Après quelques mois d’un plus grand intérêt, on n’a plus guère de Robert Fitzgerald Kennedy Junior (RFK Jr.), fils de Robert Kennedy assassiné en juin 1968 (avec peut-être une renouveau ces jours-ci ?). On n’a pas raison pour autant, car il pourrait jouer un rôle important qui ne se mesurerait pas en hypothèses de qui sera élu et qui ne le sera pas, mais plutôt dans ce que serait son rôle si l’élection aboutissait à une impasse au niveau des Grands Électeurs. (On sait qu’un président n’est pas élu par votes populaires mais par le vote des Grands Électeurs de ce qui est nommé le Collège Électoral désignés par les votes populaires, – et il faut en avoir au moins 270+1 pour l’emporter).
Un texte récent, du 11 février de Pippa Malmgren sur le site ‘Unherd’ (via Bruno Bertez en français, repris par ‘Réseau International’) nous explique comment cette situation inédite pourrait faire resurgir RFK, même sans résultat électoral notable, dans un rôle essentiel. Malmgren nous explique divers aspects de cette situation qu’on retrouve dans son texte en entier. Pour ce qui nous concerne dans l’immédiat qui est le complet bouleversement des techniques de vote qui ne dépendent plus des habituelles méthodes de promotion et de présence médiatiques classiques, elle explique ceci qui expose les révolutions successives qui se sont succédées à une vitesse extrêmement rapide dans la technique du vote :
« ... [N]ous analysons toujours 2024 à travers les cadres de 2020 et 2016. Nous aimons prédire l’avenir en regardant dans le rétroviseur. Mais il existe une meilleure façon de comprendre ce qui se passe. La technologie joue un rôle énorme dans la définition de la présidence. La façon dont nous observons la course détermine qui va gagner. Bill Clinton et George W. Bush ont été les derniers présidents à avoir gagné à la télévision. Obama a gagné sur YouTube à une époque où peu de gens comprenaient ce que le site Web pouvait faire. Trump a mobilisé une campagne sur Twitter alors que la plateforme était encore une nouveauté pour la plupart des Américains. Aujourd’hui, le champ de bataille médiatique a encore changé, la plupart des jeunes électeurs ne regardant plus les médias grand public et s’appuyant plutôt sur des plateformes alternatives telles que Joe Rogan. Son interview en podcast avec Kennedy a été vue en direct par 30 millions de personnes, éclipsant ainsi le grand public. En comparaison, moins de 10 millions de personnes ont regardé le deuxième débat républicain à la télévision. Nous assistons à la première présidence du podcast, avec Instagram dans un rôle de soutien. Ce sont les meilleures façons de suivre cette course. “Nous assistons à la première présidence podcast”. »
Donc, par ailleurs, Malmgren nous a indiqué les diverses situations possibles, dont celle d’une impasse par absence de victoire décisive à cause du climat de haine régnant partout autour de Biden et de Trump, qui fait que des Grands Électeurs du parti de l’un ou de l’autre pourraient, comme ils en ont le droit, représenter effectivement leur parti mais refuser de voter pour le candidat désigné. (Ce sont des votes dits ‘uncommited’, et l’on peut juger de façon raisonnable qu’il y aura un certain nombre, qui serait un nombre inhabituellement élevé. Biden a eu un avant-goût de cela avec les votes démocrates dans un des États du ‘Super Tuesday’ ou autour de 100 000 votants démocrates s’étaient déclarés ‘uncommited’ : leurs votes allaient au candidat démocrate [Biden] mais sans le vouloir ni le désigner explicitement.)
S’il y a effectivement blocage du Collège Électoral s’ouvre alors une séquence extrêmement complexe, dite “contingent election” essentiellement devant le Congrès, avec diverses tractations habituelles au monde politique américaniste. Là aussi, on trouve dans le texte de Malmgren diverses explications et élaborations de ce que l’auteure désigne comme une “itération” du système initial, une sorte de “destruction créatrice” pour trouver une autre combinaison des diverses forces en présence et aboutir effectivement à une élection. Le cas n’est pas une exceptionnelle novation puisqu’il y eut un grand nombre de telles occurrences, au XIXème et au XXème siècle. Il s’agit d’un grand chambardement de l’arrangement politique initial, mais il aurait cette fois des effets politiques très importants du fait de l’atmosphère radicale et antagoniste qui règne et des menaces de rupture extrêmement fortes pesant sur un système qui s’est enfermé dans la forteresse du “patri unique”.
Nous allons laisser là cet aspect structurel et constitutionnel de la situation auquel Malmgren s’attache dans une grande partie de son texte, avec un luxe de détails tout à fait intéressants. On aura l’occasion d’y revenir lorsque et si se présentent effectivement de tels avatars en novembre prochain et après. Pour l’essentiel, notre intérêt se porte sur le sort d’un candidat indépendant qui nous intéressés dès le premier jour oû il s’est déclaré, RFK, du rôle qu’il peut jouer dans cet imbroglio, et de la façon dont il peut être amené à faire alliance avec un des grands candidats, en l’occurrence Donald Trump.
