Les députés ont commencé le 28 mai l’examen du projet de loi sur la fin de vie. Le texte prévoit notamment de légaliser « l’aide à mourir ». Une aide à mourir qui prendrait soit la forme d’un suicide assisté, soit d’une euthanasie, même si les termes ne sont pas mentionnés dans le texte. Pour le président de la Voie du peuple (VIA) et candidat aux élections européennes, Jean-Frédéric Poisson, le projet de loi est une « honte ».
Epoch Times – Jean-Frédéric Poisson, comment accueillez-vous ce projet de loi ?
Jean-Frédéric Poisson – Ce texte est une honte. Une honte puisqu’il est mensonger. Le premier élément du mensonge étant le camouflage sémantique auquel le gouvernement s’est livré pour ne pas nommer les choses telles qu’elles sont. L’expression « aide à mourir » est très ambiguë.
Elle invite à considérer qu’il s’agit d’un acte généreux, d’assistance et de bienveillance à l’égard de celui qu’on accompagne, alors qu’il s’agit d’euthanasie et de suicide assisté et donc de tuer.
Le texte aurait au moins gagné en honnêteté si le gouvernement avait
eu le courage d’assumer cette position. Évidemment, la grande difficulté
du fond de ce texte, c’est qu’il fait, à juste titre, peur, aussi bien
par son intention que par son contenu.
Deuxièmement, la commission spéciale de l’Assemblée nationale a fait
sauter tous les garde- fous. Désormais, plus rien ne pourra empêcher
quelqu’un qui décide de mettre fin à ses jours, de recourir à un tiers
pour y parvenir. Qu’une personne souhaite mettre fin à ses jours, c’est
son affaire, mais elle n’a pas à convoquer une tierce personne, qui de
fait, se rendrait complice de quelque chose qui serait objectivement un
meurtre, soit directement dans le cadre de l’euthanasie, soit par
fourniture de moyens dans le cadre du suicide assisté.
Le gouvernement avait promis qu’un certain nombre de garde-fous serait maintenu. Le président de la République avait engagé sa parole sur ce sujet, mais, comme d’habitude, la parole du président de la République et celle des ministres ne vaut plus grand-chose. Donc, on va pouvoir maintenant euthanasier les gens qui sont dépressifs ou qui souffrent par exemple de la maladie d’Alzheimer. Nous sommes loin du pronostic vital engagé et du consentement libre et éclairé.
Il y a même un délit d’entrave qui a été institué par la loi pour faire en sorte que soient condamnés ceux qui refusent leur aide à quelqu’un qui veut se suicider. Je crois que le débat dans l’hémicycle s’engage dans des conditions extrêmement difficiles. Il faut souhaiter une espèce de réveil de la conscience des parlementaires, y compris de la majorité, qui permette de faire échouer ce texte. Mais j’ai peu d’espoir.
Les modifications du texte effectuées par la commission spéciale constituent donc une dérive ?
Le texte en lui-même est une dérive. À partir du moment où vous inscrivez dans la loi française, le droit de tuer quelqu’un en dehors des situations de légitime défense, on est déjà dans une dérive terrible. C’est une transgression majeure. C’est la fin de l’interdit de tuer comme socle de tout l’édifice du droit. Tout le monde comprend que l’ensemble des droits n’ont de sens que si la vie de celui qui en est le sujet est respectée. Si on ne respecte pas la vie de celui qui a des droits, cela ne sert à rien de lui en donner.
Ce texte est donc une dérive en soi et on se rend compte, qu’au fur et à mesure, les digues cèdent une par une. C’est ce qu’il s’est passé en Belgique et aux Pays-Bas. Tous les mécanismes de prévention ou de régulation et les garde-fous ont été retirés. Et maintenant, en Belgique, une très forte proportion des euthanasies pratiquées ne sont même plus déclarées, c’est-à-dire qu’elles ne font même plus l’objet d’une autorisation délivrée par la commission ad hoc, pourtant instituée il y a 20 ans par la loi.
Comme je le dis régulièrement, une porte est soit ouverte, soit fermée. À partir du moment où vous entrebâillez la porte, comme c’est le cas avec ce projet de loi, en réalité, vous l’ouvrez. Les dérives étaient dans le principe même du texte. Il n’est donc pas étonnant qu’elles se soient déployées pendant le travail de la commission spéciale.
Vous avez dénoncé dans une tribune publiée dans Valeurs Actuelles en avril, un projet de loi qui « bafoue » la devise de la France : Liberté, Égalité, Fraternité. Pourquoi ?
Comme d’habitude, tout cela est fait au nom des « valeurs républicaines ». Une expression, dont plus personne ne maîtrise le sens, mais qui est employée en permanence. Cela évite de se prononcer sur son contenu.
Déjà, je dirais qu’il n’y a aucune espèce de liberté dans ce texte puisqu’on peut parfaitement imaginer que des pressions terribles pèseront sur le patient. La légalisation de l’euthanasie promet d’être le théâtre de la manifestation des passions les plus viles de l’humanité. Autrefois, les héritiers impatients étaient priés d’attendre gentiment que leurs parents décèdent. Aujourd’hui, s’ils ont les moyens d’accélérer sa disparition, un certain nombre d’entre eux ne se gêneront pas. Autour du lit des patients vont se déployer des choses atroces et qui remettent en jeu l’idée même de liberté. Je ne parle même pas de la liberté des soignants qui n’existe plus puisqu’encore une fois, un délit d’entrave a été adopté par la commission spéciale.
