29 février 2024

Perspectives suprêmes

…On devrait parler d’un “ Trump vs CIA & Co” éventuellement élu en novembre prochain, c’est-à-dire une élection en dépit de l’opposition “CIA & Co”, pour exposer une hypothèse centrale de la vie politique US en 2024, et nullement de Trump en particulier qui reste plus que jamais un « cocktail-Molotov humain » lancé contre l’establishment.

Il s’agit de ce Trump qui a entrepris une chevauchée triomphale dans les primaires, avec une dernière victoire considérable (60% contre 40%), le 27 février, sur sa “rivale” Nikki Haley dans le Michigan qui n’est pas un État où Trump peut prétendre à une grande popularité. Ce démarrage en trombe a transformé les craintes de l’‘État profond’ en une inquiétude proche de la panique.

C’est évidemment dans ce contexte qu’il faut placer un article de ‘Politico’, – une publication en ligne très influente à Washington et relayant souvent des courants officiels, –article manifestement commandité par la “communauté du renseignement”, dont la CIA et le FBI principalement, dans sa démarche anti-Trump,. Ces sources télécommandées décrivent une offensive terrifiante d’un éventuel président Trump-2.0. contre leur communauté.

« L’ancien président américain Donald Trump est “susceptible” de lancer des réformes radicales de la communauté du renseignement américain s’il est réélu en novembre, suscitant les inquiétudes des agences qui l’accusaient autrefois sans fondement de liens avec la Russie.

» Politico a interrogé 18 responsables du renseignement – dont plusieurs anciens nommés par Trump qui se sont ensuite révélés ses critiques virulents – dans un article publié lundi, avertissant qu’une éventuelle purge pourrait “saper la crédibilité du renseignement américain”.

» “Trump a l’intention de s’en prendre à la communauté du renseignement”, a déclaré un ancien haut responsable du renseignement. “Il a déjà commencé ce processus et il va le poursuivre. Une partie de ce processus consiste à expulser les gens et à les punir”.

» Le nouveau président remplacerait “les personnes perçues comme hostiles à son programme politique par des loyalistes inexpérimentés”, a résumé Politico pour décrire les affirmations des critiques de Trump.

» Les deux personnes spécifiquement citées étaient l’ancien directeur par intérim du National Intelligence (DNI) Richard Grenell et son assistant Kash Patel, qui ont joué un rôle clé dans la déclassification des documents sur les origines du Russiagate.

» Parmi les autres personnes nommées par Trump devenues critiques interviewées dans l’article figurent l’ancien conseiller à la sécurité nationale John Bolton et Fiona Hill, l’une des principales conseillères pour la Russie au Conseil de sécurité nationale – et témoin contre Trump lors de son procès en destitution à propos de l’Ukraine. »

Politico’ a voulu tout de même glisser un bémol (de taille), – mais un bémol parmi tant d’autres, – dans cette crucifixion du président Donald Trump 2016-2020. Pour cette démarche, il rappelle notamment et essentiellement le montage grotesque et rocambolesque, qui plus est réalisé d’une façon d’amateurs arrogants, que fut et reste (on parle de la relancer !) l’affaire abracadabrantesque du ‘Russiagate’.

Il rafraîchit la mémoire de ceux qui ont des difficultés à remonter en-deça de la scintillante présidence de Joe Biden, pour comprendre un tant soit peu le défilé fou des événements aux USA, dans la phase crisique actuelle... Que les lecteurs en fassent leurs choux maigres pour nuancer a minima le jugement de condamnation sans appel que l’esprit du temps, dans ses sphères dirigeantes américanistes-occidentalistes, fait de Donald Trump avec l’arme argumentaire principale de l’anathème hystérique.

« Politico a reconnu que l’hostilité de Trump à l’égard de la communauté du renseignement était liée au tristement célèbre document affirmant que la Russie avait “interféré” dans les élections de 2016 contre Hillary Clinton. Il cite l'ancien responsable du FBI, Andrew McCabe, défendant l'inclusion du soi-disant dossier Steele – produit par un ancien espion britannique payé par la campagne Clinton via des découpes – dans l'annexe comme une simple argumentation raisonnable.

