08 février 2024

Le destin du monde

Le destin du monde d'après la tradition shivaïte

Alain Daniélou enseignait la musique à Bénarès. Il écrit : « Je m'étais intéressé à l’œuvre de René Guénon. Son approche sur la tradition justement, quand j'en parlais, intéressait et étonnait beaucoup les gens. Cela a donc été une forme d'approche puisque j'étais déjà, au départ, plus orthodoxe que les orthodoxes ! D'ailleurs, j'ai traduit certains textes de René Guénon en hindi pour les publier dans les revues traditionalistes. »
C'est auprès des représentants de l'ancien Shivaïsme qu'Alain Daniélou a recueilli des éléments de ce que l'on appelle la Tradition (paramparâ). Il a traduit plusieurs textes anciens qui traitent du Kali Yugä. Le crépuscule du Kali Yugä, le cycle ultime de l'humanité actuelle, a débuté en 1939 et prendra fin en 2442.

Les signes précurseurs

La période qui précède le cataclysme qui doit détruire l'espèce actuelle des humains est marquée par des désordres qui sont les signes annonciateurs de sa fin. Comme ce fut le cas des Assours, Shivä ne peut détruire que les sociétés qui se sont éloignées de leur rôle, ont transgressé la loi naturelle. Selon la théorie des cycles qui règlent l'évolution du monde, nous approchons aujourd'hui de la fin du Kali Yugä, l'âge des conflits, des guerres, des génocides, des malversations, des systèmes philosophiques et sociaux aberrants, du développement maléfique du savoir qui tombe dans des mains irresponsables. Les races, les castes se mélangent. Tout tend à se niveler et le nivellement, dans tous les domaines, est le prélude de la mort. ce processus s'accélère. Le phénomène de l'accélération est l'un des signes de la catastrophe approchante. Les Purânä décrivent les signes qui caractérisent le crépuscule du Kali Yugä.

D'après le Lingä Purânä : « Ce sont les plus bas instincts qui stimulent les hommes du Kali Yugä. Ils choisissent de préférence les idées fausses. Ils n'hésitent pas à persécuter les sages. L'envie les tourmente. La négligence, la maladie, la faim, la peur se répandent. Il y aura de graves sécheresses. Les différentes régions des pays s'opposent les unes aux autres.

Les livres sacrés ne sont plus respectés. Les hommes seront sans morale, irritables et sectaires. Dans l'âge de Kali se répandent de fausses doctrines et des écrits trompeurs.

Les gens ont peur car ils négligent les règles enseignées par les sages et n'accomplissent plus correctement les rites.

Beaucoup périront. Le nombre des princes et des agriculteurs décline graduellement. Les classes ouvrières veulent s'attribuer le pouvoir royal et partager le savoir, les repas et les lits des anciens princes. La plupart des nouveaux chefs est d'origine prolétaire. Ils pourchasseront les prêtres et les tenants du savoir.

On tuera les fœtus dans le ventre de leur mère et on assassinera les héros. Les Shudrä prétendront se comporter comme des Brahmanes et les prêtres comme des ouvriers.

Des voleurs deviendront des rois, les rois seront des voleurs.

Nombreuses seront les femmes qui auront des rapports avec plusieurs hommes.

La stabilité et l'équilibre des quatre classes de la société et des quatre âges de la vie disparaîtront. La terre produira beaucoup dans certains lieux et trop peu dans d'autres.

Les dirigeants confisqueront la propriété. Ils cesseront de protéger le peuple.

Des hommes vils qui auront acquis un certain savoir (sans avoir les vertus nécessaires à son usage) seront honorés comme des sages.

Des hommes qui ne possèdent pas les vertus des guerriers deviennent rois. Des savants seront au service d'hommes médiocres, vaniteux et haineux. Les prêtres s'aviliront en vendant les sacrements. Il y aura beaucoup de personnes déplacées, errant d'un pays à un autre. Le nombre des hommes diminuera, celui des femmes augmentera.

Les bêtes de proie seront plus violentes. Le nombre des vaches diminuera. Les hommes de bien renonceront à jouer un rôle actif.

