Introduction faite, qu’on me permette un retour en en arrière. Hier, d’ailleurs, on en a déjà parlé, par exemple lorsque j’ai cité le nommé Ledeen. Un simple rappel, qui doit notamment indiquer la brutalité du propos puisque, en essence, Ledeen faisait un parallèle entre la campagne irakienne qui venait d’avoir lieu au printemps 2003 et celle qu’il proposait de poursuivre en Iran, dans le même style :
« Il y a un peu moins d’une quinzaine d’années (on délimite cette période sur 2006-2008), s’ouvrit au large de l’Iran une longue séquence d’affrontement. Elle faisait partie des conceptions ‘neocons’ pour lesquels Bagdad était une étape acceptable, mais pour lesquels finalement, – selon une phrase fameuse de Michael Ledeen , ‘neocon’ fameux pour ses innombrables chemins détournés, affaires tordues, constructions complexes et visions pleines de champs de différentes orientations, – homme pour qui, Ledeen,
» — Les vrais hommes ont pour plus sérieux et plus important objectif de conquérir Teheran. »
Quelle que fût l’absurdité de la remarque, à mettre en parallèle de conquête deux pays aussi différents en puissance que l’Irak et l’Iran (mais après tout, ces deux pays s’étaient affrontés pendant dix ans, en 1980-1990, avec l’Iran encore dans le désordre de sa révolution), la brutalité du propos était bel et bien là : l’attaque de l’Iran serait de même facture que celle de l’Irak, une attaque selon la tactique dite “Shock & Awe” (dite aussi “politique de l’idéologie et de l’instinct” d’une façon plus satisfaisante que les ronds-de-jambe de Wiki, renvoyant à notre concept de politiqueSystème).
C’est ainsi, comme rappelé hier, que les USA (les ‘neocons’ à la Maison-Blanche) envisageaient eux-mêmes une campagne, au grand dam de l’US Navy qui faisait traîner ses “porte-avions volants” dans de nombreuses escales sur le chemin de l’Océan Indien. Finalement, l’affaire n’eut pas lieu, car il n’y a rien de plus têtu, croyez-moi, qu’un marin qui a décidé faire manœuvrer son navire sur babord alors qu’on lui demande (ordre supérieur du pouvoir politique, – mais donc, qui est “seul maître à bord après Dieu ?”) de virer tribord.
Quoiqu’il en soit, dans mon esprit comme dans celui de nos grands esprits (pour Sarko, en août 2007, l’Iran était la crise la plus dramatique du siècle), l’Iran serait une tempête encore plus terrible que celle de l’Irak si elle avait lieu, et le pays littérairement réduit en cendres. Tout cela ne pouvait résulter fort bruyamment qu’au cours et à la suite d’une d’une campagne de quelques 4-5 jours du type “Shock & Awe” et on n’en parlerait plus. Bien entendu, les Israéliens seraient de la fête et montreraient toute la grandeur de leur galopade humanisto-massacreuse censée emporter toute la région pour la mettre sous sa coupe, sous les applaudissements des ‘neocons’.
Eh bien... Pas du tout, n’est-ce pas ? La guerre Israël-Iran a bel et bien lieu, au contraire de celle de Troie de monsieur Jean Giraudoux, en ce moment, sous nos yeux, mais ce n’est pas du tout celle que l’on attendait. Rengainez vos déceptions et votre rancune, le destin est maître de nos diverses destinées c’est bien connu.
La tortue iranienne nous laissé sur placeCar en effet, et alors, s’est produit l’imprévisible, l’impensable, l’indicible : l’Iran, ce peuple si complètement arriéré sur nous de quelques millénaires d’empire, s’est mis au travail pour développer une exceptionnelle panoplie de missiles de diverses fonctions, de systèmes électroniques, de divers projets aériens, navals, terrestres et autres, puis à les produire avec brio et discrétion, à les amasser, à atteindre une superbe productivité, pour finalement tenir ses harceleurs civilisés sous des essaims et des vols terribles de menaces que nul n’attendait. La tortue, la garce, avait profité des saut de cabri du lapin, pour faire avancer ses pions.