» Même si le FBI a rapidement découvert que le dossier était faux et qui l’avait financé, il a continué à l’utiliser pour espionner la campagne et la présidence de Trump.

» Lorsque Trump a contesté l’évaluation des renseignements – rédigée non pas par les 17 agences, mais par un groupe trié sur le volet de loyalistes de l’administration Obama – lors du sommet de juillet 2018 avec le président russe Vladimir Poutine, les espions ont estimé que “jamais auparavant il n’y avait eu de commandant en chef de cette sorte”, qui avait ainsi publiquement délégitimé leur travail. Dan Coats, DNI de Trump, a déclaré à Politico que cela l’avait incité à offrir sa démission en février 2019 – qui a finalement été acceptée en août de la même année. »

On continue dans cette veine avec les attaques contre Trump développées dans l’article, par ces diverses sources des services de renseignement qui se posent en défenderesse de l’efficacité et de l’objectivité des services face à cette agression à venir. Lorsqu’on a à l’esprit les performances totalement distordues, totalement partisanes en faveur de l’establishment et de la politiqueSystème, grandes ouvertes à la corruption, avec les analyses volontairement et involontairement faussaires et les prévisions catastrophiquement erronées de ces services durant les dernières décennies depuis 1991, et surtout depuis 2015-2016 et la guerre anti-Trump qu’ils ont menée avec l’impudence et l’impunité qu’on sait, on peut mesurer la valeur de leurs interventions et, a contrario, en déduire la vigueur de la panique qui les a saisis. 

« “Il veut transformer la communauté du renseignement en une arme à son profit”, a déploré Hill. “S'il détruit les informations sur une chose, il nous aveuglera partiellement“.

» Plusieurs responsables anonymes ont déclaré que les éventuelles purges de Trump pourraient mettre en péril “les sources et les méthodes” utilisées par les espions américains et saper la confiance que les alliés américains ont en Washington, que l’administration Biden s’est efforcée de reconstruire. En décembre dernier, un diplomate d’un pays membre anonyme de l’OTAN a décrit la réélection de Trump et la purge de l’appareil administratif américain comme une “option apocalyptique”.

» D’autres craignent que la nomination de personnalités “controversées” n’entraîne la démission de fonctionnaires et de personnel compétents.

» “Il y a des milliers de personnes qui se cassent le cul, souvent dans des endroits dangereux, et qui sacrifient beaucoup pour le pays. Et voir leur travail simplement rejeté par un commandant en chef est tout simplement décourageant”, a déclaré Jon Darby, ancien directeur des opérations à la National Security Agency (NSA), à Politico. »

Un affrontement inévitable

Il est raisonnable de considérer cet article de ‘Politico’, avec toutes les caractéristiques qu’on a signalées, comme très significatif, par rapport notamment à la chronologie (très tôt dans la campagne présidentielle) et à l’hypothèse qu’il implique (victoire de Trump à l’élection de novembre prochain). Son contenu, la vastitude de la contribution volontaire de sources du renseignement pratiquement identifiées par les connaisseurs, donc à considérer quasiment comme des porte-paroles officiels des services, en font une véritable déclaration de guerre et une sorte de “serment des Horaces” qui s’intéresse assez peu à la démocratie : “Nous ne laisserons pas se faire votre (ré)élection”.

C’est une arme et une attaque à double tranchant :

• D’une part, elle proclame la résolution irréfragable de mettre en place tous les moyens pour torpiller l’élection  et, éventuellement si cette première attaque échoue, de faire fonctionner les services de renseignement comme une machine de guerre partisane contre celui qui serait le président-élu.  Cela constitue un amusant renversement des culpabilités puisque c’est affirmer, l’aveu circonstancié précédant la preuve, que les services feront tout ce qu’ils reprochent sans la moindre preuve à Trump 2016-2020 d’avoir fait contre eux. Certes, on ne peut que conclure, comme le fera sans surprise excessive l’équipe Trump : “A bon entendeur, salut”.