De la nourriture déjà cuite sera mise en vente. Les livres sacrés seront vendus aux coins des rues. Les jeunes filles feront commerce de leur virginité. Le dieu des nuages sera incohérent dans la distribution des pluies. Les commerçants feront des opérations malhonnêtes. Ils seront entourés de faux philosophes prétentieux. Il y aura beaucoup de mendiants et de sans-travail. Tout le monde emploiera des mots durs et grossiers. On ne pourra se fier à personne. Les gens seront envieux. Nul ne voudra réciproquer un service rendu. La dégradation des vertus et la censure des puritains hypocrites et moralisateurs caractérisent la période de la fin du Kali. Il n'y aura plus de rois. La richesse et les moissons diminueront. Des groupes de bandits s'organiseront dans les villes et les campagnes. L'eau manquera et les fruits seront peu abondants. Ceux qui devraient assurer la protection des citoyens ne le feront pas. Nombreux seront les voleurs. Les viols seront fréquents. Beaucoup d'individus seront perfides, lubriques et risque-tout. Ils porteront les cheveux en désordre. Beaucoup d'enfants naîtront dont l'espérance de vie ne dépasse pas seize ans. Des aventuriers prendront l'apparence de moines avec la tête rasée et des vêtements orangés, des chapelets autour du cou. On volera des stocks de blé. Les voleurs voleront les voleurs. Les gens deviendront inactifs, léthargiques et sans but. Les maladies, les rats et les substances nocives les tourmenteront. Des gens affligés par la faim et la peur se réfugieront dans des « abris souterrains » (kaushikä).

Rares seront les gens qui vivront cent ans. Les textes sacrés seront adultérés. Les rites seront négligés. Les vagabonds seront nombreux dans tous les pays.

Des hérétiques s'opposeront au principe des quatre castes et des quatre stages de la vie. Des gens non qualifiés passeront pour des experts en matière de morale et de religion.

Les gens massacreront des femmes, des enfants, des vaches et se tueront les uns les autres. » (Lingä Purânä, chap. 40.)

D'après le Vishnu Purânä : « Les gens du Kali Yugä prétendront ignorer les différences des races et le caractère sacré du mariage (qui assure la continuité d'une race), la relation de maître à élève, l'importance des rites. Durant le Kali Yugä des gens de toutes origines épouseront des filles de n'importe quelle race. 

Les femmes deviendront indépendantes et rechercheront les beaux mâles. Elles s'orneront de coiffures extravagantes et quitteront un mari sans ressources pour un homme riche. Elles seront minces, gourmandes, attachées au plaisir. Elles produiront trop d'enfants mais seront peu respectées. Ne s'intéressant qu'à elles-mêmes, elles seront égoïstes, leurs paroles seront perfides et trompeuses. Des femmes de haute naissance se livreront aux désirs des hommes les plus vils et pratiqueront des actes obscènes.

Des femmes de haute naissance se livreront aux désirs des hommes les plus vils et pratiqueront des actes obscènes.

Les hommes ne chercheront qu'à gagner de l'argent, les plus riches détiendront le pouvoir. Ceux qui posséderont beaucoup d'éléphants, de chevaux et de chars seront rois. Les gens sans ressources seront leurs esclaves.

Les chefs d'Etats ne protégeront plus le peuple mais, au moyen d'impôts, s'approprieront toutes les richesses. Les agriculteurs abandonneront leurs travaux de labours et de moissons pour devenir des ouvriers non spécialisés et prendront les mœurs des hors-castes. Beaucoup seront vêtus de haillons, sans travail, dormant par terre, vivant comme des miséreux.

Par la faute des pouvoirs publics, beaucoup d'enfants mourront. Certains auront des cheveux blancs à douze ans.

En ces temps la voie tracée par les textes sacrés s'effacera. Les gens croiront en des théories illusoires. Il n'y aura plus de morale et la durée de la vie en sera raccourcie.

Les gens accepteront comme articles de foi des théories promulguées par n'importe qui. On vénérera de faux dieux dans de faux ashrams dans lesquels on décrétera arbitrairement jeûnes, pèlerinages, pénitences, don de ses biens, austérités au nom de prétendues religions. Des gens de basse extraction revêtiront un costume religieux et, par leur comportement trompeur, se feront respecter.

Les gens prendront leur nourriture sans s'être lavés. Ils ne vénéreront ni le feu domestique ni les hôtes. Ils ne pratiqueront pas les rites funèbres.

Les étudiants n'observeront pas les règles de leur état. Les hommes établis ne feront plus d'offrandes aux dieux ni de dons aux gens méritants.