RFK et “L’Indicible”
Nous avons déjà évoqué la réelle possibilité d’une proximité entre Trump et Kennedy, du point de vue politique fondamental d’une puissante action contre le système actuel, – ou le Système tout simplement, – ce qu’on nomme également le DeepState. Ainsi écrivions-nous le 23 juin 2023 :
« En fait et quelles que soient leurs arrière-pensées, leur habileté, leurs perceptions, les deux hommes sont unis par un défi qu’ils ont été conduits à lancer : s’attaquer de toutes leurs forces à ce qu’on nomme le DeepState, – dans tous les domaines, sociétaux, économiques, sécurité nationale, impérialisme, etc. C’est cela qui porte leur popularité, leur effet sur le public, avec une caisse de résonnance d’une puissance presque magique comme l’est Carlson. Tous les éléments se rassemblent, comme pour compléter un gigantesque puzzle qui se nomme GrandeCrise, pour faire des présidentielles de 2024 un fantastique accélérateur de la crise d’effondrement du Système et de notre civilisation. »
Malmgren va exactement dans le même sens, étant entendu qu’il est pour Kennedy hors de question de se tourner vers le parti démocrate, – Biden ou pas Biden, – qu’il a quitté avec fracas en ayant constaté la façon dont ce parti s’employait à l’éliminer de toute possibilité de participer à la course à la présidence. Par ailleurs, Kennedy a déjà mesuré l’effroyable situation idéologique et de corruption où est tombé ce parti dont son oncle et son père furent les figures de proue avant d’être assassinés dans les conditions qu’on sait.
Malmgren développe donc cette même possibilité d’une collaboration Kennedy-Trump, avec les deux possibilités que l’un ou l’autre devienne président au terme du labyrinthe de cette très auguste “contingent election”...
« Trump et Kennedy sont remarquablement proches en matière politique. Tous deux sont hostiles à Washington ; tous deux veulent arrêter les guerres éternelles. Tous deux soutiennent les entrepreneurs et souhaitent mettre un terme à la mainmise des entreprises sur le processus réglementaire. Tous deux souhaitent transférer le pouvoir de Washington vers les États sur toutes les questions, y compris la plus grande question sociale de cette élection, à savoir le droit à l’avortement. Ils ont quelques différences : Kennedy est un écologiste engagé tandis que Trump dirige le mouvement “Drill, Baby, Drill”. Mais Kennedy affirme déjà que Trump lui a demandé de se présenter à ses côtés. Si Trump gagne, il est possible qu’il fasse entrer Kennedy dans son administration, peut-être pour lancer l’attaque contre le processus réglementaire, un sujet si détaillé que Trump ne s’y intéresse guère. De même, si Kennedy remportait une élection conditionnelle, il sait que les partisans de Trump contesteraient la légitimité de son mandat présidentiel. Une solution simple serait d’inviter Trump au sein du gouvernement, en faisant siennes ses vantardises selon lesquelles il pourrait “résoudre la guerre en Ukraine en un jour” et de le laisser gérer cette horrible question de politique étrangère. »
Sur ce point des attributions de l’un et de l’autre selon leurs positions respectives, et puisqu’ils est posé qu’ils sont faits pour s’entendre, nous diffèrerions avec l’auteure sur le point de ce qui pourrait être confié à un Kennedy par un Trump victorieux, nous diffèrerions sur la prévision de Malmgren (confier à Kennedy « l’attaque contre le processus réglementaire, un sujet si détaillé que Trump ne s’y intéresse guère »). Nous avons du mal à distinguer ce que recouvre exactement l’expression de “regulatory process” qui est proposée. Par contre il y a un domaine où les deux hommes ont une bataille commune à livrer, et certainement la plus rude : l’attaque contre le système de sécurité nationale, qui eut raison de John et de Robert Kennedy et qui s’opposa avec la plus extrême violence à Trump en 2016... Mais peut-être cela est-il compris dans l’expression « Tous deux sont hostiles à Washington », bien plus que dans « processus réglementaire ».
