01 février 2024

Quitter l’euro !

 
Par Jean Goychman – C’est en 1992 que le piège tendu de longue date s’est refermé sur la France. Après une campagne longtemps indécise, les partisans de l’euro l’ont finalement emporté. La mise en place de cette monnaie « idéalisée » s’est pourtant faite en dépit du bon sens et nombre de personnalités avaient pourtant mis en garde contre les dangers qu’une telle monnaie allait faire courir à l’ensemble de notre économie.
 

Pour apporter une réponse rassurante, un certain nombre de « garde-fous » avaient été mis en place, histoire de dire « Dormez tranquilles, braves gens, nous avons tout prévu… »On voit aujourd’hui qu’ils ne valaient pas tripette, puisque inapplicables. Qui se souvient encore des fameux « critères de convergence » de Maastricht ? Oubliés depuis longtemps bien que gravés dans le marbre des traités… 

Petit retour historique

En 1763, Benjamin Franklin commença son périple européen par l’Angleterre. Interrogé par le gouverneur de la Banque d’Angleterre (créée en 1694), il répondit que la prospérité des colonies américaines venair de l’utilisation de leur propre monnaie (local scripts) pour les besoins de leur commerce et de leur industrie, qui se trouvaient ainsi financés sans payer d’intérêt à quiconque.

Le gouverneur trouva cela anormal et fit en sorte que l’emploi de la monnaie anglaise soit obligatoire dans ces colonies dépendantes de Sa Majesté.

Voici ce qu’écrit Hong Bing Song dans « la guerre des monnaies »:

« Ainsi, en 1764, ils imposèrent au Parlement britannique l’adoption du Currency Act, interdisant aux colonies d’Amérique d’émettre leur propre monnaie ; les gouvernements locaux devaient, en sus, continuer de s’acquitter de leurs impôts en devises-or et argent envers le gouvernement britannique.

En seulement un an, la situation s‘est inversée, les temps prospères sont révolus, la récession économique s‘est répandue dans les rues où le chômage sévit. {48} Ecoutons Benjamin Franklin parler douloureusement des graves conséquences de cette loi sur l’économie des colonies :

Si l‘Angleterre n‘avait pas privé les colonies du droit d‘émission de la monnaie, créant ainsi du chômage et du mécontentement, leurs membres auraient été heureux d‘ajouter une petite taxe sur le thé et d‘autres produits. L‘incapacité des colons à être investis du pouvoir d‘émettre leur propre monnaie, en s‘affranchissant de façon permanente de Georges III et des banques internationales, est la principale raison de l‘éclatement de la guerre d‘indépendance américaine. »

Ceci aurait dû faire réfléchir les inconditionnels de l’euro. Mais ils n’en avaient cure. Depuis le départ avec le dollar AMGOT, il fallait imposer une Europe « fédérale » et faire une monnaie unique pour tous les pays européens était une priorité absolue, et peu importe qu’elle soit inadaptée à la plupart de ces pays. Il fallait, un point, c’est tout. On allait quand même pas, lorsqu’on veut diriger le monde, se préoccuper des peuples… 

Le danger était parfaitement connu

Dans sa « théorie des zones monétaires optimales », Robert Mundell énonce un certain nombre de conditions préalables nécessaire pour créer avec de bonnes chances de succès une zone monétaire

regroupant plusieurs pays. Elles peuvent se résumer de la façon suivante :

L’opportunité ou non d’adhérer à une union monétaire s’apprécie donc à la lumière des critères élaborés par la théorie et que l’on peut résumer ainsi :
  • Importance des chocs symétriques.
  • Efficacité des mécanismes d’ajustementCaractéristiques structurelles des économies
Mundell distingue un premier cas, dans lequel les taux de change sont flexibles, d’union monétaire. En cas de chocs asymétriques, si la demande se déplace d’un pays vers un autre, elle va entraîner l’apparition de chômage dans le premier pays et d’inflation dans le second. Une dévaluation de la monnaie dans le pays touché permettra alors un rééquilibrage de la situation.

Dans les conditions où une dévaluation de la monnaie ne sera pas possible, seule une mobilité des facteurs à l’intérieur de l’union monétaire plus forte qu’à l’extérieur permettra de contrebalancer l’absence de taux de change flexibles. Par ailleurs, Mundell affirmait également l’importance d’une réelle détermination politique dans la construction réussie d’une union monétaire:

On notera en particulier :

« Dans le monde réel, bien sûr, les monnaies sont principalement l’expression de la souveraineté nationale. La réorganisation monétaire ne sera donc possible qu’à la condition de s’accompagner de changements politiques profonds. » 

La zone euro répond-t-elle à ces critères ?

Non, elle n’y répond pas pour beaucoup de raisons. La première et la plus importante est qu’il n’y a ni fiscalité commune, ni règles sociales identiques. Ensuite, les économies des pays de la zone euro sont très disparates et ces pays sont souvent concurrents entre eux alors qu’ils auraient dû se spécialiser dans certains domaines afin d’optimiser la production. Quant aux changements politiques profonds, ils ne se sont jusqu’à présent traduits que par une avalanche de normes et de réglementations qui, à défaut de faire converger ces économies, n’ont réussi qu’à exacerber une concurrence résultant des différences de charges sociales et d’impôts propres à chaque pays.

Même si, au départ, on aurait pu croire qu’en raison des critères retenus, les choses allaient s’uniformiser et que, dans le type monnaie (dettes émises par les Etats contre intérêt payés) les taux d’emprunt de chaque pays allaient converger vers un taux unique, la crise des subprimes de 2008 a vite démontré le contraire.

L’euro a, de fait, favorisé les économies fortes et handicapé les faibles. Les économies fortes auraient dû voir leur monnaie se réévaluer naturellement alors que les autres auraient dû se dévaluer, leur procurant ainsi un avantage compétitif qui aurait rééquilibré les choses. Ce rêve a vite disparu et laissé la place à une réalité que nous constatons à chaque instant. Les économies fortes de la zone se renforcent en permanence alors que les faibles continuent à s’affaiblir.

Ne pouvant pas dévaluer pour regagner de la compétitivité afin de faire repartir notre production, les pouvoirs publics ne peuvent que distribuer, lorsque la pression sociale monte, que subventions et allègements de charges dont les effets délétères accentueront encore, à terme, ces phénomènes.

Nous avons déjà perdu l’industrie textile, l’industrie mécanique est en régression constante et notre agriculture s’effondre. Jusqu’où allons nous glisser sans réagir ? Nos dirigeants sont-ils prêts à sacrifier l’économie de notre pays pour que la fédéralisation de l’Europe se poursuive quel que soit le coût ? Ils ont déjà sacrifié l’esprit de nos institutions en escamotant le référendum de 2005 qui, justement, portait sur le fédéralisme européen et semblent bien déterminés à aller jusqu’au bout, alors qu’il est plus que temps de quitter l’euro, même si cela ne peut se faire qu’en quittant l’Union Européenne car le traité de Maastricht ne permet pas de quitter l’euro seulement.

C’est l’existence même de notre nation qui est en jeu.
 

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