Les forces américanistes en eurent un avant-goût après la liquidation de Soleimani qu’ils effectuèrent en janvier 2020 dans le plus pur style d’Al Capone, et ils se le tinrent pour dit, évacuant en vitesse et en catimini des dizaines et des dizaines de blessés recueillis dans leurs bases irakiennes frappés par les Iraniens vers les hôpitaux de Ramstein... Puis nous avons eu l’échange – attaque israélienne de l’ambassade iranienne à Damas, riposte notablement plus impressionnante que nous le dit notre presseSystème des Iraniens, puis à nouveau attaque israélienne contre l’Iran qui n’a rien pour réduire l’Iran en cendres.
Autrement dit, nous en sommes à une “guerre d’attrition” aérienne bien plus qu’aux performances olympiques des ‘neocon’, mais une “guerre d’attrition” où il est bien possible que les Iraniens nous présentent des capacités nouvelles et inattendues. Bien qu’il doute un peu des affirmations du ‘Financial Times’ selon lequel l’Iran et ses alliés ‘proxy’ sont installés sur des « dizaines de milliers de missiles et de drones divers » qui étoufferont totalement les capacités de défense israélienne, notamment en réserves de missiles de défense aérienne (syndrome ukrainien), Alexander Mercouris remarquait après le premier raid iranien sur Israël :
« Certainement, si ce que disent les Iraniens à propos des résultats de leur attaque, est vrai et nous en avons vu des photographies qui le suggèrent, alors les Iraniens ont démontré des capacités qui ne concernent pas l’Iran par rapport au seul Israël mais qui posent des questions d’une nature géopolitique qui devraient inquiéter Washington et les pays de l’Ouest collectif. »
Autrement dit, les Iraniens ont montré qu’ils ont des capacités, quoique d’une autre forme, au moins égales sinon supérieures à celles d’Israël, qui rendent la domination d’Israël sur la région absolument aléatoire et mettent même en question la capacité de forces extérieures (US) d’aider efficacement Israël. Mercouris songeait, à cet égard, au développement de missiles iraniens hypersoniques dont on sait qu’ils ne sont pas les amis des grandes porte-avions US d’attaque ; mais il pouvait aussi songer aux capacités de frappe iraniennes contre des centres nucléaires israéliens, qui dispensent de la charge de la bombe dont Israël a une certaine quantité
Brusquement alors, la guerre avec l’Iran que nous envisagions depuis vingt ans, depuis trente ans, depuis près de cinquante pour certains (depuis la chute du Shah), par ‘proxyx’ interposés qu’on liquide ensuite (c’est plus sûr et ça peut rapporter gros), ou directement par soi-même comme Israël s’imagine en train de le faire, cette guerre-là prend une toute autre allure.
Que se passe-t-il ? Simplement que l’Iran nous apparaît soudain, après quelques engagements rapprochés qui en suivi d’autres, aussi différente que la Russie nous apparaît après deux ans d’Ukraine : capable de s’imposer dans une féroce guerre d’attrition et d’envisager ainsi la liquidation de la domination israélienne de cette grande région stratégique sans pour autant déclencher une crise universelle en appelant aux mannes de ce que les Russes nomment pour leur compte la Grande Guerre Patriotique.
... Et, pendant ce temps-là, pour ceux qui encore un peu de temps à perdre, imaginez ce que deviendrait Israël, avec l’un ou l’autre Premier ministre poursuivi par la justice, ses bandes d’extrémistes bibliques en marche pour remonter le temps, cette atmosphère de discorde civile que les fondements mêmes de cet État ont posés en n’étant justement pas un État selon les normes du concept.
Cela fait maintenant près de vingt ans que Netanyahou et ses bandes courent derrière une guerre contre l’Iran, qu’ils espèrent d’anéantissement final pour que la région tombe sous la domination absolue d’Israël en attendant le Messie. Il semble y être parvenu, – à la guerre, je veux dire, – et cela n’est pas exactement ce qu’il l’attendait qui l’attend. Les voies du Seigneur, – le vachard !, – sont vraiment impénétrables.
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