Les ermites (vanaprasthä) mangeront de la nourriture de bourgeois et les moines (sannyâsî) auront des liaisons amoureuses (snéhä-sambandhä) avec leurs amis.

Les ouvriers (shudrä) réclameront l'égalité avec les savants. Les vaches ne seront sauvées que parce qu'elles donnent du lait.

Les pauvres se feront une gloire de leur pauvreté et les femmes de la beauté de leur chevelure.

L'eau manquera et, dans beaucoup de régions, on regardera le ciel dans l'espoir d'une averse. Les pluies manqueront, les champs deviendront stériles, les fruits n'auront plus de saveur. Le riz manquera, on boira du lait de chèvre.

Des gens souffrant de la sécheresse se nourriront de bulbes et de racines.

Ils seront sans joies et sans plaisirs. Beaucoup se suicideront. Souffrant de famine et de misère, tristes et désespérés, beaucoup émigreront vers les pays où poussent le blé et le seigle.

Les hommes de peu d'intelligence, influencés par des théories aberrantes, vivront dans l'erreur. Ils demanderont à quoi bon ces dieux , ces prêtres, ces livres saints, ces ablutions ?

On ne respectera plus la lignée des ancêtres. Le jeune époux ira vivre chez ses beaux-parents. Il dira : que signifient un père ou une mère ? Tous selon leurs actes, leur karmä, sont nés et meurent. (La famille, le clan, la race n'ont donc aucun sens.)

Dans le Kali Yugä les hommes sont sans vertus, sans pureté, sans pudeur, et connaîtront de grands malheurs. » (Vishnu Purânä, VI.1.)

D'après le Lingä Purânä (chap. 40) : « Durant la période de crépuscule qui termine le Yugä le justicier viendra et tuera les méchants. Il sera né de la dynastie de la lune. Son nom est Guerre (Samiti). Il errera sur toute la terre avec une vaste armée. Il détruira les Mlécchä (les Barbares de l'Occident) par milliers. Il détruira les gens de basse caste qui se sont saisis du pouvoir royal et exterminera les faux philosophes, les criminels et les gens de sang mêlé. Il commencera sa campagne dans sa trente-deuxième année et continuera pendant vingt ans.

Il tuera des millions d'hommes, la terre sera rasée. Les gens s’entretueront furieusement. A la fin il restera çà et là des groupes de gens qui s'entre-tueront pour se voler mutuellement. Agités et confus ils abandonneront leurs femmes et leurs maisons.

Ils seront sans éducation, sans lois, sans honte, sans amour. Ils abandonneront leurs champs pour émigrer hors des frontières de leur pays.

Ils vivront de vin, de viande, de racines et de fruits, seront vêtus d'écorce, de feuilles, de peaux de bêtes. Ils n'utiliseront plus de monnaie. Ils auront faim, seront malades et connaîtront le désespoir. C'est alors que quelques-uns commenceront à réfléchir. » (Lingä Purânä, chap. 40.)


La fin du monde

« Ce que l'on appelle « Fin du Monde » (pralayä) est de trois sortes, l’une provoquée (naïmittikä) ; la deuxième naturelle (prâkritä) ; la troisième immédiate (atyantikä).

La destruction provoquée, (qui concerne tous les êtres vivants sur la terre), a lieu à la fin de chaque Kalpä (cycle des Yugä). Elle est appelée accidentelle ou provoquée (naïmittikä).

La destruction naturelle (prâkritä) est celle qui concerne l'univers entier. Elle a lieu lorsque cesse le rêve divin qu'est le monde. La matière, l'espace, le temps cessent alors d'exister. Elle a lieu à la fin des temps (parardhä). » (Vishnu Purânä 1.3.) La troisième destruction appelée immédiate (atyantikä) se réfère à la libération (mokshä) de l'individu pour qui le monde apparent cesse d'exister.

La destruction immédiate concerne donc l'individu, la destruction provoquée, l'ensemble des espèces vivantes sur la terre, la destruction naturelle la fin de l'univers.

La destruction accidentelle ou provoquée (naïmittikâ pralayä)

« La destruction (des espèces vivantes) que l'on appelle accidentelle ou provoquée (naïmittikâ) a lieu à la fin du Manvantarä (l'ère d'un Manu), du cycle des Yugä. Elle concerne donc l'espèce humaine.

