C’est un sujet que nous avons abordé de-ci de-là, selon les occasions, sans en avoir fait le sujet central d’un article. Cette fois, c’est le cas, sans nous attarder aux grotesques et épuisantes catégorisations de Trump (‘fasciste’, ‘dictateur’) datant d’à peu près un siècle et auxquelles s’accrochent désespérément les globalistes et tous les groupes qui suivent cette voie par incapacité de la moindre pensée originale et organisée, par impuissance à accepter les tensions de notre temps pour ce qu’ils sont.
Ces jugements, venus du constat d’une situation politique désespérée par des revers incessants, – de l’Ukraine au populisme, aux révoltes anti-UE, agricoles et autres, etc., – et par une incompréhensibilité radicale du sens et de la puissance de la GrandeCrise sont désormais très majoritairement sinon exclusivement marquées par un aspect pathologique d’une vision simulacre de la situation.Le territoire de la question “y a-t-il un nouveau Donald Trump ?”, – Ttump-2024 par rapport à Trump-2016, – est donc entièrement ouvert à une exploration complètement nouvelle, en tenant pour acquis que l’échec de Trump de 2020 a été paradoxalement pour lui une excellente chose parce qu’il lui a imposé une rupture radicale et l’obligation impérative de complètement renouveler son expérience en s’armant d’un bagage politique et psychologique essentiel. En même tempos, l’aggravation exponentielle de la crise américaniste a imposé la nécessité d’appliquer cette expérience politique et psychologique dans une orientation radicale sinon rupturielle.
Contrôler le parti
Nous allons développer cette analyse en nous appuyant sur le texte du 11 mars de Larry Johnson qui aborde effectivement cette question. Nous commençons par une citation complète du premier paragraphe du texte de Johnson qui introduit un élément que nous ne connaissions pas, qui est très important, qui concerne la prise en main de la structure de direction du parti républicain par Trump. (On a déjà vu quelques éléments hier concernant la situation au Congrès.)
« Deux noms – Michael Whately et Lara Trump [une fille de Trump] – signalent que nous voyons un nouveau Donald Trump. Oui, Whately et Lara Trump sont les nouveaux coprésidents du Parti républicain. La coqueluche de l'establishment, Ronna McDaniel, qui a été un véritable désastre depuis qu'elle dirige le RNC [Republican National Commission], a disparu. Pourquoi est-ce important ? Pendant les campagnes de 2016 et 2020, Trump a ignoré la nécessité de prendre le contrôle du Parti républicain. Il était trop confiant, trop naïf. En remplaçant McDaniel, Trump envoie un message clair : il prend le contrôle de l'appareil du parti. C'est ce que je veux dire quand je pose la question : “Sommes-nous en train de voir un nouveau Trump ?” »
Replaçant la question dans son conteste initial, Johnson accompagne son texte d’une vidéo où il passe plus précisément en revue le Trump-2016. En quelques mots, il rappelle le désastre, qui doit parler immédiatement aux oreilles d’un connaisseur moyen de la politique américaniste, à laquelle des noms tels que Bolton, Mattis, Pompeo s’accordent tellement bien avec le concept de politiqueSystème. Cette fameuse politiqueSystème est l’expression même, en termes furieux de politique d’agression, du marigot washingtonien que Trump-2016 prétendait drainer...
« Le premier mandat de Donald Trump fut un véritable désastre en termes de sélection de personnel de son équipe de direction de la sécurité nationale, sélectionnant John Bolton comme conseiller à la sécurité nationale, avec des choix catastrophiques pour le département de la Justice, le FBI [et aussi bien pour Mattis au Pentagone, Pompeo au département d’État],... »
Construire une vice-présidence
Ensuite, Johnson aborde la question de la vice-présidence (le VP) : qui Trump choisira-t-il ? Outre les divers aspects électoraux sur la popularité, la représentativité, la capacité de communication de la personne choisie pour la campagne, et en mettant à part la question du rôle que jouerait le VP (sans aucun effet politique, comme Pence pour Trump, ou un place prépondérante comme Cheney pour GW Bush ?), se pose la question de l’âge. Trump aura largement dépassé les 80 ans en 2028 et il est très envisageable qu’il décide de ne pas solliciter un nouveau mandat, – tout en laissant ouverte la question de savoir s’il le peut, la Constitution interdisant depuis Franklin Roosevelt plus de deux mandats, mais sans préciser s’il s’agit de plus de deux mandats de suite, ou s’il s’agit de plus de deux mandats en tout [avec interruption entre l’un et les 2 autres, ou entre les trois]. Quoi qu’il en soit, il y a assez d’éléments pour s’interroger de savoir si Trump n’envisagerait pas un VP avec notamment l’âge de la maturité qui lui laisserait beaucoup de temps (possibilité de deux mandats) pour poursuivre sa propre politique.
Johnson prend largement en compte cet aspect et c’est ainsi qu’il nous donne sa préférence, sans indiquer, – par un intentionnellement vague « Les deux candidats dont on parle le plus », – s’il dispose de sources proches de Trump pour qu’on y voit autre chose qu’une simple spéculation. Quoi qu’il en soit, le nom de Gabbard émerge, et c’est là un fait important par rapport au jugement d’un commentateur du calibre de Johnson.
