Les gouvernements ont recours à deux récits de propagande classiques lorsqu’il s’agit de maintenir l’opinion publique investie dans une campagne de guerre qui ne sert en rien leurs intérêts nationaux :
Premièrement, il y a le mensonge de l’“engagement”, qui dit qu’une fois que l’on soutient un effort de guerre, on doit rester engagé de manière exponentielle, même si cet effort de guerre s’avère inutile. Chaque fois que le public se retire de cette guerre pour reconsidérer son objectif, il est ridiculisé pour avoir potentiellement “risqué des vies” et préparé le terrain pour la défaite. En d’autres termes, vous devez soutenir l’effort aveuglément. Vous n’êtes pas autorisé à examiner le conflit de manière rationnelle, car qui veut être blâmé pour avoir perdu une guerre ?
Deuxièmement, il y a le mensonge de “l’effet domino”, qui dit que si vous permettez à un “ennemi” particulier de gagner dans un conflit, il sera automatiquement encouragé à envahir d’autres pays jusqu’à ce qu’il possède la planète entière. Il s’agit de la même affirmation que celle utilisée pour inciter la population américaine à soutenir la guerre au Viêt Nam, et elle s’avère rarement vraie. En fait, les nations qui s’engagent dans des guerres régionales ont tendance à être tellement affaiblies par les combats qu’elles n’ont pas les moyens de passer à un autre pays, même si elles le voulaient.
Aux États-Unis, nous avons entendu ces deux récits avant le récent vote du Congrès en faveur d’une aide financière et logistique supplémentaire de plusieurs milliards à l’Ukraine. Les néoconservateurs et les Démocrates ont travaillé ensemble pour faire passer le projet de loi, tandis qu’un certain nombre de vrais conservateurs se sont battus pour l’empêcher. Ces conservateurs ont été attaqués sans relâche par les médias pour avoir “aidé les Russes”, mais la réalité dont personne ne veut parler, c’est que l’Ukraine a déjà perdu la guerre.
Aucun financement supplémentaire ni aucune livraison d’armes ne les aideront, et cela n’a rien à voir avec le fait que les conservateurs remettent en question le bien-fondé des dépenses de guerre. Toute personne ayant une compréhension de base de la stratégie militaire sait que la clé de la victoire est TOUJOURS la main-d’œuvre d’abord, la logistique ensuite. Il ne s’agit pas d’une technologie ou d’un armement supérieur, ni d’une trésorerie supérieure, et encore moins d’un soutien populaire de la part d’intérêts étrangers.
C’est particulièrement vrai dans une guerre d’usure, et l’usure est en fait la méthode utilisée par la Russie pour réduire systématiquement les forces ukrainiennes. Cependant, les médias occidentaux refusent de parler de ce qui se passe réellement et se contentent de faire du battage médiatique pour l’Ukraine.
En septembre 2022, j’ai noté que le retrait russe dans le Donbass n’était pas la “retraite” que les médias occidentaux ont fait croire. De nombreuses têtes parlantes de l’establishment ont affirmé que c’était le début de la fin pour Vladimir Poutine et que les forces ukrainiennes allaient s’emparer de la Crimée dans un avenir proche.
J’ai soutenu que la Russie essayait probablement de consolider sa position alors que l’artillerie et les chars occidentaux déferlaient sur l’Ukraine. J’ai également suggéré que la Russie voulait éviter les combats urbains dans les grandes villes alors que des dizaines de milliers de mercenaires chevronnés se précipitaient sur le front depuis les États-Unis et l’Europe. J’ai prédit que le retrait russe préparait des frappes chirurgicales sur les ressources et l’infrastructure du réseau de l’Ukraine occidentale.
Le réseau ukrainien étant fortement endommagé, une grande partie de la population quitterait les villes et se dirigerait vers l’Europe jusqu’à ce que la guerre se termine. Ce n’est pas pour rien que Poutine a évité les combats majeurs dans les grands centres urbains. En chassant les civils des zones métropolitaines, la Russie pourrait plus facilement frapper l’Ukraine dans le cadre d’une offensive secondaire sans risquer d’importants dommages collatéraux sous la forme de victimes civiles. C’est exactement ce qui s’est passé.
Près de 7 millions d’Ukrainiens ont quitté le pays au cours des deux dernières années, et 6 millions d’autres ont été déplacés (principalement des grandes villes). Actuellement, la Russie s’efforce d’expulser les civils de Kharkov, la deuxième ville d’Ukraine, et elle y parviendra probablement compte tenu de son élan et de la destruction des ressources en eau et en électricité. Une fois les civils évacués, une attaque plus agressive pourra être lancée.
La Russie utilise une “bulle d’artillerie” pour protéger les forces terrestres lorsqu’elles avancent. En d’autres termes, les troupes n’attaquent que dans la mesure où l’artillerie peut les protéger. L’artillerie est vitale pour une offensive de grande envergure. Par coïncidence, la Russie a doublé ses importations de matériaux explosifs couramment utilisés pour l’artillerie au cours des derniers mois. Elle produirait aujourd’hui trois fois plus d’obus d’artillerie que l’OTAN n’en fournit à l’Ukraine.
Les principaux analystes affirment que la poussée vers Kharkov pourrait être une feinte, permettant à la Russie d’augmenter la taille de sa zone tampon. Ils continuent d’affirmer que la Russie ne dispose pas des forces nécessaires pour une offensive majeure. Je dirais que cela dépend de la faiblesse réelle des lignes de défense de l’Ukraine. La Russie utilise régulièrement des mouvements de pince à grande échelle pour envelopper les positions défensives et les détruire.