Elle a lieu lorsque le créateur ne trouve plus d'autres remèdes qu'une destruction totale du monde pour mettre fin à la multiplication désastreuse et non prévue des êtres vivants. » (Mahâbhâratä, 12.248., 13-17.) Cette destruction commencera par une explosion sous-marine appelée Vadavâ, la « cavale », qui aura lieu dans l'océan du sud.

Elle sera précédée d'une sécheresse de cent années durant laquelle les êtres qui ne sont pas robustes périront. Sept explosions de lumière assécheront toutes les eaux. Les mers, les rivières, les ruisseaux des montagnes et les eaux souterraines seront asséchées.

Douze soleils feront se dessécher les mers. Nourris de cette eau se formeront sept soleils qui réduiront en cendres les trois mondes ; la terre deviendra dure comme le dos d'une tortue.

Un feu issu de la bouche d'un serpent souterrain brûlera les mondes inférieurs puis la surface de la terre et embrasera l'atmosphère. Cette masse de feu tournera avec un grand bruit. Entourés de ces cercles de feu tous les êtres mobiles et immobiles seront détruits.

Le dieu destructeur soufflera d'énormes nuages qui feront un bruit terrible.

Une masse de nuages chargés d'énergie, « destructeurs-de-tout », apparaîtra dans le ciel comme un troupeau d'éléphants. » (Vishnu Purânä, I. chap. 8. 186 « 31.)

Lorsque la lune sera dans la constellation de Pushyä (du Verseau) des nuages invisibles appelés Pushkarä (nuage de mort) et Avartä (nuage sans eau, nirjalä) recouvriront la terre. (Shivâ Purânä 5.1., 48-50)

Certains de ces nuages seront noirs, d'autres blancs comme le jasmin, d'autres cuivrés, d'autres jaunes, d'autres gris comme les ânes, d'autres rouges, bleus comme le lapis ou le saphir, d'autres tachetés, orangés, indigo. Ils ressembleront à des villes ou des montagnes. Ils couvriront toute la terre.

Ces nuages gigantesques, faisant un bruit terrible, obscurciront le ciel et inonderont la terre d'une pluie de poussière qui éteindra le feu terrible. Puis, par un interminable déluge, ils noieront d'eau le monde entier. Cette pluie diluvienne noiera la terre pendant douze ans et l'humanité sera détruite. Le monde entier sera dans l'obscurité. L'inondation durera sept ans. La terre semblera un immense océan. (Vishnu Purânä, I, chap. 7, 24-40.)

Le monde où vit l'espèce humaine est formé de quatre sphères appelées Bhûr, Bhuvar, Svar et Mahar. Bhûr est la terre, Bhuvar, l'atmosphère, Svar le monde planétaire et Mahar un monde extra-planétaire, peut-être celui que nous attribuons aujourd'hui aux extra-terrestres. Sa durée est beaucoup plus longue que celle du monde terrestre. C'est là que certains hommes trouveront refuge lors de la catastrophe qui détruira l'ensemble de l'espèce à la fin du Kali Yugâ.

« Lorsque la dissolution du monde paraîtra imminente, certains hommes abandonnent la terre durant les derniers jours du Kalpä et se réfugient dans le monde de Mahar (le monde extra-planétaire), et de là retourneront dans le « monde de la vie » (janä-lokä). » (Lingâ Purânä 1.4., 39-40.)

Ces quelques humains qui survivent à l'holocauste seront les progéniteurs de l'humanité future.

Sept humanités doivent encore se succéder sur la terre et, lorsque reparaîtra l'âge d'or, sept sages se manifesteront pour enseigner de nouveau la loi divine aux quelques survivants des quatre castes. » (Shivâ Purânä 5.4., 40-70.)

L'apocalypse de Jean présente une vision analogue à celle des Purânä dont la tradition n'était certainement pas inconnue de son temps puisque c'est seulement en 304 de notre ère que saint Grégoire fit détruire, entre autres, les deux temples hindous construits en Arménie sous le règne d'un monarque Arsacide, en 149 et 127 avant J.-C.

Nous arrivons à la fin de l'ère de la constellation du Poisson. D'après l'apocalypse de Jean (1) « l'ère du Christ finira avec l'ère du Poisson, ensuite vient le Verseau ». Nous entrons dans l'ère du Verseau ce qui implique des transformations profondes.