Nous avons très fortement pris en compte l’élément du DeepState, de l’appareil de sécurité nationale lorsqu’il fut question de Robert Kennedy Junior sous notre plume. C’est que nous pensions et pensons toujours que, outre les arguments rationnels qui poussent RFK vers la politique, il existe un puissant motif moral et personnel qui est le souvenir de l’assassinats de John et de Robert, et le désir de vengeance et de justice qui l’anime. Ainsi écrivions-nous longuement, le 7 avril 2023, lorsqu’il annonça son intention de se présenter à la présidence :
« ... Car j’avoue finalement qu’un seul détail m’a tout entier attaché à l’événement de la candidature de Kennedy, quelle qu’en soient le destin, la dimension politique-politicienne, l’apport de désordre qu’elle pourrait développer dans la situation général, ou bien l’abysse de silence et de censure où elle pourrait sombrer dans les manœuvres de la corruption de la direction du parti démocrate, – et ce détail qui m’a arrêté est de l’ordre de la métahistoire. Il concerne, – naturellement dirais-je, car sa candidature nous ramène à la tragédie, – ce que RFK Jr. croit à propos des deux assassinats de son oncle et de son père. Pour ce cas et ces quelques lignes, Wiki est une source acceptable :
» “Concernant l'assassinat de John F. Kennedy, il a déclaré que son père était “nettement convaincu” que Lee Harvey Oswald n'avait pas agi seul et qu'il pensait en privé que le rapport de la commission Warren était un “travail de piètre qualité”. Selon Robert F. Kennedy Jr en janvier 2013 : “À ce stade, je pense que les preuves sont très, très convaincantes et qu’il ne s’agit pas d’un tireur isolé”. Le livre ‘JFK et l’Indicible’ a été reconnu comme très pertinent par Kennedy, qui a déclaré qu’il l’avait poussé à visiter Dealey Plaza, le site de l'assassinat de son oncle, pour la première fois.
» “Kennedy ne croit pas que Sirhan Sirhan soit responsable de l'assassinat de son père, Robert F. Kennedy, et il s’est rendu à la Richard J. Donovan Correctional Facility, à San Diego, en décembre 2017 pour rencontrer Sirhan. Après cette rencontre, il s’est dit convaincu qu’il y avait eu un deuxième tireur et il a donné son soutien à une nouvelle enquête sur l'assassinat. »
» Ce qui m’arrête, outre les convictions de RFK Jr. sur les assassinats, c’est la référence qu’il fait au livre ‘JFK et l’Indicible’ de James W. Douglass (éditions Demi-Lune, septembre 2013, pour la version française, voir le Wiki, acceptable, pour la version US). Ce livre est également considéré comme le meilleur sur l’assassinat de Dallas par le metteur en scène Oliver Stone, qui a notamment tourné le film ‘JFK’.
» L’accès à ce livre m’avait beaucoup apporté et il y a eu plusieurs articles sur ce site où il y est fait référence, et essentiellement lors de sa parution. Douglass, qui est un théologien, s’appuie pour sa réflexion métahistorique sur les travaux d’un moine trappiste qui commenta ces affaires dans les années 1960 et écrivit à ce propos malgré les entraves du Vatican et les difficultés rencontrées dans le monde de l’édition. Je notai ceci dans l’article sur le livre, du 22 novembre 2013 :
» ...[“U]n moine trappiste de l’abbaye de Gethsemani dans le Kentucky, Thomas Merton, qu’il désigne comme “le plus grand écrivain religieux de sa génération”. (Douglass compare en importance ‘La Nuit privée d’étoiles’, l’autobiographie de Merton, aux ‘Confessions’ de Saint Augustin.) Malgré les réticences très affirmées de sa hiérarchie, Merton suivit très précisément les événements de la fin des années 1950 et des années 1960, surtout dès le moment de l’arrivée de Kennedy, et en informa divers correspondants au travers de publications personnelles ronéotypées puisqu’il était interdit de publication, comme une sorte de samizdat...” »
Malmgren termine sur une sorte d’hymne à la vertu, curieusement en opposant « deux anciens politiciens » arrogants (Trump, “ancien politicien ” ?) aux politiciens indépendants dont elle attend « toute l’énergie politique créatrice » qui va révolutionner l’Amérique. C’est faire montre d’une audace bien conformiste, tant il est vrai que cette ”énergie créatrice” ne peut venir, dans le schéma envisagé, que de l’union d’un de ces “anciens politiciens” avec un “politicien indépendant” animé surtout d’un esprit de fureur contre la machinerie qui ne cherche qu’à abattre cet “ancien politicien” comme elle a assassiné son père et son oncle.
Par conséquent, un conseil au futur président Trump élu de justesse (hypothèse) après un formidable imbroglio parlementaro-constitutionnel : nommer JFK pour occuper la fonction créée pour lui de super-DNI (super-Directeur du renseignement national), avec mission de liquidation générale, – opération “Écuries d’Augias”, – et le poste de directeur de la CIA pour meubler ses week-ends et faire revivre ses soiuven,irs. C’est dire que ce n’est pas gagné d’avance ; c’est dire qu’au moins, cela déclenchera la guerre civile suivie de la désintégration que tout le monde attend avec impatience comme clou du spectacle.
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