04 mai 2024

Superéthanol : quel avenir pour ce carburant ?

Dès son arrivée sur le marché français, le superéthanol E-85 a fait le bonheur de ses utilisateurs, notamment en raison de son prix attractif. Mais en 2023, son tarif a flambé de 50 %... Un premier coup de frein pour ce biocarburant si prometteur ? RTA dresse les perspectives pour l’avenir du superéthanol.

Où en est le superéthanol en France ?

Deux fois moins cher que l’essence ou le gazole et bien plus écologique, le superéthanol a longtemps affiché des arguments de poids. Mais quelques embûches le font dévier de sa trajectoire… Pour en savoir plus sur ce carburant vous pouvez également consulter notre article superéthanol : principe de fonctionnement, avantages et inconvénients.

Des avantages qui pèsent encore dans la balance

Le superéthanol a toujours eu la réputation de carburant accessible. Pour son prix d’abord, puisque le litre est longtemps resté sous la barre des 1 €. Pour sa disponibilité ensuite : son réseau de distribution est passé de 316 stations-services en 2010 à 3 500 en 2023. Et les automobilistes bénéficient aujourd’hui encore d’incitations pour se convertir : de nombreuses régions apportent leur soutien financier aux particuliers qui souhaitent passer à l’E-85 (exonération partielle ou totale de la taxe régionale) ou installer un kit flex-fuel homologué.

Une production hexagonale

Côté production, la France s’est armée en conséquence et reste confortablement installée à la place de 1er producteur européen de superéthanol, avec 14 millions d’hectolitres chaque année. Sur l’ensemble du territoire, la filière bioéthanol génère 9 000 emplois dans l’agriculture et l’industrie. Mais le contexte évolue…

Un biocarburant qui a subi la hausse des prix

Après une hausse de la consommation de 83 % en 2022, le biocarburant a enregistré une croissance bien plus timide en 2023 avec une progression de seulement 5 % (source : Les Échos). L’une des raisons de cette perte de vitesse s’explique par l’augmentation brutale des prix l’an dernier :

+ 6,5 % pour le SP95-10 ;

+ 7 % pour le gazole ;

+ 8 % pour le GPL ;

+ 45 % pour le superéthanol E-85.

Conséquence : la barrière psychologique des 1 € par litre, véritable argument de vente pour les acteurs de la filière, est dépassée. Malgré une baisse début 2024, les inquiétudes demeurent dans un secteur bousculé par deux facteurs structurels :

- les incertitudes sur l’avenir de la betterave sucrière, l’un des principaux composants du superéthanol ;

- un flou législatif à l’échelle européenne autour de la notion de « neutralité du carburant », qui pourrait mettre le superéthanol hors-jeu.

En proie au doute, certains constructeurs préfèrent se retirer du marché...

Problème n° 1 : la filière de la betterave sucrière voit l’avenir en rouge

À elle seule, la betterave représente 1/3 de la production du bioéthanol français, après le blé (42 %) mais devant le maïs (21 %).

Or, la betterave rencontre un problème majeur : sa sensibilité à la jaunisse, transmise par les pucerons. Avec l’utilisation de néonicotinoïdes (des insecticides incorporés à la semence), les producteurs avaient trouvé un moyen de lutter contre la contamination de leurs cultures. Mais depuis 2018, ces insecticides sont interdits. Les exploitations agricoles se retrouvent face à un dilemme : produire sans aucune perspective de rendement ou arrêter la production de betterave sucrière. Le Plan national de Recherche et Innovation de l’institut technique de la betterave (ITB) vise à identifier des alternatives non chimiques. Mais les solutions envisagées, bien que prometteuses, restent encore trop longues, trop coûteuses et trop difficiles à mettre en place à l’échelle nationale.

En parallèle, le réchauffement climatique continue d’adoucir les intersaisons. De quoi favoriser le développement des pucerons et entraîner des sécheresses dévastatrices pour les récoltes utilisées dans la production du bioéthanol : betteraves, pommes de terre, orge, colza, etc.

C’est donc l’incertitude qui domine la filière agricole, indispensable à la fabrication d’un bioéthanol bon marché.

Problème n° 2 : le flou engendré par la législation européenne

Le compte à rebours qui mène à l’interdiction des voitures thermiques en Europe en 2035 est lancé. Concrètement, seules 2 catégories des voitures pourront être commercialisées après cette échéance :

- les voitures 100 % électriques ;

- les voitures fonctionnant avec un carburant neutre en émissions de CO2.

Et le superéthanol ? Il ne remplit aucune de ces conditions. Constitué en majeure partie de bioéthanol, l’E85 conserve une partie d’essence d’origine fossile (entre 15 et 35 % selon la saison). La filière du superéthanol a donc un peu plus d’une décennie pour trouver un substitut à l’essence, et être ainsi considéré comme un « carburant neutre ».

Mais où se situe le seuil de neutralité ? Une réduction à 100 % d’émissions de CO2, excluant de fait le superéthanol actuel, ou un seuil inférieur ? Une forte ambition ou une douce transition ? Bruxelles prévoit de trancher en 2026. En attendant, les acteurs orientent leur stratégie pour limiter la casse.

Des industriels qui boudent progressivement du marché 

Face à ces nombreuses inconnues, certains constructeurs préfèrent se retirer de l’équation et se concentrer vers l’électrique, moins contraignant. C’est le cas de Ford, leader français des véhicules flex-E85 d’origine (38 000 véhicules vendus en 2023) qui oriente sa stratégie pour viser un parc composé à 100 % de véhicules électriques d’ici 2030. La commercialisation de 2 modèles va donc s’arrêter : le SUV Puma Flexifuel qui représentait la moitié des ventes sur cette famille de véhicules et la Focus Flexifuel.

En résumé

Concurrentiel en période inflationniste, le superéthanol perd néanmoins du terrain. Les raisons ? Une filière de la betterave sucrière en difficulté et une législation encore floue autour de l’interdiction des véhicules thermiques en 2035. Face aux incertitudes, certains constructeurs comme Ford préfèrent se retirer du marché. Bruxelles devrait apporter en 2026 des éclaircissements et dévoiler sa définition du terme « carburant neutre » qui satisfera, ou non, la filière bioéthanol. 

En attendant ? Le superéthanol reste un carburant très avantageux, à bas prix et nettement plus écologique que les carburants à base d’énergie fossile. Équiper sa voiture d’un kit flex-fuel homologué reste donc une bonne solution, pour l’environnement comme pour vos finances.

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