chimique, etc.). La substance désigne de son côté la nature individuelle de l’objet. C’est ce qui fait que deux courgettes sont égales dans leur nature (elles sont bien toutes les deux autant courgette l’une que l’autre), mais elles ont des accidents différents (tailles, poids, couleurs différentes, etc.).
2 « Iustitiae actus est reddere unicuique quod sum est », Saint Thomas d’Aquin, Somme de Théologie, Secunda secunde, q61, a1.
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