Rien qu’au cours des deux dernières semaines, la Russie a gagné un terrain considérable. Les troupes russes ont récemment réalisé des avancées confirmées au nord-ouest de Svatove (Oblast de Louhansk), près d’Avdiivka (Oblast de Donetsk), à Robotyne (Oblast de Zaporizhzhya) et sur la rive est (gauche) de l’Oblast de Kherson, a rapporté le 6 mai le groupe de réflexion américain Institute for the Study of War (Institut pour l’étude de la guerre). La raison en est relativement simple : l’Ukraine manque de main-d’œuvre pour mettre en place une défense efficace en profondeur. Tous les rapports provenant du front confirment cette théorie.
En d’autres termes, les lignes défensives de l’Ukraine ne sont qu’une façade, sans positions secondaires ni tranchées pour bloquer les percées russes. Une fois que les Russes ont coupé la ligne principale, plus rien ne les empêche de gagner de grandes étendues de terrain. Certains analystes ont attribué cette évolution au manque de prévoyance ou de préparation stratégique des Ukrainiens, mais je dirais qu’ils n’ont tout simplement pas assez de personnel pour défendre plus qu’une seule ligne avancée.
Ma position est étayée par de nombreux rapports sur les luttes désespérées du gouvernement avec la conscription. Au cours des six derniers mois, l’âge moyen des recrues ukrainiennes était de 43 ans. Cela signifie que le recrutement des jeunes diminue, soit parce que les jeunes ne veulent pas se battre et évitent la conscription en quittant le pays, soit parce qu’ils sont trop nombreux à être décédés.
Le problème de la conscription a été occulté par les médias occidentaux pendant de nombreux mois, mais même les plateformes d’information institutionnelles commencent à admettre qu’il y a un grave manque de nouvelles recrues. Les combattants de la ligne de front se plaignent depuis des mois qu’ils ont besoin d’être éloignés des tranchées et de se reposer.
Un autre mauvais signe est le fait que l’Ukraine a utilisé des soldats des forces spéciales pour le travail dans les tranchées. Ces unités sont entraînées spécifiquement pour la guerre asymétrique de frappe et de fuite, et non pour rester assises dans des trous de boue en attendant que les frappes d’artillerie pleuvent sur leurs positions fixes et exposées. Cela semble être de la pure stupidité, mais c’est logique si l’Ukraine est réellement à court de personnel pour tenir sa seule ligne de défense.
La dissimulation des pertes massives est un point que j’ai mentionné dans des articles précédents sur la guerre et je pense qu’il mérite d’être répété : Les faucons de guerre occidentaux continuent de prétendre qu’il sera “moins coûteux” d’utiliser les soldats ukrainiens pour combattre la Russie que de mener une guerre plus vaste en mettant en jeu des vies américaines et européennes.
La sociopathie qui sous-tend ce raisonnement est inquiétante. Le manque de main-d’œuvre en Ukraine ne peut être résolu. C’est le produit d’une mort sans fin payée avec l’argent de nos impôts. L’OTAN a prolongé les combats avec des fonds et des armes, mais pas pour gagner, seulement pour sacrifier davantage de personnes dans un conflit sanglant que l’Ukraine est destinée à perdre.
Leur argument suppose également que les Américains et les Européens vont se lancer aveuglément dans une guerre contre la Russie en relançant le service militaire. Je ne sais pas ce qu’il en est des Européens, mais je sais pertinemment que la plupart des Américains n’adhéreront pas à cette idée et qu’ils refuseront l’appel sous les drapeaux. La majorité du public américain ne veut même pas envoyer d’aide supplémentaire à l’Ukraine ; ils ne vont certainement pas aller mourir pour l’Ukraine. L’arrogance des faucons de guerre est stupéfiante.
La conclusion est la suivante : l’Ukraine est sur le point d’être envahie. Elle n’avait pas les effectifs nécessaires pour lancer une contre-offensive efficace. Elle n’a pas les moyens d’établir une défense en profondeur. Et elle utilise ses soldats les plus aguerris comme chair à canon dans les tranchées.
Cette dynamique exige que des solutions diplomatiques soient envisagées, mais personne ne semble en parler. Pourquoi ?
Comme je l’ai théorisé dans mon article intitulé “La troisième guerre mondiale est désormais inévitable – voici pourquoi elle ne peut être évitée“, le plan sous-jacent pourrait bien être d’essayer de forcer les Américains et les Européens à accepter une guerre de plus en plus étendue avec la Russie. Le public occidental a été bombardé de mensonges sur la capacité de l’Ukraine à gagner ; lorsqu’elle perdra, les gens seront choqués et révoltés par le résultat.
Peut-être les élites espèrent-elles que la population sera tellement furieuse de cette défaite qu’elle se ralliera à un effort de guerre plus important de la part de l’OTAN ? Le gouvernement français a déjà affirmé qu’il était prêt à envoyer des troupes en Ukraine dans le cadre d’une confrontation directe avec la Russie, tandis que la Lituanie et la Pologne ont déclaré qu’elles n’excluaient pas cette possibilité.
L’heure est aux négociations de paix, AVANT que l’Ukraine ne soit envahie. Cela se produira-t-il ? Probablement pas. Mais lorsque la diplomatie est complètement écartée de la table, la seule conclusion à laquelle nous pouvons aboutir est qu’une guerre plus importante est souhaitée. Et lorsqu’une guerre plus importante est souhaitée, nous devons également conclure que nos dirigeants ont quelque chose de substantiel à gagner en mettant le monde en danger.
Vous pouvez être du côté de l’Ukraine, vous pouvez être du côté de la Russie, vous pouvez ne pas vous soucier de l’un ou l’autre camp, mais il est indéniable que cette guerre est intensifiée par des intérêts particuliers et nous devons nous demander pourquoi.
Brandon Smith
Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
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