La guerre civile a déjà commencé. C’est celle que Macron mène déjà depuis des années dans une France devenue le paradis mondial des millionnaires, alors que grimpe le taux de mortalité infantile et que la part de citoyens qui vivent sous le seuil de pauvreté ne cesse d’augmenter. L’explosion à venir, celle qui pourrait intervenir si le RN parvenait au pouvoir, aiguisant toutes les tensions du pays, ne serait que le corollaire de celle-ci. «La guerre civile est la matrice de toutes les luttes de pouvoir, de toutes les stratégies de pouvoir», écrivait Michel Foucault, qui a fait et écrit beaucoup de bêtises, mais pas uniquement. Le président banquier nous a précipité dans cette situation en appliquant férocement la feuille de route de la finance.
Deux sociologues et deux philosophes, voilà la bande des quatre qui, le 15 mai 2023 dans Le Monde, nous exposait depuis le fond d’un puits d’indifférence, une idée en forme de bombe. Explosion qu’aucun intellectuel n’a entendue, trop préoccupé par leur apprentissage forcé de l’écriture inclusive, elle était titrée : «Macron et la guerre civile en France». Reprenant une analyse de Michel Foucault, nos Ravachol aux idées longues, Pierre Dardot, Haud Guégen, Christian Laval et Pierre Sauvestre avaient mis au noir et au blanc sur la page, la vérité unique et profonde, la seule raison d’être du macronisme : abattre par tous moyens ce qui fait obstacle au néolibéralisme.
Le quatuor évoque alors une «guerre civile» conduite depuis l’Elysée. Un pavillon de chasse où tous les financiers de la planète tiennent à l’œil leurs ronds qui ne sont pas seulement de serviette. Une bataille mortelle, conduite accessoirement avec des fusils. Mais à coups de lois scélérates, pour parler la langue du XIXe puisque la politique «scélérate» est de retour. Lois mortelles pour «ceux qui ne sont rien». Mais revenons à la pendule de Foucault, elle nous met à l’heure du crime. L’auteur de «Surveiller et punir» nous dit que «la guerre civile est la matrice de toutes les luttes de pouvoir, de toutes les stratégies de pouvoir». Et qui détient davantage de cette puissance que Jupiter, notre Thiers providentiel.
Macron fait la guerre au peuple, cette vérité a donc été publiée à la sauvette dans une «tribune» du Monde, le quotidien vespéral devenu néolibéral en ayant quelques trous dans la raquette. L’écrit de la bande des quatre remet la guillotine au milieu du village. En dépit d’un camouflage – sous des oripeaux où les mots République et Démocratie sont dévoyés –, nous devons enfin admettre que l’unique but du combat de Macron est de détruire cette «classe laborieuse, classe dangereuse», pour citer l’exemplaire Louis Chevalier. Et ces armes de destruction passive – où le damné se débat un peu, puis capitule face au capital – ne sont que des lois, des règles, des édits, des notes de cabinets de conseil, des outils mortels, armes d’une guerre sans bruit. Important de savoir de quoi Macron est le nom : ce nom est guerre. Pour les sceptiques, ceux qui voient ce jugement comme une outrance, rappelons que la répression contre les «Gilets jaunes», les crucifiés de la retraite à 64 ans, ceux du chômage low cost, les paysans «en colère» donc les désespérés de toutes les «émeutes» a pris une forme de guerre par le dispositif de répression qui leur a été opposé et les violences policières programmées, auxquels s’ajoutent racisme et impunité. Car Jupiter a sa garde prétorienne. Scènes qui ont fini par provoquer le réveil de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU, qui s’en est venue protester sur la pointe des pieds. Macron brocarde Poutine, mais sous son magistère un promeneur portant un keffieh en chasuble est interpellé par une police devenue milice gouvernementale. Amusez-vous à qualifier Israël «d’État colonial» et vous voilà en garde à vue. Les magistrats qui, naguère, étaient «Charlie» jusqu’à la mort, sont partis en randonnée. «L’antisémitisme», accommodé à la sauce Darmanin, est une arme de destruction massive.
Sans nous en aviser, en homme capable de se cacher dans un placard pour fuir le danger, un hélicoptère toujours prêt à l’exfiltrer, Macron conduit sa mère des batailles dont il espère qu’elle sera la dernière. Qu’après lui, la Révolution française ne sera qu’un vieux crime, déjà dénoncé par le pathétique François Furet et sa secte, et les volontés du Conseil national de la Résistance (CNR) réduites à une chimère accompagnée du son de «In the Mood», la scie musicale de Glenn Miller. Notez bien cet indice qui nous dit que nous sommes en guerre, ils provient d’Oslo où le «Centre d’Études de la guerre civile de l’Institut de recherche sur la paix» affirme que la définition de «troubles civils» commence quand les forces de «l’ordre» assassinent vingt-cinq êtres humains par an. En France en 2023, selon la police, ce chiffre a été de trente-huit.