• D’autre part et à l’inverse pour son parti, la coalition anti-Trump de la communauté du renseignement donne un argument supplémentaire, et un argument décisif, à l’équipe Trump éventuellement devenue administration Trump-2.0, pour conclure qu’il y aura immédiatement une bataille existentielle entre cette possible-probable administration et la communauté. Cela ancre Trump dans une position extrémiste d’affrontement avec la force la plus puissante de l’appareil de sécurité nationale et de l’État profond à Washington D.C. Les conditions seront très différentes de la bataille de 2016-2020, où Trump commit un nombre de fautes incroyables dans le choix de ses collaborateurs, dans l’exercice de son autorité, dans la confusion de ses jugements, dans la bataille elle-même. On peut croire qu’il en sera d’une toute autre façon, où Trump sait qu’il y aura cette bataille existentielle, qu’il a acquis une expérience considérable, qu’il a pu identifier et rallier des collaborateurs expérimentés et compétents, – toutes choses inexistantes chez lui en 2016.

... Et surtout, pour ce dernier point, il y a la différence abyssale du contexte mpolitique. Lorsqu’on considère les choix et les circonstances de 2016, et ceux d’aujourd’hui, on est stupéfaits de la différence et du changement ultra-rapide en train de s’opérer chez les républicains, – qui deviennent bien plus que “le parti de Trump”, mais le parti des néo-isolationnistes populistes. Le départ annoncé avant-hier du puissant sénateur et chef des républicains au Sénat Mitch McConnell marque un tournant dans le parti et la fin des RINO (‘Republicans in Name Only’) complices des démocrates pour former le “parti unique” qui portait la politiqueSystème. Des collaborateurs du calibre des néo-républicains et ex-démocrates populistes, – d’une Tulsi Gabbard, d’une Kristi Noem ou d’un Rawaswamy comme candidats et possibles VP (à la place de l’incroyable choix de Mike Pence en 2016), d’experts très actifs tels que les dissidents venus de la CIA (Larry Johnson), de l’armée (le colonel Macgregor), – tout cela a une autre allure que le groupe disparate et sans choix réellement politique de 2016.

Note de PhG-Bis : « J’ignore, dit PhG, si les Européens lucides suivent vraiment cet aspect essentiel de la situation politique US, – c’est-à-dire que je le sais bien et que je déplore que non... J’ai entendu l’excellent Emmanuel Todd, auteur du non moins excellent ‘La défaite de l’Occident’, nous parler de l’absence complète d’importance de l’élection éventuelle de Trump. Je suis bien malheureux qu’il en soit encore au schéma du “parti unique” (“les républicains et les démocrates sont les deux faces de la même pièce”)... Il est vrai que les choses vont vite, quasiment en hypersonique, à Washington D.C. »

Il ne fait aucun doute que l’élection de Trump, – d’ailleurs qu’il soit élu ou non, du fait de la puissance du mouvement qui s’est servi de lui pour se constituer, – donc, il ne fait aucun doute que l’élection de 2024 en soi sera le champ du début d’une bataille titanesque entre le Système (l’establishment, l’État profond, la communauté du renseignement, le complexe militaro-industriel, – tout ce qu’il vous plaira) et cette nouvelle force populiste-trumpiste, structurée par des personnalités d’une puissance énorme dans leurs domaines (Tucker Carlson, Elon Musk). On peut avancer l’hypothèse qu’il s’agira d’un tournant essentiel dans l’évolution de la GrandeCrise.

Il y a quelques temps, – quelques semaines, pas plus, – on pouvait dire qu’il s’agissait des nationalistes contre les globalistes... Plus maintenant : il s’agit désormais de l’enjeu de la civilisation dans sa totalité, voire du concept de civilisation. On ne dit pas qui l’emportera, si Trump sera élu, etc., – toutes choses accessoires parce que simples moyens de faire se mouvoir l’Événement, – mais on sait que l’ordre ancien sera balayé et remplacé par quelque chose d’autre, comme à la fin d’un cycle, – et nul ne sait ce que ce sera, quelque part entre le goulag électronique global et l’arrangement inédit et harmonieux des affaires du monde.

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