Ce projet de loi va également à l’encontre du principe d’égalité. Selon votre statut social, vous aurez accès ou non à ce qu’il légalise.
Enfin, ce texte entre en contradiction avec la fraternité. Comment pouvez-vous prétendre être le frère de quelqu’un dont vous provoquez la mort ? Il y a quelque chose qui est tout de même absolument évident et qui rend ce texte, encore une fois, honteux et absolument anti-républicain.
Un médecin généraliste nous disait dans un entretien il y a quelques mois, qu’« au lieu de chercher à aider les gens à mourir, il faut renforcer les soins palliatifs ». Partagez-vous cette analyse ?
Intégralement. C’est même l’objet du livre que j’ai publié l’an dernier, qui s’appelle : « Soins palliatifs, la vraie alternative à l’euthanasie ».
D’autant plus que beaucoup de soignants affirment que les demandes d’euthanasie ne sont en réalité jamais vraiment des demandes d’euthanasie et qu’à partir du moment où on explique aux patients qui demandent à mourir que l’on va pouvoir les soulager, les accompagner et faire en sorte que les derniers instants de leur vie soient pleinement humains,
Ils vont plutôt choisir d’être aidés jusqu’au bout. Mais tout cela est possible si on leur offre la possibilité de vivre ces instants-là. Ils préfèrent terminer leur vie dans la douceur plutôt que dans la brutalité.
Les soins palliatifs sont donc aussi une manière d’accompagner sur le plan relationnel, affectif, psychologique, les patients qui sont en fin de vie, ainsi que leurs proches. C’est tellement humain et tellement évident que je ne comprends même pas pourquoi la question ne se pose pas maintenant.
Je rappelle qu’en France, l’accès aux soins palliatifs n’est pas une
option, mais un droit. Et ce droit est inscrit comme tel dans le code de
la santé publique depuis la loi Kouchner de 1999. Et tous les Français
qui le souhaitent doivent pouvoir en bénéficier.
Aujourd’hui, nous en sommes très loin puisque dans un quart des
départements français, l’accès à ces soins est impossible et il y a un
déficit extrêmement important en nombre de lits de soignants, d’unités
de formation et de budget.
Rien n’a été fait pour développer les soins palliatifs et pour faire comprendre aux Français que l’euthanasie n’est pas inéluctable et que d’autres solutions sont possibles.
Selon une enquête de l’IFOP, les Français sont majoritairement pour l’euthanasie et le suicide assisté. Comment l’expliquez-vous ?
C’est très simple. Si vous laissez aux gens atteints d’une maladie
très grave, le choix entre souffrir sur un lit d’hôpital pendant un
certain temps en attendant que la mort arrive et la possibilité
d’arrêter les souffrances en demandant l’euthanasie, ils choisissent
automatiquement l’euthanasie. Ce qui est normal, personne n’a envie de
souffrir pendant une durée indéterminée.
À cela s’ajoute, le débat de notre société contemporaine sur l’utilité
d’une vie humaine quand elle est affaiblie. Considérer qu’une vie
humaine affaiblie ne sert à rien est pour moi une erreur terrible et une
faute morale profonde.
Cependant, si vous posez la question d’une manière différente, c’est-à-dire en leur disant, qu’ils ont, soit la possibilité d’être accompagnés, de soulager leurs souffrances, de vivre leurs derniers instants avec leurs proches et de partir dans la douceur, ou de partir brutalement en se faisant injecter un produit létal, leur réponse sera différente.
Je crois également que la noblesse du politique consiste à ne pas toujours aller dans le sens de l’opinion publique. Il s’agit par exemple, dans le cas précis de l’euthanasie, de mettre en garde les Français sur le fait que la fin de l’interdit de tuer dans le droit français provoquera, à terme, des malheurs et des souffrances considérables.
En son temps, François Mitterrand a aboli la peine de mort alors que les Français étaient contre. C’est tout à son honneur.
Je note par ailleurs, qu’il y a dans ce texte, une forme de contradiction. La France a déployé des moyens considérables pour prévenir contre le suicide étant donné que l’hexagone est l’un des pays européens où il y en a le plus. Je le sais puisque j’ai été entre 2012 et 2017, le représentant du Parlement au sein de l’Observatoire national du suicide. Ce sont des sujets que j’ai traités sur le plan parlementaire et local.
Et en même temps, le gouvernement présente un projet de loi qui
sous-entend que l’on va dissuader une personne qui cherche à se suicider
toute seule. En outre, si elle demande de l’aide à quelqu’un, on va
l’aider et on ne pourra pas l’empêcher.
Où est la cohérence et quel message envoyons-nous à la population ? Nous
avons affaire à une espèce de délire de toute-puissance de ces élites
qui sont parfaitement convaincues d’être dépositaires de la vérité et
qui sont en réalité, seulement capables de s’attaquer aux sujets
sociétaux parce qu’elles ont l’impression de faire quelque chose de leur
vie.
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