Cette victoire contre les «sans dents» et «gens de rien» va donc nous faire renaître dans un monde parfait, et sa dissolution lunaire, est sa base de lancement. Avec les esclaves dans les cales et les maîtres sur le pont. Pour l’heure ça fonctionne déjà pas mal, mais avec grincements. La France est un paradis mondial de millionnaires et milliardaires alors que grimpe le taux de mortalité infantile, et qu’augmente la part de citoyens qui vivent sous le seuil de pauvreté. C’est parfait tant que le gueux se tient tranquille, en écrasé.
Les crimes sociaux, c’est-à-dire humains, que Thatcher n’a pas eu l’audace de faire, Macron, parrain de l’uberisation, les tente. Pour lui aussi, «il n’y a pas d’alternative» il n’y a qu’un «en même temps», c’est-à-dire la même chose. La bande des quatre intellos extralucides et courageux, auteurs de cette étude, nous rappelle que le néolibéralisme est né vers 1930. Il s’agissait de mettre en place un ordre politique qui garantirait les «libertés économiques». La feuille de route de la finance sera simple : il faut que l’état devienne le garant d’une liberté marchande jouissant sans entrave. Pas question d’évoquer la moindre aspiration des salariés à la liberté, à l’égalité.
Pour cet exercice, une possible application de la démocratie est une arme dangereuse. On va donc s’atteler, et le chantier est encore en cours, à garder le mot – démocratie -, tout en le vidant de son contenu, de sa priorité de liberté, de justice et d’égalité. Petit à petit, l’abandon des solidarités, l’idée étasunienne de la réussite individuelle, l’encouragement aux ghettos du communautarisme, la disparition d’une philosophie marxiste accompagnant plus ou moins les idées, la destruction du monde ouvrier par les «délocalisations», vont gagner la partie : au nom d’une démocratie new look, applaudie par les diverses figures de la sociale démocratie (huile des rouages du capitalisme), le peuple est seul et nu.
Et c’est cette démocratie faisandée qu’aujourd’hui le monde étasunien, dont l’Europe est une colonie, tente d’imposer aux pays non alignés, pour ne pas dire sauvages. Washington donne ses leçons, distribue ses médailles alors qu’aux États-Unis on pratique la peine de mort, on interdit l’avortement, on tue en masse, on vote des lois pour légaliser le travail des enfants, sans compter cette perle démocratique qu’est Guantanamo. Non, pour être reconnu démocratie, l’important n’est pas un système de santé qui ne fonctionne pas trop mal, des écoles qui enseignent, des taux de mortalité en baisse, l’abolition de la peine de mort ou la liberté de contraception. Non. La priorité est donnée à l’inventaire, non plus du «social» mais du «sociétal». Toutes les pratiques, devenues coutumières en Occident, (sexuelles par exemple) doivent avoir cours dans un état qui souhaite, à l’ombre de la «démocratie», rejoindre le cortège des peuples civilisés. Dans les derniers jours de mai 1871, les troupes d’Adolphe Thiers écrasent la Commune. De Londres, où il est exilé, Karl Marx a suivi la période révolutionnaire qui, depuis le 26 mars 1871, a vu le prolétariat parisien prendre le pouvoir dans la capitale assiégée par les Prussiens. C’est que, pour la première fois, a été mise en place une forme autonome de gouvernement ouvrier. Il ne croyait pas à la possibilité de la révolution. Il a été impressionné par l’héroïsme du peuple parisien. Au lendemain de la «Semaine sanglante», il tire les leçons de la défaite : la guerre civile en France, en 1871, c’est le massacre de la population par le gouvernement français et son armée aux mains de la canaille bourgeoise de Versailles. Prendre le pouvoir ne suffit pas.
Ceux qui refusent cet Eden devienne une cible, parfois bombardées par de vrais enfers de fer, comme en Irak, ou plus subtilement mis au ban par des ONG complices de l’impérialisme occidental, ou mitraillés aussi par des jugements comme ceux rendus par le Parlement européen qui n’a jamais eu honte de sa propre corruption.
Nous voilà bien loin de Macron, le généralissime d’une guerre civile ? Non, puisque l’arme reste la même : l’usage du mot démocratie redéfini par les chevaliers de McKinsey est aussi une épée.
Jacques-Marie Bourget
Source : Quartier Général via Le Grand Soir
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