Dans la description de Jean :

« La terre se met à trembler. Des étoiles tombent sur la terre Une grande étoile ardente tombe du ciel et la Terre est obscurcie par la fumée. Le jour perd un tiers de sa clarté. Il tombe une grêle de feu mêlé de sang. Les hommes sont brûlés par une grande chaleur et souffrent d'ulcères. Une douleur pareille à celle provoquée par la piqûre du scorpion les tourmente.

Les grands et les chefs militaires se réfugient dans des cavernes. Les marchands, qui étaient devenus les puissants de la terre, se lamentent devant leurs stocks détruits. Tous les êtres vivants qui étaient dans la mer meurent. »

Jean voit aussi :

« Une armée entourée de cuirasse avec des queues (des chars avec des canons) ayant une bouche par laquelle ils faisaient le mal.

Le sauveur vêtu de blanc apparaît sur un cheval blanc.

La disparition ou mort naturelle (prâkritä pralayä) du monde.

« La destruction du monde est impliquée dans le fait même de la création et suit un processus inverse dans la pensée du Créateur. Lorsque la force d'expansion (tamas) et celle de concentration (sattvä) s'équilibrent, la tension (rajas), qui est la cause première, la substance (pradhânä) de l'univers, cesse d'exister et le monde se dissout dans l'imperceptible. Tous les vestiges de la création sont détruits, pradhânä et Purushä deviennent inactifs. La terre, l'atmosphère, les mondes planétaires et extra-planétaires disparaissent. Tout ce qui existe est réuni en une masse liquide, un océan de feu où se dissout le monde. C'est dans cet océan cosmique que le principe organisateur, Brahmâ, s'endort jusqu'à ce que, à la fin de la nuit cosmique, il s'éveille et, prenant la forme d'un sanglier, soulève un monde nouveau hors des flots. » (Lingä Purânä, 1.4., 36-61.)

« La durée de l'univers est exprimée par un nombre de dix-huit chiffres. Lorsque la fin des temps est arrivée, le principe de l'odorat (gandhä tanmâträ) disparaît et, avec lui, la matière solide. Tout devient liquide.

Puis disparaît le principe du goût (rasä tanmâträ) et avec lui l'élément liquide. Tout devient gazeux. Ensuite disparaît le principe du toucher (sparshä tanmâträ) et avec lui l'élément gazeux. Tout devient feu.

S'efface alors le principe de la visibilité, le Rûpä Tanmâträ (forme et lumière).

Quand la visibilité disparaît il ne reste que la vibration de l'espace qui s'efface à son tour.

Il ne reste que l'espace comme un vide de forme sphérique où seul le principe vibratoire existe. Cette vibration est résorbée dans le « Principe des éléments » (bhûtâdi), c'est-à-dire le principe d'identification ou d'individualité (ahamkarä).

Les cinq éléments et les cinq sens ayant disparu, il reste seulement le principe d'individualité (ahamkarä) qui fait partie de la force d'expansion (tamas) qui, elle aussi, se dissout dans le grand principe (mahat tattvä) qui est le principe de la conscience (buddhi).

Le plan (purushä), indestructible, omniprésent, qui est une émanation de l’Être, retourne à sa source. » (Vishnu Purânä, I chap. 8 et 9.)

« Le jeu (lîlâ) de la naissance et de la disparition des mondes est un acte du pouvoir de l’Être qui est au-delà de la substance (pradhânä) et du plan (purushä), du manifesté (vyaktä), du non-manifesté (avyaktä) et du temps (kâlä).

Le temps de l’Être n'a ni commencement ni fin. C'est pourquoi la naissance, la durée et la disparition des mondes ne s'arrête jamais. Lors de la destruction il n'existe plus ni jour ni nuit, ni espace, ni terre, ni obscurité, ni lumière, ni rien d'autre que l’Être au-delà des perceptions des sens ou de la pensée. »
(Vishnu Purânä, I chap. 1, 18-23.)

Alain Daniélou


1) Les descriptions modernes d'une guerre atomique sont presque identiques à la vision des Purânä.

D'après Jonathan Scheel : « Durant les premiers instants d'une offensive... des boules de feu éblouissantes s'épanouiraient au-dessus des métropoles, des villes et des banlieues, comme autant de soleils plus aveuglants encore que l'astre lui-même; simultanément la plupart des habitants seraient irradiés, broyés, brûlés vifs. Le rayonnement thermique soumettrait plus d'un million cinq cent mille kilomètres carrés à une chaleur de quarante calories par centimètre carré - température à laquelle les chairs humaines sont carbonisées. »

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