Patatras ! Trois jours plus tard, il fallait déchanter, mais en partie car le sérieux restait de mise. Là encore, je vous demande un effort de mémoire-longue, lorsque la priorité passa en l’espace d’au moins 24 heures de la guerre en Ukraine à la guerre pour Taïwan :
« Et bla bla bla... Ce qui était une « Soudain, situation critique » du 25 mai sur notre site, reflétant une situation des 23-25 mai, serait devenue une pseudo-“situation critique”, complètement secondaire pour le Pentagone. Il faut s’y faire, c’est la géostratégie du ping-pong qui n’interdit pas un nouveau changement demain ou après-demain, sur un smah lifté irrésistible. Nous, quand nous suivons un peu l’actualité (le moins souvent possible), nous faisons des titres qui ne valent plus rien deux jours plus tard ; ce n’est pas de la FakeNews, c’est de la JokeNews. »
Voire ... Et quoi qu’il en soit, nous eûmes droit à partir de l’un de ces mêmes jours à un développement proprement dramatique avec une attaque sans conséquence technique et opérationnelle grave, mais néanmoins impressionnante et symboliquement très lourde, contre une énorme station-radar russe de veille avancée destiné à traquer une attaque-surprise d’ICBM ennemis (américanistes-occidentalistes en l’occurrence). J’en ai un peu parlé, surtout pour noter l’agitation importante causée par cette attaque dont tout le monde jugea aussitôt qu’elle était indirectement inspirée par les américanistes, et directement exécutée par les fous-britanniques pour le compte des fous-ukrainiens.
Ce fut donc « un risque colossal », selon le mot d’Alexander Mercouris, observateur toujours attentif et sans conteste l’un des meilleurs. Je terminai par une péroraison à réveiller un zombie en état de mort galopante :
« Ainsi, le cercle est-il en train de s’agrandir et l’attaque d’Armavir, par le fait qu’elle s’attaque à des éléments des forces stratégiques russes, constitue la démonstration implacable que les Russes ne pourront en aucun cas accepter une Ukraine qui ne soit pas complètement neutralisée et hors de l’influence US. La preuve est faite qu’on peut en effet, à partir de l’Ukraine, toucher des points vitaux du système de sécurité central de la Russie. Il s’agit bien, pour la Russie, d’une guerre existentielle qu’il n’est pas question de perdre. »
Une autre attaque, ou plutôt tentative d’attaque du même genre, contre une autre station-radar du même réseau stratégique nucléaire eut lieu et l’on entendit Poutine, lors d’une conférence de presse alors qu’il était en déplacement, émettre quelques propos menaçants. Dans un texte sur cette affaire, John Helmer, excellent commentateur américain-indépendant à Moscou, rapporta avec son ironie coutumière des précisions qui ne sont pas sans intérêt. J’en extrais ces déclarations d’un analyste militaire (russe) à la retraite, – et je vous demande de retenir surtout la dernière phrase, qui semble bel et bien représenter l’avis des chefs militaires et autres dirigeants de la sécurité nationale russe, – comme l’inusable Medvedev bien entendu :
« Un analyste militaire à la retraite de Moscou met en garde contre l’exagération, non pas des attentats eux-mêmes, mais du pouvoir de Poutine de décider des conditions de la fin de la guerre malgré l’opposition de l’état-major et du nouveau ministère de la Défense. “Il est évident que les Ukrainiens ont réalisé une série de percées réussies”, reconnaît la source, “ – contre les navires, les aérodromes, les raffineries et maintenant ce site radar. Nous comprenons également qu’il ne s’agit pas des Ukrainiens : toute la sélection, l’identification, le guidage et le matériel des cibles sont américains ou européens. Nous ne savons pas où se trouve le contrôle-commande de ces sites de lancement, mais il se pourrait bien que ce ne soit pas en Ukraine”.
» “Mais la réponse russe ne sera pas nucléaire. C'est impossible. Il existe mille options entre ne rien faire et passer au nucléaire, et nous pouvons être sûrs que l’état-major travaille sur chacune d’elles. Ainsi, quand les gens disent qu’il s’agit d’une provocation en faveur d’une frappe nucléaire et que [le président ukrainien Vladimir] Zelenski la provoque, nous comprenons que, premièrement, les planificateurs de l’OTAN savent que Poutine ne se lancera pas dans l’arme nucléaire parce que lui et ses généraux sont trop rationnels et sensés. Et deuxièmement, ce n’est pas Zelenski qui fait les provocations. La véritable ligne rouge aujourd’hui ne réside donc pas dans les provocations nucléaires de la part de l’OTAN. C'est un de leurs fantasmes. C’est pourquoi je pense qu’il est temps pour Poutine de cesser de proférer des menaces et de s’attaquer à la source de ces opérations”. »
L’intervention est extrêmement musclée et elle se reflète dans d’autres prises de position plus ou moins publiée, plus ou moins mises en évidence. Elle envisage d’une façon très claire des interventions russes hors d’Ukraine sans la moindre nécessité de passer au fantasme nucléaire qui agite les esprits du type-Sikorski. (On pense, je l’imagine, au terrrible et terrrifiant hypersonique en tant que “dissuasion active”.)
