Les dirigeants européens, qui se retrouvent à Bruxelles jeudi (21 mars) pour un Conseil européen, débattront des manières de financer l’industrie de la défense européenne afin de répondre aux besoins des Ukrainiens et d’accroître l’autonomie stratégique du continent.
Les chefs d’État et de gouvernement qui se réuniront jeudi pour le premier jour de leur sommet sont d’accord sur le principe : des fonds supplémentaires doivent être consacrés à l’industrie de la défense. Le programme européen pour l’industrie de la défense (EDIP) est, en ce sens, un bon point de départ.
L’EDIP n’est toutefois doté que d’un financement de 1,5 milliard d’euros, ce qui, pour certains, est largement insuffisant.
Selon le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, et l’Estonie, l’Union européenne aurait besoin d’environ 100 milliards d’euros pour changer la donne. Reste toutefois à savoir d’où pourrait provenir ce financement.
« L’objectif de la discussion est […] de travailler sur des sources de financement supplémentaires, en dehors du budget de l’UE », a déclaré l’Élysée, évoquant des « solutions innovantes ».
Le Premier ministre finlandais Petteri Orpo, dont le pays est connu pour son orthodoxie budgétaire, a ajouté qu’ « il est clair que nous devons financer la défense, renforcer l’industrie [européenne] et aider l’Ukraine ».
Se posent alors les questions de savoir comment trouver plus d’argent, et quels financements existent. Parmi les options possibles figurent l’emprunt européen sur les marchés financiers, l’incitation des grandes banques à financer la production de défense et l’utilisation des revenus des actifs russes gelés en Europe.
Les débats des prochains jours sur l’enjeu du financement seront un test décisif du sérieux avec lequel l’UE veut faire face au renforcement de l’investissement dans la défense, a souligné un diplomate à Euractiv.
« Le texte [sur lequel planchent les chefs d’Etats] ne doit pas être trop ouvert, ce qui signifierait que tout peut être accepté », a déclaré un second diplomate européen, évoquant notamment les « eurobonds« .
L’idée d’impliquer davantage la Banque européenne d’investissement (BEI) dans le domaine de la défense semble aussi gagner en popularité.
Toutefois, si 14 dirigeants ont demandé que la Banque aille au-delà de son mandat actuel, qui consiste à financer uniquement des produits à double usage – applicables autant dans le civil que le militaire – dont la majorité des revenus provient du secteur civil et non du secteur militaire, tous les États membres de l’UE ne partagent pas ce point de vue.
Plusieurs idées sur la manière d’élargir le rôle de la Banque sont en cours de discussion, notamment une réévaluation des définitions actuelles des projets à double usage et la liste des activités exclues, qui interdit la vente d’armes létales.
Des responsables travaillent actuellement sur ces options et attendent que les dirigeants leur fassent part de leurs analyses.
Certains États membres soutiennent également l’idée d’utiliser les bénéfices générés par les actifs russes gelés en Europe pour financer le rétablissement ou la modernisation de la défense ukrainienne, comme l’a proposé la Commission européenne dans le cadre du programme EDIP.
Cette manne pourrait également être utilisée pour financer l’aide militaire à l’Ukraine, selon le projet de législation élaboré par la Commission européenne.
Mais il est trop tôt pour discuter d’une allocation de fonds que les États membres n’ont pas encore décidé d’utiliser ou non, affirment les diplomates.
En revanche, « un consensus se dessine parmi les États membres autour de l’idée de consacrer ces recettes vers le soutien militaire à l’Ukraine », affirme l’Élysée.
La dernière idée en date, lancée au cours des derniers mois et qui consisterait à mettre en œuvre un système d’emprunt commun par le biais d’eurobonds, peine a voir le jour et aucun accord n’a encore été trouvé.
« Il est peut-être trop tôt », soupire un diplomate européen.
Plusieurs États membres connus pour leur orthodoxie budgétaire – l’Allemagne, le Danemark, la Suède, les Pays-Bas, l’Autriche ou encore la République tchèque – continuent de s’opposer à un nouvel emprunt européen alors que l’heure est à la disette budgétaire et que les prêts contractés dans le cadre des plans de relance ne sont pas encore remboursés.
En outre, ils estiment qu’aucune structure juridique claire n’a été trouvée à ce jour.
Le Premier ministre finlandais s’est donc montré tout à fait prudent : « Nous devons trouver des moyens d’utiliser les instruments dont nous disposons déjà, comme la BEI ou le budget de l’UE », a déclaré M. Orpo, après avoir affirmé que « nous n’avons pas encore décidé de l’utilisation des euro-obligations ».
L’idée de la France d’utiliser les bénéfices générés par les actifs russes pour financer les taux d’intérêt ne semble pas encore avoir convaincu, selon les informations d’Euractiv.
Paris, ainsi que l’Estonie et la Belgique, et le président du Conseil européen Charles Michel soutiennent l’idée, et la Commission devrait présenter une proposition législative au printemps, ont déclaré deux diplomates.
La discussion sur le financement de la sécurité va au-delà de la seule défense et devrait porter au cours des prochains mois sur tous les aspects de la sécurité du continent.
Le projet de conclusions du Conseil européen indique que les dirigeants mandatent les ministres et l’exécutif européen pour « proposer des actions visant à renforcer la préparation et la réponse aux crises au niveau de l’UE dans le cadre d’une approche globale de tous les risques et de l’ensemble de la société, en vue d’une future stratégie de préparation ».
Cette idée fait suite à celle de la Finlande en faveur d’une « Preparedness Union », que le Premier ministre Petteri Orpo avait déjà préconisée, et au mandat donné par la présidente de la Commission à l’ancien Premier ministre finlandais Sauli Niniisto de lui présenter une évaluation de l’état de préparation de l’Union européenne d’ici l’automne.
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