11 avril 2024

L’inutilité des rites

La plupart des développement indiens du Bouddhisme attachent une importance considérable à la magie. Les rites magiques et tantriques se sont également développés au Tibet. Ils sont inexistant dans le Chan pur. Les sectes japonaises du Zen ont néanmoins réintroduit de nombreux rituels.
Dans l’esprit des Eveillés, tout rituel, toute pratique magique ou tantrique nuisent à la délivrance humaine. Ils indiquent que le mental est prisonnier de fausses valeurs par l’établissement de distinctions et de préférences dans le domaine où elles sont précisément le plus interdites.

Le "satori" ou expérience du Réel se réalise d’instant en instant.

L’école Sud du Chan insiste sur son caractère soudain, inattendu, spontané.

Une préparation minutieuse élaborée par le mental crée une tension intérieure nuisant à la spontanéité de l’expérience. Une attente subtile et secrète de l’inconscient paralyse toute possibilité de surgissement.

Pour cette raison les maîtres du Zen (Chan) insistent sur le fait que l’obtention du Satori peut être réalisée en toute occasions. Le salut se trouve dans les choses ordinaires de la vie quotidienne. L’existence en général cesse d’ailleurs d’être partagée entre les choses "ordinaires" et d’autres qui seraient "extraordinaires".

L’expérience ultime peut être apportée par un événement prosaïque comme la chute d’une pierre que par la vue d’une jolie fleur ou la contemplation d’un soleil couchant. L’attitude d’approche intérieure d’un événement est beaucoup plus importante que les circonstance extérieures.

"Toute perception est une occasion de Satori", nous disent les maîtres du Zen (Chan). Mais cette occasion ne peut être saisie si l’esprit est conditionné par un rituel quel qu’il soit ou par une attente quelconque.

La position dépouillée du Zen vis-à-vis des dogmes, des rites et des Ecritures est exposée dans les "Quatre maximes" qui le définissent comme :

- Une transmission orale en dehors des Ecritures.

- Aucune dépendance à l’égard des mots et des lettres.

- Se diriger directement vers l’âme de l’homme.

- Contempler sa propre nature et réaliser l’état de Bouddha ".

Il est évident que tout rituel implique une préparation, une recherche, un entraînement, une attente engendrant une attitude de tension spirituelle.

La spontanéité et le caractère de jaillissement du "Satori" sont totalement incompatibles avec de telles attitudes intérieures au cours desquelles, loin de disparaître, les résistances du "moi" se renforcent sur le plan de l’inconscient.

Source : Robert LINSSEN, "Bouddhisme, Taoïsme et Zen". (L’auteur précise : "Les enseignements auxquels nous nous référons se rapprochent d’avantage du Chan chinois que des formes actuelles du Zen japonais".)


Dans leur livre, "Qu’est-ce que le bouddhisme ?", Jorge Luis BORGES et Alicia JURADO rappellent que :

Le maître Te-Shan ne pria jamais, ne demanda jamais le pardon de ses fautes, ne vénéra jamais l’image du Bouddha, ne lut jamais les écritures et ne brûla jamais d’encens. De tels actes étaient, à son avis, d’inutiles formalités ; seule l’intéressait l’incessante et intense quête mystique.

Venus on ne sait d'où, écrits on ne sait quand, "Les propos du vieux Tcheng" affirment ceci :

L’esprit originel a toujours été présent sous vos yeux. Vous n’avez rien à acquérir pour le voir car rien ne vous a jamais manqué pour cela. Si vous en êtes incapables c’est à cause de votre incessante jacasserie avec vous-même et avec les autres. Vous passez votre temps à supposer, comparer, supputer, commenter, développer, expliquer, justifier et citer ce que vos petits esprits ont retenu et cru comprendre des Écritures et des paroles de vieux bavards tels que moi, de préférence celles de ceux à qui on a donné une fois morts, une telle autorité qu’elles ne sauraient plus désormais être mises en doute. Dans ces conditions comment pouvez-vous espérer voir l’esprit originel dans son instantanéité ?
 

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