... C’est alors que l’on commença à noter que les divers porte-paroles américanistes en charge de la politique de sécurité nationale mettaient nettement et assez nerveusement la pédale douce. (Voir et écouter Mercouris le 29 mai.) Et bientôt nous vint la confirmation de la nervosité du DeepState, qui semble commencer à juger de plus en plus irritante la liberté que prend l’Ukraine avec les consignes de son tuteur.
Il s’agit d’un article du Washington ‘Post’, organe bien connu pour avoir été acquis par Jeff Bezos sur des fonds provenant d’un marché passé avec la CIA, l’ensemble (sources de référence et références sourcées comprises) se situant autour de 600 $millions livrés avec la célérité d’une commande passée à Amazon... RT.com en fit une bien grande publicité, parlant effectivement d’“agacement”, sinon d’“énervement” et de “préoccupation”.
« Les attaques ukrainiennes présumées contre les radars nucléaires russes inquiètent les États-Unis - WaPo
» Kiev aurait tenté d'endommager des stations radars russes conçues pour détecter les ICBM. »
« Les informations selon lesquelles l’Ukraine aurait attaqué les premières stations russes d’alerte aux missiles balistiques inquiètent les partisans américains du pays, selon le Washington Post mercredi.
» La semaine dernière, des sources ukrainiennes ont affirmé que deux opérations avaient été menées contre des installations russes à longue portée destinées à détecter les lancements de missiles balistiques intercontinentaux. Le ministère russe de la Défense n’a pas commenté cette affirmation. Les images partagées en ligne suggèrent qu’au moins une des attaques a causé des dégâts.
» Dans un communiqué publié samedi, le sénateur Dimitri Rogozine, ancien directeur de l'agence spatiale russe Roscosmos, a déclaré que Moscou devrait tenir les États-Unis pour responsables de ces attaques si elles étaient menées par l'Ukraine. Washington “a embauché un bandit téméraire, qui tente d'endommager... un élément clé de notre système de contrôle de combat des forces nucléaires stratégiques”, a-t-il déclaré.
» Un responsable américain a déclaré au Post que Washington était “préoccupé” par cette nouvelle, car “la Russie pourrait percevoir que ses capacités de dissuasion ont été visées”. S’exprimant sous couvert d’anonymat, la source a ajouté : “Ces sites n’ont pas été et ne sont pas impliqués dans le soutien à la guerre de la Russie contre l’Ukraine”... ».
Donc, pas touche, les Ukredingues... Ainsi en arrive-t-on à une situation où les très-fameux DeepState s’inquiète pour la bonne marche des systèmes de dissuasion de la Russie et entend qu’il en soit de même, – je parle de l’inquiétude, – pour les dirigeants ukrainiens.
C’est donc, si je ne me trompe, un argument décisif apporté à Poutine pour justifier son jugement impératif sur l’illégitimité de Zelenski à la place qu’il prétend encore occuper, – son mandat courant jusqu’au 21 mai et n’ayant pas été renouvelé, – et en faveur de la manœuvre qui consisterait à revenir à un président Ianoukovitch (évincé en 2014 et réfugié en Russie) comme président intérimaire lors de la préparation de nouvelles élections... Nous reviendrions à l’accord signé entre Ukrainiens, Allemands, Français et Polonais dans la nuit du 21 février 2014, sous le regard chaleureux des Russes, et qui tint quelques heures jusqu’aux événements sanglants du Maidan.
Comme disait à peu près Marx, selon qui l’histoire se répète toujours deux fois,
« La première fois comme une tragédie, la seconde fois comme une farce. »
Pour moi, le fait même de cette répétition est en soi une tragédie-bouffe, car rien n’est tout à fait tragique aujourd’hui, dans cette époque étrange, si l’on porte un regard vrai sur cette tragédie qu’elle déploie pour nous, où l’homme est impliqué ô combien, – pour y distinguer cette petite touche de bouffe à nulle autre pareille. Si nous ne sommes fous, nous sommes bouffes sans aucun doute...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.