« Nous aurons un autre indice lorsque Trump désignera son candidat à la vice-présidence. Voici ma prédiction. Trump ne choisira pas un membre actif du Sénat ou de la Chambre des représentants. Pourquoi ? S'il faisait ce choix, par exemple le sénateur Tim Scott ou le député Bryon Donalds, il mettrait à rude épreuve la capacité des républicains à prendre le contrôle du Sénat et/ou de la Chambre.
» Soit dit en passant, les perspectives républicaines de prendre le contrôle du Sénat sont excellentes. Deux membres actuels du groupe démocrate, – le sénateur Joe Manchin de Virginie-Occidentale et la sénatrice Krysten Sinema de l'Arizona, – démissionnent et les républicains sont largement favoris pour prendre ces deux sièges.
» Alors, qui Trump choisira-t-il ? Les deux candidats dont on parle le plus sont le Dr Ben Carson et l'ancienne députée démocrate Tulsi Gabbard. Je pense que Carson est trop vieux. Certes, il est plus jeune que Trump, mais le fait d'avoir un autre homme de plus de 70 ans sur le ticket alimentera le mythe des personnes âgées. Je vous laisse donc le soin, à vous les commentateurs, de me dire, ainsi qu'au reste des lecteurs, qui, selon vous, Trump choisira. »
On comprend de qui il s’agit, et rien ne pourrait plus nous satisfaire. D’autre part, les deux personnes que cite Johnson sont actives, sinon activistes dans le même sens que Trump, à la différence pitoyable de Mike Pence. Il y a donc une évaluation politique très précise chez Trump dans ses approches, évaluation qu’il n’avait en aucun cas en 2016 où il s’en remit dans le désordre à des conseils de personnages dont il ne savait rien en profondeur.
En attendant Thermidor
Par conséquent, l’on peut sans le moindre doute avancer que, d’une façon générale, Larry Johnson répond affirmativement à la question “Trump-2024 a-t-il changé par rapport ànTrump-2016 ?”. Cela n’a pas la simple signification d’un élément nouveau et éventuellement stabilisant selon les normes dans le combat pour la présidence, par rapport à 2016 où tout survint par surprise, sans préparation. Nous voulons dire que cela n’a pas la signification de l’ordre succédant au désordre pour rétablir une compétition comme on a l’habitude, – quel que soit le gagnant. Nous dirions exactement le contraire.
Au contraire de 2016, la bataille aura lieu dans la plus grande férocité et ce sera le désordre de la guerre (ou “the fog of the war” ”, si vous préférez), l’impitoyable affrontement. S’il est un élément nouveau par rapport à 2016, c’est donc l’intensité extraordinaire de la bataille à venir parce que cette fois les enjeux seront parfaitement déterminés, les positions idéologiques assez bien définis, les objectifs et conceptions des uns et des autres très justement connues, et reconnues comme absolument irréconciliables sinon par la fureur de la bataille pour enfin vider cette haine réciproque qui marque la politique américaniste. L’impitoyable affrontement ne laissera donc aucune place, ni à la pitié, ni au compromis, ni à l’arrangement. Chacun saura pour quoi il se bat et aura choisi ses troupes en fonction de ces choses bien précises.
Bien entendu, c’est la raison essentielle qui nous fait penser que, quel que soit l’élu, le vainqueur, etc., la bataille ne sera pas terminée, au contraire elle atteindra alors son point paroxystique de rupture en devenant guerre ouverte sous quelque forme que ce soit, sécessions, guerre hybride, coups de force, etc...
James Howard Kunstler nomme cela “an American Thermidor”, selon cette analogie du moment où, n’en pouvant plus, la France se défit avec la violence guillotinatoire qu’on imagine du corset de terreur que les Montagnards avaient refermé sur elle ; comme l’on dirait en français, comme une incantation : “Vienne Thermidor !” :
« Cet événement est connu sous le nom de réaction thermidorienne. Le programme jacobin insensé de terreur et de désordre social est rapidement aboli. Rien de tel ne s’est reproduit jusqu’à l’arrivée des bolcheviks, des maoïstes et des Khmers rouges au XXe siècle, et maintenant, à notre époque, le Parti du Chaos dirigé par “Joe Biden” (ou qui que ce soit derrière lui), avec ses frontières ouvertes, sa soif d’une nouvelle guerre mondiale, sa volonté de censure, ses lois sadiques, ses courses à l’échalote et au sexe, ses mensonges compulsifs et sa destruction maladive de toute norme et de toute limite dans la vie quotidienne.
» L’Amérique se dirige vers sa propre réaction thermidorienne. Elle finira par s’appeler autrement, bien sûr, parce qu’il s’agit d’une époque, d’un lieu et d’un ensemble de circonstances différents. Mais cela semble proche, n’est-ce pas ? Toutes les personnes que je connais ou avec lesquelles je corresponds mentionnent ce sentiment que quelque chose va exploser dans notre pays, et très bientôt. L’air en est imprégné, tout comme l’air est imprégné des signes avant-coureurs du printemps... »
... Ces quelques mots que l’on devrait terminer pour notre compte, et que l’auteur termine évidemment par cette objurgation chuchotée en une interrogation pressante : “L’entendez-vous venir ?”
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